mercredi 30 septembre 2009

P. 173. Découvrez les "Sauveurs de la nuit", ces Justes d'Allemagne...

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Affiche du film, version originale allemande et photo (Mont. JEA / DR).

Lundi 19 octobre à 20h30
Cinéma l'Arlequin
76 rue de Rennes, Paris 6e

Sauveurs de la nuit
un film de Ludi Boeken


Synopsis :

- "Unter Bauern – Retter in der Nacht, Sauveurs de la nuit, adapté des mémoires de Marga Spiegel, évoque son histoire et celle des courageux fermiers de Westphalie, qui l'ont cachée, elle, son mari et sa fille, entre 1943 et 1945. Cette famille juive a ainsi été sauvée de la déportation par un homme, pourtant membre du parti nazi et dont le fils se battait sur le front russe, qui n'a pas hésité à mettre sa propre vie en danger pendant trois ans pour les protéger.

Sauveurs de la nuit, porté par Veronica Ferres et Martin Horn, brise avec fracas le mythe qui prétend que l'opposition au régime hitlérien était impossible, mettant en exergue le courage et la dignité dans leur combat face à la barbarie.

Évitant l'écueil du sentimentalisme à outrance, Ludi Boeken livre une oeuvre humaine où les personnages, héroïques ou lâches, et leurs dilemmes sont dépeints avec justesse et sans artifices."

Réservations.

Votre attention : cette soirée exceptionnelle se déroulera à guichets fermés. Il est donc indispensable de réserver les places (qui ne seront pas numérotées).

Soit par :
- téléphone auprès du Comité Français pour Yad Vashem 01 47 20 99 57
- fax au 01 47 20 95 57
- courriel : soiree.yadvashem@orange.fr

Marga Spiegel dont les mémoires ont été transposées au cinéma par Ludi Boeken (la carte d'identité remonte à 1947, mont. JEA / DR).

Le Monde :

- "Profondément catholiques, les Aschoff ont accueilli Marga et sa fille par charité chrétienne et par solidarité avec le mari, camarade de front de la Première guerre mondiale, médaillé de la Croix de Fer.
Le mari quant à lui, un marchand bestiaux, erre de grange en grange, trouve refuge chez d'autres paysans, forcé de vivre cloîtré, au bord de la folie.
Le film, une coproduction franco-allemande, décrit sans complaisance la difficile coexistence au quotidien entre les hôtes et les réfugiés juifs, dans l'angoisse constante d'être découverts par la moindre indiscrétion, ne serait-ce qu'une parole d'enfant.
C'est que ces paysans restent des patriotes allemands et que des préjugés antisémites restent vivaces auprès des plus jeunes, endoctrinés dans la Hitlerjugend.
Seulement les Ashoff ont été révoltés par les violences du régime contre les Juifs dès avant-guerre. Ils ne peuvent accepter que leurs voisins soient envoyés en déportation vers l'est d'où ils savent bien que "l'on n'en revient pas".
La tragédie ne les épargnera pas: leur fils va lui aussi partir pour l'est, pour un voyage sans retour, tué sur le front russe.

"J'ai réalisé ce film en hommage à tous ces anonymes - rares en Allemagne - qui ont su préserver leur humanité en sauvant des Juifs, comme l'a été ma famille en Hollande durant la seconde Guerre mondiale" a déclaré à l'AFP le metteur en scène néerlandais Ludi Boecken."
(30 septembre 2009).



jeudi 24 septembre 2009

P. 172. Témoignage de Claire Blum, enfant cachée

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Marguerite Bodez née Reitz (Arch. Jean Lou Kiefer / DR).

Décès de Marguerite Bodez-Reitz
fille et petite-fille de
Justes parmi les Nations

Des USA, et via Viviane Saül, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem, une enfant cachée, Claire Schusny-Blum a voulu saluer ici la mémoire de son amie Marguerite Bodez-Reitz.

Claire Schusny, née Blum :

- " J'ai été bouleversée d'apprendre la disparition de ma Chère Marguerite. La douleur dans mon coeur était aussi profonde que celle que j'avais ressentie lors du décès de ma propre soeur, ma chère Edith, car nous étions "soeurs de guerre".

Mes soeurs Hélène et Marguerite sont pour toujours gravées dans mon coeur et dans mon âme, elles qui appartenaient à cette Famille Reitz que j'aime de tout coeur.
Mais la page de l'histoire n'est pas fermée, car elle continue avec notre chère Mauricette, fille de Marguerite."


