vendredi 25 juin 2010

P. 248. Cérémonie au Parvis des Justes à Lille

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Invitation à la cérémonie de Lille, le 24 juin 2010.

Léon et Claire Dubois
Justes parmi les Nations

Lille : à l'angle de la rue des Tanneurs et de la rue de Béthune, le Parvis des Justes a servi de cadre à une cérémonie de reconnaisance de Justes parmi les Nations, ce 24 juin 2010.
Préparée par Didier Cerf ainsi qu'Annie Karo, Délégués du Comité Français pour Yad Vashem (1), cette cérémonie marquait l'attribution du diplôme et de la Médaille de Justes - à titre posthume - au couple Léon et de Claire Dubois.

Synthèse du dossier Yad Vashem :

- "En 1939, Chil Mohr et Lina Ruck qui ont émigré de Pologne dans les années 20, habitent rue de Rocroi à Lille avec leur fils unique Léo, né en 1932.
Chil Mohr est marchand forain.Très engagé à gauche, il écrit dans des journaux et revues yddish et mène de nombreuses activités culturelles.

Au cours de la débâcle de Mai 1940, devant l’invasion nazie, la famille Mohr fuit sous les bombes et se réfugie dans le Morbihan où elle reste deux mois avant de retourner à Lille.

1942 : la vie devient très difficile : lois anti juives, port de l’étoile jaune , rafles...
Le 16 juillet 1942, c’est la rafle du Vel d’hiv. Chil Mohr apprend l’arrestation de sa jeune soeur Henna avec ses deux filles Charlotte, 6 ans et Léa, 3 ans. Elles seront déportées à Auschwitz le 26 août 1942 et ne reviendront pas.

La famille décide alors de fuir en zone "libre". Grâce à de faux papiers fournis par des résistants à la Préfecture de Lille, ils franchissent la ligne de démarcation et rejoignent le reste de la famille Ruck à Gan où ils sont accueillis comme réfugiés.
Dans ce village du Béarn, prés de Pau, la vie s’organise : Léo va à l’école primaire puis en octobre 1943, fait sa rentrée en 6 ème comme interne au Lycée Louis Barthou de Pau.

Mais en novembre 1943, la zone "libre" connaît l’occupation nazie, l’étau se resserre sur les juifs. Des rafles ont même lieu dans les classes, les professeurs recommandent la fuite.
Prévenu d’une rafle imminente par des résistants de Pau, Chil Mohr fuit et se cache à Oloron-Sainte Marie.
Lina et son fils Léo décident de rester, mais ils sont surpris au petit matin par des miliciens et ont juste le temps de s’enfuir à travers champs.
Lina se dirige vers la ferme Mirassou dans le petit village des monts de Bosdarros, chez la famille Dubois qu’elle connaît pour y avoir parfois acheté du lait et des œufs.

Léon et Claire Dubois habitent avec le grand père et 3 de leurs 6 enfants Juliette, 18 ans, Alfred, 13 ans et Irène, 11 ans alors que les 3 aînés, Robert, Jean Louis et Germain sont prisonniers de guerre en Allemagne.
Lina est accueillie avec chaleur et compréhension.
Après un bref échange de paroles, les Dubois acceptent tout naturellement de garder ce petit garçon juif, et lorsque Lina tend à Claire Dubois un petit sachet contenant quelques bijoux au cas où elle ne reviendrait pas, Claire refuse et lui dit : « Nous avons élevé 6 enfants, Léo sera le 7ème ».

Léo passera une année heureuse entourée d’une vraie famille généreuse et souriante.
En Septembre 1944, c’est la libération : Léo retrouve ses parents et il se souvient encore aujourd’hui, avec émotion des retrouvailles des deux familles à Mirassou.
En 1945 la famille Mohr regagne Lille où la vie reprend son cours.

Léon Dubois est décédé en 1950.
Lina Mohr et Claire Dubois entretiendront une correspondance régulière jusqu'au décès de Claire."

Léon et Claire Dubois (Arch. L. Mohr / Mont. BCFYV / DR).

