jeudi 31 janvier 2008

P. 12. Emile et Marie-Louise Faure, Jules Lafue et Madeleine Veron, Justes parmi les Nations

Ce 30 janvier, quatre nouveaux Justes parmi les Nations ont été honorés à la Mairie du 4e arrondissement de Paris.


La Mairie du 4e avec ses jeux de lumière (DR)


Emile et Marie Louise Faure

Le 10 février 1944, des arrestations sont opérées dans l'immeuble où se cache Jean-Jacques Mirisch. Heureusement, il parvient à s'enfuir par les toits mais se blesse à la jambe. Une famille amie, les Pressicaud, le recueille. Pour ensuite le confier à Emile Faure et à sa fille Marie-Louise.

Ces derniers étaient déjà venu en aide à Salomon Mirisch, le père de Jean-Jacques. Plus précisément, ils avaient trouvé un abri pour Salomon dans les Charentes, à Sers, où il reçut comme "couverture" la garde d'une maison de campagne.

Fin février, estimant que la sécurité de Jean-Jacques ne pouvait plus être assurée à Paris, les Faure, père et fille, lui procurent les moyens de gagner à son tour les Charentes, via Nantes.

Si la maman Mirisch est hélas décédée à Auschwitz, son mari et son fils vivront les heures de la libération. Non sans avoir connu quelques déboires avec notamment des résistants avec lesquels ils souhaitaient prouver leur courage face aux occupants et à ses collabos. Mais en ces temps troubles, deux inconnus venus de Paris pouvaient être soupçonnés de chercher à infiltrer les réseaux...



Jules Lafue et sa fille Madeleine Veron

Il était le Trésorier payeur de la Corrèze. Avec sa fille, ils prirent en charge une famille de persécutés raciaux, les Neuhoff. En respectant le voeu de ceux-ci, les deux futurs Justes assurèrent leur fuite réussie vers l'Espagne. Madeleine Veron n'hésitant pas à les accompagner jusqu'à Barcelone pour veiller au bon déroulement de ce sauvetage. Une autre famille à l'étoile jaune, les Schlossberger, ne fut pas broyée par les engrenages mortels de la Shoah grâce toujours à ce père et à sa fille héroïques. Toute cette famille fut mise à l'abri dans les environs de Tulle dont Jules Lafue sera d'ailleurs élu maire après guerre.

Enfin, et en rédigeant ces lignes, il faut s'excuser à l'avance d'une injustice, mais la Trésorerie de Corrèze abrita pendant des mois Natacha Huttner. Cette journaliste et écrivain a été ensuite reconnue comme LA spécialiste de Dostoïevski. Et donc sa biographie est mieux connue que celle des autres persécutés évoqués ci-avant.

Sous les noms de plume de Dominique Arban ou de Dominique Arnaud, Natacha Huttner signa des articles dans "Combat", "Le Figaro littéraire", "France-Observateur" et encore "Le Monde". Elle eut son nom attaché à des productions de l'ORTF. Et rédigea des livres dont ses mémoires : "Je me retournerai souvent", Flammarion, 1990.



Natacha Huttner (DR)


Le Comité français pour Yad Vashem avait délégué à la Mairie du 4e Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Lombroso.



mercredi 30 janvier 2008

P. 11. 7 Policiers...7 Justes !!!

Alors que Nancy allait être frappée par la rafle du 19 juillet 1942, 7 policiers du "Service des Etrangers" sauvent près de 350 juifs...


Tandis que d'autres procédèrent sur grande échelle à des arrestations de juifs puis, après la libération, se montrèrent tout fiers de porter néanmoins la fourragère de la résistance, sept policiers de Nancy sont entrés dans l'histoire des Justes de France. Or, tous appartenaient au même "Service des Etrangers", donc avaient été mis en première ligne, par Vichy, pour appliquer les lois racistes de l'Etat français et pour collaborer avec les nazis.

Ces Justes avaient pour noms (1) :
Edouard Vigneron, Pierre Marie, Charles Bouy, Henri Lespinasse, Charles Thouron, Emile Thiébault et François Pinot.