Cet hommage voulu public et auquel ce blog se devait de réserver une page, rappelle la cérémonie du 31 janvier 2008. Ce jour-là, le sauvetage de toute la famille Blum par les Reitz aboutissait à la reconnaissance de Mathilde Reitz et de son fils, René, comme Justes parmi les Nations. Ceux-ci étant décédés, leur fille et petite-fille, Marguerite, se vit confier leurs Diplôme et Médaille.

Cette synthèse du dossier Yad Vashem rappelle comment les Blum furent préservés de la Shoah :

- "Originaires de Hongrie, Fanny et Louis Blum sont arrivés en 1930 en France. Ils auront deux filles : Edith et Claire. Le père est horloger-bijoutier et loue un magasin 14 rue de l’Eglise à Montreuil-sous-Bois. Toute la famille vit dans l’appartement situé au-dessus.

En septembre 1939, le père s’enrôle dans l’armée. Il est démobilisé en 1940 alors qu’il se trouve à Bourganeuf dans la Creuse, village où il a fait des connaissances. Il rentre à Paris pour retrouver sa famille.
Son magasin est « aryanisé » en 1941. Après les premières mesures contre des juifs étrangers, Louis Blum décide de traverser la ligne de démarcation et en uniforme, pour retourner à Bourganeuf, où on lui avait promis :
- « Si les choses tournent mal, venez ici avec votre famille car il y a toujours à manger dans les fermes ».
En décembre 1941, c’est chose faite et la famille parvient à se réfugier à Bourganeuf.


Une première aide est trouvée auprès de Monsieur Baglot, le bijoutier local, puis également proposée par la famille Pénicaud.
Pour mettre Edith et Claire en sûreté, les Blum vont parvenir à les placer dans l’internat de l’école locale. Là, elles deviennent très amies avec Hélène et avec Marguerite Reitz."

Mathilde Reitz et son fils René, tous deux Justes parmi les Nations (Arch. Jean Lou Kiefer / DR).

Suite du dossier :

- "En avril 1944, la situation s’est tendue si dangereusement que les deux sœurs sont retirées de l’école. Elles vont trouver refuge chez les Reitz, à Chignat : la grand-mère Mathilde, son fils René et les filles de celui-ci, Hélène et Marguerite. Choyées et en sécurité auprès de cette famille, elles vont y rester à l’abri jusqu’à la libération en septembre 1944. Un peu avant celle-ci, les Reitz avaient accueilli aussi chez eux les parents Blum en disant :
- « Si nous devons mourir, nous mourrons ensemble ! ».


Grâce au courage de la famille Reitz, toute la famille Blum a donc survécu et put ensuite émigrer aux Etats-Unis.
Hélène étant décédée prématurément, Marguerite Bodez-Reitz reçut la médaille et le diplôme de Justes décernés à René Reitz et à sa mère Mathilde."

Nos remerciements à Claire Schusny-Blum pour sa confiance. A Viviane Saül et à Jean Lou Kiefer pour leurs apports à la publication de cette page.

lundi 21 septembre 2009

P. 171. Louis-Charles et Marie-Edouard Greffe

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Norbert Patalowski
et sa mère Rivka
ont été sauvés par les époux Greffe

Le 17 septembre 2009, une cérémonie de reconnaissance de deux nouveaux Justes parmi les Nations : Louis-Charles Greffe et son épouse Marie-Edouard, s'est déroulée à la Mairie de La Teste de Buch. Tous deux empêchèrent que Rivka et son fils Norbert ne connaissent le même sort que Mayer Patalowski, victime de la Shoah à Auschwitz.

Synthèse du dossier Yad Vashem :

- "Né le 15 février 1903 à Nilava (Pologne), Mayer Patalowski, ingénieur-chimiste s’est marié avec Rivka Knobler, née en 1905 à Bedzin (Pologne). Ils émigrent en France en 1932 et s'installent d’abord en Normandie, à Caen. Leur fils Norbert naît le 26 janvier 1935 à Bénouville (Calvados).
Puis la famille vient se fixer à Paris, au 4 de la rue des Panoyaux, dans le 20e arrondissement.