Témoignage par Léna, petite-fille de Léo Mohr (2) :

- "Chil MOHR (18 ans) et Lina RUCK (16 ans) mes arrières grands-parents sont arrivés en 1920 de Galicie, province autrichienne devenue polonaise.
Mariés à Lille en 1928, ils habiteront le quartier Saint Sauveur : rues de Tournai, Charles Saint-Venant, Rocroi...place Simon Vollant.
Léo, mon grand-père, naît en 1932.

Chil, Charles désormais, est marchand forain mais surtout passionné de culture Yiddish : il écrit de la poésie il fait chanter des chorales et écrit dans la presse juive de gauche, où il exprime son engagement politique. Lina le seconde dans ces taches.

Léo va à l'école Carnot au pied du beffroi.
Lille est une ville riante, défilés de géants Lyderic et Phynaert et les géants flamands invités. D'autres défilés derrière des drapeaux, avec les copains de la rue de la Vignette. Et triste la ville à la mort du maire Roger Salengro.

Mai 40. La débâcle sous les stukas et les bombes. Abbeville, Eu, Dieppe, Rouen seront rasés derrière eux. Ils sont réfugiés à Auray en Bretagne. Lorient brûle au loin.

1940/41 à Lille, les pénuries sont supportées avec courage, mais les prisonniers sont retenus encore en Allemagne et l'oppression politique est lourde.
1942.Les lois antijuives sont appliquées avec toutes leurs violences. Port obligatoire de l'étoile jaune à partir de l'âge de 6 ans. On peut lire « Juif »en lettres noires.
L'entrée en classe de Léo qui porte cette étoile cousue sur le vêtement crée un brouhaha. Le maître, Monsieur Bodaert, calme les élèves avec des mots justes et élogieux et recommande à Léo de ne plus revenir en classe.

Juillet 1942 au Vel d'hiv. Hanna, ses deux filles : Charlotte 6 ans, Léa 3 ans sont raflées et déportées vers Auschwitz, elles ne reviendront pas.
Hanna était la plus jeune soeur de mon arrière grand-père.
La survie passe par la fuite en zone libre. Grâce aux excellents faux papiers fournis par des résistants de la préfecture de Lille ils franchissent les lignes.
Samuel RUCK, frère de Lina, ne franchira pas cette ligne, il sera déporté à Auschwitz et ne reviendra pas.
Ils rejoignent enfin leur famille Ruck à Gan prés de Pau où ils sont très bien accueillis comme réfugiés.

La vie reprend, Léo va à l'école communale puis au lycée Louis Barthou à Pau. Octobre 1943 les nazis envahissent la zone libre. Les professeurs recommandent alors aux enfants juifs de quitter les classes devant les menaces de perquisitions policières et S.S.

Prévenu par des résistants, d'une rafle imminente, mon arrière grand-père fuit dans la nuit et se cache à Oloron.
Lina et son fils Léo restent mais sont surpris au petit matin par des miliciens de Vichy, menaçants.
Ils ont juste le temps de fuir à travers champs.
Ils se dirigent alors vers la ferme Mirassou dans les monts de Bosdarros, qu'ils connaissent pour y avoir acheté du lait et des oeufs.

Léon et Claire DUBOIS, le grand père Candegabe y habitent avec trois enfants : Juliette 18 ans, Alfred 13 ans et Irène 11ans.
Les trois fils aînés Robert, Jean-Louis, et Germain sont prisonniers en Allemagne.
Lina est accueillie avec chaleur et compréhension.
Quelques mots brefs, les Dubois acceptent tout naturellement de garder ce petit garçon juif, et lorsque Lina tend à Claire un petit sachet contenant quelques bijoux au cas ou elle ne reviendrait pas.
Claire refuse et dit doucement :
- « Nous avons élevé 6 enfants, Léo sera le 7ème ! »

Léo passera une année heureuse entourée d'une vraie famille généreuse et souriante.
Le 6 Juin 1944 : le facteur a bien du mal à grimper la côte, il a trop fêté le
Débarquement des Alliés en Normandie...
Septembre 1944. C'est la LIBERATION.
Léo se souviendra toujours avec émotion du bonheur des familles retrouvées à
Mirassou.

En 1945 la famille Mohr regagne Lille.
Léon Dubois décèdera en 1947.
Lina Mohr et Claire Dubois entre tiendront une correspondance régulière jusqu'au décès de Claire.