En septembre 1939, Mayer Patalowski s'engage dans un régiment de volontaires étrangers. Il est démobilisé en septembre 1940.
Son oncle, qui vit en Afrique du Sud, l'attend pour diriger une usine de parfums et Mayer a rassemblé tous les papiers nécessaires pour quitter la France, via Marseille.
Hélas, il est convoqué le 14 mai 1941 au camp de Beaune-la-Rolande. Il s'agit de ce qu'on appellera plus tard la "rafle du billet vert", convocation envoyée à 6 500 Juifs polonais, tchécoslovaques et autrichiens de Paris. Mayer est interné puis sera déporté sans retour vers Auschwitz où il périt le 2 juillet 1942.

Lors de la rafle du Vel d'Hiv, à partir des 16 et 17 juillet 1942, Rivka et son fils Norbert, alors âgé de 7 ans, se réfugient au rez-de-chaussée du 3 rue des Panoyaux, chez leurs voisins, René et Charlotte Herent. Non moins d’une quinzaine de Juifs sont ainsi sauvés par ce franc-maçon et son épouse qui sut repousser la police française sur le pas de sa porte.
Après quelques semaines, René Harent et son fils, Emmanuel, conduisent en lieu sûr - dans leur propre famille -, Rivka et Norbert. La mère et son fils sont transportés loin de Paris, cachés derrière des meubles entassés dans une camionnette Peugeot 202. Conduite par Emmanuel, celle-ci est maquillée en véhicule de la Croix-Rouge, ce qui explique que Ren Harent et Emmanuel soient revêtus d'une blouse blanche d'infirmiers.
Leur périple se termine à 120 km de Paris, chez Louis et Marie-Édouard Greffe, habitants de Villeselve (Oise).
Louis (Charles, Henri) né à Ham (Somme) en 1896, est bourrelier. Il est marié à Marie-Édouard, née à Villeselve en 1895. Ils ont deux enfants, Pierre qui avait déjà quitté la maison, et Jean, le plus jeune qui était très habile de ses mains. Et puis il y a aussi le "grand-père" Greffe."

Les époux Greffe, Justes parmi les Nations (Arch. transmise par Natan Holchaker / DR).

Suite du résumé :

- "Là, Norbert va vivre heureux durant 3 ans. Il est présenté comme un petit parisien évacué de la grande ville où il souffrait de la faim. Il va à l'école, dans la classe de M. Legrand et est baptisé par le curé du village, M. Maréchal. Il devient même enfant de chœur. Il connait tout de la guerre 1914-1918 et écoute Radio Londres avec Jean Greffe qui avait installé une grande antenne traversant le jardin.
A vélo, René Harent vient de temps en temps voir sa famille et prendre des nouvelles. A raison : les Greffe seront dénoncés ! Par deux fois, les gendarmes viennent enquêter. Grâce aux relations de Louis Greffe dans le village, ces délations resteront sans lendemain.

Par contre, à la libération, de très nombreux membres des familles Patalowski et Knobler ne reviendront pas des camps et si Rivka décédera nonagénaire, son veuvage restera toujours cruellement marqué par la disparition de tant des siens."

Témoignage de Natan Holchaker :

- "L'émotion est omniprésente dans une telle manifestation. Il s'agit d'une émotion plurielle pour tous les protagonistes.
- Le témoin : car il se penchait sur une tranche de sa vie, sur une période difficile et douloureuse. Il revivait ces moments évoquant beaucoup d'êtres chers aujourd'hui disparus. Il relatait cette période devant un auditoire inconnu. Mais il révèlait aussi à un fils présent combien ces souvenirs étaient importants et douloureux.
- Le récipiendaire : celui-ci s'exprimait devant ses supérieurs de la base militaire de Cazaux. Il exprimait une légitime fierté de ces ascendants discrets et généreux. C'était une confidence d'un épisode de guerre auquel il était attaché et auquel il se sentait rattaché. Cet homme droit dans son physique, droit dans sa morale, affichait devant sa hiérarchie militaire une grande dignité toute pétrie d'émotion retenue. Sa famille et ses amis présents partageait affectueusement ces émotions.
- Le délégué : c'était le grand jour, car c'était une première. Il y avait eu beaucoup de travail en amont avant la cérémonie, travail d'organisation fine et précise afin de garder la maitrise de l'évènement. Il y avait notamment ce nécessaire travail auprès de la mairie de La Teste et du consulat d'Israël à Marseille. Mais il y eut pour moi l'appui et les conseils avisés d'Albert Seifer délégué de Yad Vashem Midi Pyrénées, ce dont je le remercie. Il les avait consignés par écrit comme dans une chartre. Seulement en ce 17 septembre 2009, il y avait ce discours à prononcer devant un parterre de personnalités, d'élus, d'amis et d'inconnus. Une trame écrite solide un peu conventionnelle sur Yad Vashem et les Justes laissait peu de place à trop d'émotion et à toute déstabilisation. Par contre les digressions laissaient couler mes émotions, évoquant mon statut d'"enfant caché", évoquant la Shoah et ses 6 millions de morts, évoquant aussi, au sortir du colloque de Lacaune (Tarn, 12 et 13 septembre 2009), la France profonde et généreuse. Mais ces propos révélaient à une partie l'assistance l'existence du mal absolu, l'horrible tragédie du peuple juif et les traumatismes lourds et souvent irréversibles pour la génération des descendants qu'elles avaient engendrés. Ces manifestations très émouvantes avec des symboles très forts permettent sûrement à un public non-juif de mieux nous reconnaître, de mieux nous comprendre et, peut-être, de nous estimer; là je ne connais pas la réponse."

Natan Holchaker avait effectivement porté l'organisation de cette cérémonie et pour la première fois, assumait l'honneur d'être le Délégué du Comité Français pour Yad Vashem. Qu'il soit également remercié pour son aide précieuse à l'élaboration de cette page.


vendredi 18 septembre 2009

P. 170. Raymond et Germaine Cloiseau – François et Françoise Ciron

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Invitation à la cérémonie du 13 septembre 2009 à Nolay (Arch. V. Kuperminc / DR).

Le sauvetage en Nivernais
d'Henri et de Georges Kolebka.

Organisée par Victor Kuperminc, délégué du Comté Français pour Yad Vashem, une émouvante cérémonie s'est tenue dans la Salle des fêtes de la ville de Nolay. Trois Justes parmi les Nations ont été honorés à titre posthume : Raymond Cloiseau ainsi que les époux Ciron, François et Françoise.
Une quatrième Juste, Germaine Cloiseau a reçu sa médaille et son diplôme des mains de Shlomo Morgan, ministre conseiller à l'Ambassade d'Israël, et de Victor Kuperminc.

Comment ils devinrent Justes parmi les Nations :

- "En 1924, Paul et Golda Kolebka ont laissé la Pologne derrière eux pour venir en France. Ils vont devenir parents de trois garçons :
Israël, né en 1924,
Henri, né en 1928 et
Georges, né en 1935.
Cette famille habite à Paris, dans le XIe arrondissement : rue St-Sébastien. Le père y ouvrit une épicerie.

Lors de la mobilisation générale de 1939, Paul est appelé sous les drapeaux. Démobilisé, il retrouvera les siens mais en août 1941, la police française procède à son arrestation. Après le camp Drancy, il est déporté à Auschwitz par le convoi n° 2 (1). Il sera l’un des rares rescapés à pouvoir revenir à Paris en avril 1945.

Golda, elle, se cache d’abord à Paris même avant de fuir vers la Nièvre. Là, elle trouve à s’abriter dans une petite maison prêtée par un agriculteur, M. Belhomme.
Quant aux garçons, leur sort a ému Mme Doll, une voisine des Kolebka. Cette femme généreuse fit appel à sa propre famille. C’est ainsi que M. et Mme Cloiseau, des résistants particulièrement actifs, prirent en charge Henri. Ils demandèrent à un autre couple, M. et Mme Ciron, d’accueillir pour leur part Georges. Ceci se déroule aux Granges, un hameau de Prémery.

Travaillant la terre, élevant quelques animaux, les Cloiseau sont donc d’authentiques résistants au sein d’un réseau reconnu. En offrant de sauver Henri comme petit juif persécuté, ils savent quels risques ils courent. Ces risques sont partagés, toujours en connaissance de cause, par les Ciron, des communistes opposés au nazisme.

Pour des raisons de sécurité, les deux frères ne verront pas leur mère alors que son refuge chez M. Belhomme n’est pas éloigné des caches des deux garçons.

Après guerre, les relations entre les familles Kolebka, Cloiseau et Ciron, ne vont pas se distendre pour autant."

(Dossier Yad Vashem).

Entourée des frères Kolebka, la Juste Germaine Cloiseau (Arch. V. Kuperminc / DR).