Au Nom des neuf arrières petits enfants de Lina et Charles, je remercie Claire et Léon et salue leur mémoire.
Je salue Robert, Juliette, Alfred, Irène leurs enfants et petits enfants."

De g. à dr. : S. Ravel, Irène Boutillon, M. Aubry, Juliette Paty, Alfred Dubois, Léo Mohr (DR).

Témoignage de Léo Mohr :

- "La belle histoire de ma rencontre avec la famille DUBOIS commence dans les petites rues de GAN, dans les heures qui ont suivi la rafle du matin. Les miliciens rôdent encore. Pas de retour possible à la maison. Ma mère n'a qu'une idée : me confier vite à une famille. Nous marchons vers les collines de Bosdarros, assez haut déjà il y a bien la ferme Lajous. Nous les connaissons fort bien, ils acceptent de nous héberger, de nous cacher donc, mais ils sont âgés et garder un enfant c'est une autre affaire !
Essayez plus haut il y a les Dubois.

En effet la ferme Mirassou semble bien séduisante. La famille est dans la cour, surprise de nous voir arriver. Léon est stupéfait du récit par ma mère des
circonstances de la rafle. Ma mère demande qu’on garde son fils, en attendant des jours meilleurs. Claire, la maman, Juliette, Alfred, Irène les enfants présents écoutent en silence. Tous acceptent de garder ce petit garçon. Bien sûr il est admis qu'il n'ira pas à l'école. Irène ajoute : j'aurai un nouveau petit frère, tout le monde sourit.

Les tâches nouvelles font de Léo un fermier enthousiaste, car les bêtises sont
accueillies avec sourire !
Comme ce jour où il est rentré en lambeaux, piétiné par le troupeau de moutons.
Je t'avais pourtant dit de surveiller le bélier !
Comme ce jour où nous avons dévoré un cageot de cerises destiné à la vente au marché; il reporte l'achat de chaussures. Toujours avec le sourire.
J'ai même été autorisé à dresser Loulou, mon chien, à garder les vaches.
Claire est pleine d'attention, elle essaie bien de nous gâter avec des inventions pâtissières à base de maïs et de châtaignes.

La situation devient tendue, des parachutages d'armes ont lieu la nuit. On parle de dénonciations, nous quittons la ferme pour la nuit.
Léon déterre le fusil enfoui dans la vigne et refuse de quitter sa ferme.
Les soirées d'hiver sont longues, sans radio, sans phono, sans télé.
Nous mangeons des châtaignes autour du feu, nous égrenons le maïs et nous chantons.
J'ai bien essayé de leur apprendre le ptit quinquin, sans succès mais j'ai pu apprendre le bet ceu de Pau.
Ma mère a appris : « Oyfn pripitschik » à Irène et ce à mon insu. Irène chante à ce jour parfaitement en Yiddish cette chanson. Irène était chargée de me la rappeler un jour, si ma mère devait ne pas revenir.
« Oyfn pripitschik » semble une comptine destinée au BA-BA, mais la chanson se termine par ce conseil :
« Enfant, si un jour le poids de l'exil te paraît écrasant, va voir dans le livre ».

Je suis arrivé avec mon Yiddish interdit, et le Petit Quiquin et je suis reparti avec l'hymne béarnais Le beth ceu de PAU…"


NOTES :

(1) Délégués du Comité Français pour Yad Vashem, Didier Cerf et Annie Karo ont non seulement organisé cette cérémonie mais encore veillé à documenter cette page du blog.

(2) Enfant caché et à l'initiative de la nomination de ces nouveaux Justes parmi les Nations, Léo Mohr publie un blog "relatant les circonstances de sa rencontre avec la générosité et le courage".
Il vous invite à le consulter et à le diffuser.

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1 commentaire:

Hélène et Léo Mohr a dit…

A Monsieur CERF
Nous tenions Hélène et moi à vous remercier pour votre contribution à la construction puis à la réussite de cette remise de médaille pour Claire et Léon DUBOIS du 24 juin à LILLE.
Nous n'avons reçu que des
compliments émus de tous les invités, toutes générations confondues.
Ce fut une cérémonie bouleversante et nous associons bien sur tout le
personnel de YAD VASHEM de PARIS et de JERUSALEM à ces rmerciements.
Hélène et Léo Mohr