Georges Kolebka (2) :

- "Moi qui venais de Paris, j’ai découvert la campagne. Une sorte de paradis.
Je n’ai que de bons souvenirs. M. Ciron avait une ferme très petite, avec quelques vaches seulement et peut-être une jument. Mon frère, lui, chez M. Cloiseau, était chez un agriculteur plus important, avec plus de terres et plus de bêtes (…).


Nous sommes revenus en 2006, voir les époux Cloiseau. J’ai essayé de
faire coïncider mes souvenirs avec le hameau, ça avait très peu changé mais les images ne se superposaient pas exactement. M. et Mme Ciron, j’aurais voulu les remercier, eux aussi, tout simplement."(3)

Allocution de Georges Kolebka, enfant caché (Arch. V. Kuperminc / DR).

Henri Kolebka :

- "Je suis arrivé dans cette ferme, chez les Cloiseau, en juin 1943, car la situation se dégradait pour nous, à Paris. J’avais 15 ans. Ils m’ont accueilli comme ils pouvaient, ils avaient un bébé de quelques mois, la situation était difficile pour tout le monde.
Je suis resté jusqu’en octobre 1944. Je travaillais dans les champs. Mon frère, lui, allait en classe. On se voyait le soir ou en fin de semaine (…).

Ils n’ont pas hésité à m’héberger, c’était risqué. On a été visité une fois par les milices du maréchal Pétain…" (3)

Remerciements d'Henri Kolebka (Arch. V. Kuperminc / DR).

NOTES :

(1) Le convoi n°2 du 5 juin 1942 emporte 1.000 hommes vers Auschwitz. 41 seront encore en vie à la libération.

(2) En l'absence de toute descendance, Georges Kolebka a reçu la médaille et le diplôme attribué par Yad Vashem aux époux Ciron.

(3) Article de Perrine Vuilbert dans Le Journal du Centre, 12 septembre 2009.

Tous nos remerciements à Victor Kuperminc ainsi qu'à Perrine Vuilbert pour leurs apports précieux à cette page.

L'ensemble musical de Prémery apporta son concours harmonieux à cette cérémonie portant à 24 le nombre de Justes parmi les Nations en Nivernais (Arch. V. Kuperminc / DR).


mercredi 16 septembre 2009

P. 169. Une tombe juive au cimetière de Revel...

Paul Schaffer,
Président du Comité Français
pour Yad Vashem :

« Il faut laisser du temps au temps »…

- "Jamais je n’ai pensé que cette maxime pourrait trouver sa justification dans une décision que j’ai prise il y a 60 ans !

Lors de ma déportation en Septembre 1942, mon père, reconnu intransportable, avait été autorisé à rester dans le camp de Noé, en Haute Garonne. Il avait alors 46 ans.
Puis ce fut trois années à Auschwitz.
Evadé après la « marche de la mort », rapatrié via Odessa, de retour à Marseille j’avais pris le train me ramenant à Revel, l’endroit où mes parents, ma sœur et moi avions été arrêtés. Durant ce voyage je m’étais mis à rêver que je retrouverais mon père, certes pas en parfaite santé, mais vivant et heureux de m’entourer de son affection, après ces années de souffrances.
De retour enfin dans cette petite ville du Sud-Ouest, grande a été ma déception de ne pas être attendu à la gare. Je me suis précipité chez une amie de mes parents car j’avais gardé le souvenir du chaleureux accueil qu’elle nous avait réservé lors de notre arrivée de Bruxelles, au début de la guerre, en mai 1940.
Après d’affectueuses retrouvailles, je demandai aussitôt quel avait été le sort de mon père. La nouvelle qu’il était mort un an après notre déportation vint s’ajouter au deuil de tous les miens.

Le Père de Paul Schaffer, sur une photo familiale prise à Revel en 1941 (Arch. fam. / DR).

J’allais donc devoir seul affronter l’avenir et me frayer un chemin dans la vie !
Accompagné par cette amie qui m’est depuis devenue très chère, je me suis rendu au cimetière de Revel : là, au milieu de toutes les tombes, sur une planchette noire, étaient inscrit le nom de mon père et la date de son décès.
Il me fallait très rapidement acheter une concession afin que sa dépouille puisse reposer en paix et n’aille pas rejoindre la fosse commune.
Puis a commencé pour moi l’effort de la réintégration dans la vie normale. J’ai repris des études au terme desquelles j’ai trouvé un emploi à Paris et dès que mes moyens financiers me l’ont permis, j’ai décidé d’ériger une sépulture digne de mon père.

Afin de respecter nos traditions, il m’aurait fallu transférer son corps dans un carré juif de l’un des cimetières parisiens. J’ai hésité à le faire; pensant à tort ou à raison que mon père, durant sa dernière année de vie, avait été entouré par les gens du pays qui lui avaient apporté aide et consolation. En outre ils auraient pu considérer mon geste comme une marque d’ingratitude ou imaginer que j’estimais leur cimetière indigne de la dépouille de mon père. Ma décision fut alors, bien que conscient d’enfreindre nos usages, de laisser mon père reposer à l’endroit où il avait été enterré.
Faisant graver sur la pierre tombale un Magen David ainsi que les noms de ma mère et de ma sœur, avec la mention « Déportées en 1942 mortes à Auschwitz ».

Guidé par l’idée que cette seule tombe juive inciterait le passant à s’y arrêter, à se poser des questions sur cette présence insolite et à vouloir connaître l’histoire de ma famille et plus particulièrement celle de la déportation.
Quelques années plus tard, nommé citoyen d’honneur de la petite ville de Revel, j’ai constaté à cette occasion à quel point cette tombe était ignorée et j’ai pensé que mon choix, il y a soixante ans, avait été erroné.

Faisant part de ma frustration à mon ami Jules Soletchnik qui avait été élève au Collège durant les années noires, sa réponse m’a rasséréné. Il ne manquait jamais, me confia-t-il, en se rendant à Revel de déposer une petite pierre sur la tombe qu’il considérait un peu comme la sépulture de son père, Résistant, déporté en juillet 1944 et mort à Bergen-Belsen. Son propos a suffi pour réduire un peu mon regret quant à ma décision d’autrefois.

Des années se sont écoulées depuis sans qu’aucun autre événement ne vienne me consoler de la décision que j’avais prise, avec l’espoir de maintenir à cet endroit la mémoire de la Shoah.
Mais voilà qu’invité il y a quelques mois à témoigner de mon histoire et de celle de ma famille, dans une classe terminale du Lycée professionnel de Revel, le professeur, Madame Christelle Febvre, me fit part du souhait des élèves de se rendre sur la tombe de mon père et me demanda donc son emplacement. Ces élèves avaient l’âge que j’avais lors de mon arrestation. Ils avaient déjà, avant ma venue, travaillé sur mon livre autobiographique « Le Soleil voilé » (1) où je mentionnais l’existence de cette tombe. Par ailleurs ils s’étaient rendus au camp d’Auschwitz-Birkenau. De retour, l’un d’eux, âgé de 18 ans, a écrit une lettre admirable, dont la conclusion figure ci-après. (2)

Quelques semaines plus tard je reçois la photo ci-dessous :

avec quelques phrases simples m’assurant combien les élèves avaient été heureux de se recueillir sur la tombe de mon père, de la fleurir et de parler encore une fois de la déportation.
La lettre des élèves jointe, comporte aussi quelques lignes qui traduisent leurs sensibilités et se termine ainsi:

« Nous tâcherons dans le futur d’être les porteurs des graines plantées par vous et vos mots. »

Et c’est alors qu’ayant témoigné à Madame Christelle Febvre, non seulement de ma reconnaissance mais aussi de ma profonde émotion, j’ai reçu de sa part un message très court… : «mon cher Paul, dorénavant, chaque année, j’irai sur la tombe de votre père » !

« Il faut laisser du temps au temps »


(s) Paul Schaffer

Notes :
(1) Paul Schaffer, Le soleil voilé. Auschwitz 1942-1945, Préface de Simone Veil, Société des Ecrivains, 2002, 231 p.

(2) Conclusion de la lettre d'un élève du Lycée professionnel de Revel :
"Ce que nous avons vu ce jour-là, on se doit de le dire, de témoigner pour la mémoire de ceux qui sont morts pour ce qu’ils étaient, pour leurs différences. On se doit de transmettre l’Histoire comme vous le faites avec d’autres qui ont survécu à l’horreur nazie. On se doit de trouver les mots justes et définir le terme de « Shoah ». On se doit d’être pédagogue, d’être témoin, d’être révoltés. On se doit de ne pas laisser les choses se reproduire et on se doit d’éduquer. On se doit de se souvenir et on se doit d’être conscient. On se doit de réagir, de ne pas rester passif et tout cela on vous le doit ; à vous, à eux, à tous ceux qui ont souffert et souffrent encore de la folie des hommes. Tout cela nous le devons car nous savons…."

dimanche 13 septembre 2009

P. 168. "La Shoah et son ombre" de Francine Mayran

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L'exode (80x100). Francine Mayran (DR).

Francine Mayran expose à Karlsruhe
et publie aux Ed. Arthénon
"La Shoah et son ombre"


Présentation de l'artiste :

- "Peintre et psychiatre, Francine Mayran peint ce qu'elle n'a pas vécu et ressent profondément ce qu'elle n'a pas connu. Sa peinture interroge la responsabilité des hommes témoins de l’Histoire et questionne l’indifférence d’alors face à la Shoah mais aussi celle face à d’autres génocides.
Au travers de ces peintures sur la Shoah, elle souhaite traduire les souffrances des peuples victimes des génocides du 20ème siècle, les douleurs des rescapés, comme celles des descendants.


Peindre et écrire sont des petits cailloux sur la tombe des morts, des paroles de soutien aux survivants pour leur permettre de lâcher leur fardeau de culpabilité, de responsabilité. La mémoire de la tragédie ne doit pas disparaître avec l’individu qui en porte les traces. Il faut des porteurs de mémoire, pour transmettre un espoir en l’avenir, un espoir en un homme meilleur, qui empêche les haines, qui s’enrichit des différences, pour dominer le mal.


Ses toiles sont grattées, raclées, enchevêtrées de traces, de touches. Les strates se superposent, empreintes d'un passé et d'une mémoire. Par des couleurs parfois sombres inquiétantes, parfois plus douces et pleines d’espoir, l’angoisse, la révolte et l’espoir se répondent."


La chaîne de la descendance (73x100). Francine Mayran (DR).

Récemment disparu, Adrien Zeller, Président du Conseil Régional d’Alsace écrivait à propos de Francine Mayran :

- "Peut-on peindre l’indicible, quand on ne l’a pas soi-même vécu ? Peut-on coucher sur la toile ce que les survivants eux-mêmes ont mis tant de temps et ont eu tant de peine à raconter ? N’y aurait-il pas même une forme d’indécence ou de voyeurisme à se coucher dans le lit d’horreur des survivants des camps ?

Francine Mayran, née quinze ans après la libération des camps, a fait l’incroyable et audacieux pari : elle peint ce qu’elle n’a pas vécu, elle réinterprète ce qu’elle a lu, vu ou entendu dans la littérature, au cinéma,… elle imagine ce qu’elle n’a pas connu. Ce faisant, elle devient passeuse de mémoire, elle préfigure les artistes des nouvelles générations qui, souhaitons le, n’ont pas fini de traduire en mots, en sons, en images, ces cauchemars qui hanteront pour longtemps encore les nuits de l’humanité.

Ce remarquable et fascinant travail rejoint la démarche entreprise par la Région Alsace depuis 2005, et qui chaque année mobilise plus de 20 000 lycéennes et lycéens d’Alsace sur le respect de l’autre dans ses différences physiques, sexuelles, religieuses durant le Mois de l’Autre. Cette initiative était née après les scandaleuses profanations du cimetière israélite d’Herrlisheim : jamais nous n’en aurons fini avec l’indispensable travail de mémoire !"

Espoir d'un retour dhumanité (160x200). Francine Mayran (DR).

Projets de l'artiste :

- "Après l’exposition "Témoins passifs, témoins coupables? » au Conseil Régional d'Alsace en Juin 2008, et l'exposition « Survivre ou les traces de la deshumanisation» en Janvier 2009 à la galerie Maison d’Art à Strasbourg, un chemin de mémoire se met en place à travers l’Europe jusqu’en 2011, au travers de sept expositions :
- « La Shoah et son ombre » au Centre Culturel Franco- Allemand de Karlsruhe, du 7 Septembre au 9 Octobre 2009 ;
- « Empreintes du passé, transmission de mémoire »au Mémorial d’Alsace-Moselle de Schirmeck, du 15 Novembre 2009 au 3 Janvier 2010 ;
- au Centre Mondial de la Paix à Verdun de Février à Avril 2010 ;
- courant 2010, une exposition est prévue au Conseil de L’Europe à Strasbourg ;
- au camp d'Osthofen (en Allemagne) ;
- au Centre Européen du Résistant Déporté au Camp du Struthof de Septembre à Décembre2010 ;
- au Centre de la Tolérance Gaon de Vilna à Vilnius de Janvier 2011 à Mars 2011, où l’exposition sera dédiée à la journée internationale de la déportation ;
- et au fort de Breendonk en Belgique de Mai à Septembre 2011.


Concrètement :

- L’exposition de Francine Mayran intitulée « La Soah et son ombre » se déroula dans le cadre de la Commémoration du début de la 2de guerre mondiale à Gdansk et du projet de Karlsruhe « Flagge gegen Rechts » (Drapeau contre la politique de l’extrême droite).
Dans ce contexte, le vernissage se déroulera en présence de l’artiste le 21 septembre à 18h30, dans les locaux de la Fondation CCFA, suivi d’un buffet.
Fondation Centre Culturel Franco-Allemand Karlsruhe, Kaiserstraße 160-162 - D- 76133 Karlsruhe.


- Son livre « La Shoah et son ombre », reproduisant ses peintures et ses textes (traduits également en anglais et en allemand), sera disponible dès Octobre en librairie ou chez l’éditeur Arthénon (48 bd d’Anvers, 67000 Strasbourg, tél : 03 88 61 09 32, fax : 03 88 61 42 33).

- Un dossier presse peut être consulté : http://www.arthenon.com/francine_mayran/pdf/dossier.pdf .

- Site de Francine Mayran : www.fmayran.com

mercredi 2 septembre 2009

P. 167. L'ADIAM propose son aide à des rescapés de la Shoah

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Août 1945. Enfants rescapés de Theresienstadt. Ils posent pour une photo officielle qui ne donne aucune mesure du monde effroyable auquel ils viennent d'être arrachés (DR).

L'Association juive pour le maintien à domicile (ADIAM) vous informe :

En 2007-2008, la Fondation pour la Mémoire de la Shoah (FMS)
et le Fonds social juif unifiée (FSJU)
ont mené une large enquête à laquelle participa l'adiam.
Cette enquête porta sur les besoins et sur les attentes des personnes âgées survivantes de la Shoah.

Les résultats ont fait apparaître que :

- 77 % des personnes interrogées souhaitaient poursuivre leur vieillesse à domicile ;
- les rescapés de la Shoah avaient des besoins spécifiques notamment en termes d’accompagnement psychologique, eu égard aux nombreux et profonds traumatismes qui leur étaient spécifiques. Autre conséquence du judéocide, leur entourage familial restreint pesait lui aussi sur leurs vieux jours...

Il importe donc d'entendre et de satisfaire cette attente des survivants de ne pas être retirés d'un cadre personnel et donc familier mais au contraire d'y demeurer entourés. La Fondation de la Mémoire de la Shoah a décidé de soutenir et de venir en aide à ceux-ci.

C'est dans ce contexte que l'adima propose d’accompagner sur 2009, 100 personnes survivantes de la Shoah (ou ayant eu à en souffrir) et non encore connues de l’association.
Ces rescapés seront soit :

- encore valides, et seront donc accompagnées de façon préventive ;
- à l’inverse très dépendantes, atteintes de poly-pathologies, ce qui nécessite des aides supplémentaires et un suivi plus lourd (heures supplémentaires d’aides, soutien psychologique aux personnes elles-mêmes ou à leurs familles et aménagement du logement…).


Il vous est proposé d'entrer en contact avec l’adiam.
Cette association dynamique se caractérise par :


- des équipes pluridisciplinaires fortement impliquées,

- 450 professionnels aux qualifications très diverses : aides à domicile, auxiliaires de vie sociale, responsables de secteur, aides soignantes, infirmières, ergothérapeutes, psychologues… encadrés par des équipes spécialisées dans le domaine de la gérontologie et du handicap,


- les prises en charge de 2 500 usagers âgés et/ou en situation de handicap ou encore de dépendance, sur tout Paris pour l’aide et sur les 9e,10e, 11e, 18e, 19e, 20e arrondissements pour des soins
7j/7.

L’adiam est aussi animée par une volonté d’innovation sociale et technologique pour compenser le handicap et/ou la perte d’autonomie physique comme psychique - maladie d’Alzheimer - (domotisation des logements, aménagement adapté du logement…).

Coordonnées :

42 rue Le Peletier – 75009 PARIS
Tél : 01 42 80 34 73 / Fax : 01 42 80 43 71

Pia Cohen
Chef de Service maintien à domicile
mailto:as.jacquet@adiam.net ou piacohen@free.fr