Dans son "Livre des Justes" (2) Lucien Lazare décrit sur les pages 70 et 71 les circonstances précises qui virent ces policiers du "Service des Etrangers" le transformer en "Service de sauvetage d'Etrangers", de juifs, promis à la déportation :

- "
Edouard Vigneron, chef du service des étrangers, et son adjoint Pierre Marie avaient cinq hommes sous leurs ordres. Ils connaissaient personnellement les juifs qui devaient être arrêtés. Ils les recevaient au commissariat pour la régularisation de leur situation, et tenaient leurs dossiers à jour. Edouard, âgé de près de soixante ans, avait une longue expérience de "ses" administrés. Ils avait choisi de leur faire confiance, leur prodiguait des conseils et évitait les tracasseries. Ils n'en avait jamais éprouvé de déconvenue. Le 18 juillet 1942, il apprit que la rafle devait avoir lieu le lendemain à l'aube. Ils ne tarda pas à se décider. Ils convoqua par téléphone au commissariat tous ceux qu'il put joindre. Afin d'alerter les autres, il chargea Pierre Marie d'envoyer les agents du service. Charles Bouy raconte : "Notre chef Marie nous a rassemblés. La situation est grave, les petits, nous a-t-il dit." Jérôme Scorin, l'un des rescapés, témoigne : "Je me suis présenté le 18 au commissariat, dans le service de M. Vigneron. Il m'a remis une fausse-vraie carte d'identité, au nom de Hubert Hiebel, né à Metz. Grâce à quoi je suis parti en zone sud, à Lyon." Henri Kricher, vingt-deux ans, et son frère âgé de quatorze ans, furent conduits, solidement encadrés par deux agents, à la gare de Nancy, et placés dans un train. A quelques secondes du départ, les agents leurs remirent des billets pour Dijon et de fausses cartes d'identité, avant de disparaître."

Patrick Volson s'est inspiré de ces faits on ne peut plus authentiques, pour réaliser en 2006 une fiction de 1h45 mn : "Le temps de la désobéissance". Depuis, ce film a décroché le Prix du meilleur scénario et le Grand Frix de la fiction au Festival international du film de télévision de Luchon.

Affiche du film (DR)

Ce 31 janvier à 20h au Cinéma des Carmes à Orléans, le CERCIL (3) propose une projection de ce "Temps de la désobéissance". A noter que l'entrée est libre sur présentation d'une invitation remise par le CERCIL : 02 38 42 03 91 et http://www.blogger.com/cercil@wanadoo.fr.

A l'issue de la projection, il est prévu une intervention attendue de Jean-Marie Muller. Auteur de "Désobéir à Vichy : la résistance civile de fonctionnaires de police" (4), cet historien décrira les rôles tenus par la police française dans la persécution des juifs.


NB :

(1) Une délégation de Nancy s'est rendue au Mémorial de Yad Vashem, le 19 juillet 2007 pour fleurir les arbres et les plaques de ces Justes. Une séquence vidéo en témoigne sur infolive.tv.

(2) Editions J-C Lattès, 1993.

(3) CERCIL : Centre d'Etude et de Recherche sur les Camps d'internement du Loiret (Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau) et la déportation juive. Si votre intérêt ne vous y a pas encore porté, Vous êtes invité(e) à prendre connaissance du portail de ce Centre dont les publications participent à un travail de mémoire exceptionnel.

(4) Ed. PU Nancy, 1994.

Couverture de l'ouvrage de J-M Muller (DR)


mardi 29 janvier 2008

P. 10. Auguste et Céline Valadas, Justes parmi les Nations

(Photo : Le Populaire)

Ce 28 janvier : une cérémonie s'est déroulée à l'Hôtel de Ville de Limoges en hommage à deux nouveaux Justes parmi les Nations.

C'est à titre posthume que les diplômes et médailles de Justes ont été attribués à Auguste Valadas ainsi qu'à son épouse, Céline. Le Comité Français pour Yad Vashem avait délégué Victor Kuperminc à cette cérémonie.
Les enfants de ce couple de Justes ayant marqué leur volonté de voir confier au Musée de la Résistance et de la Déportation les documents aux noms de leurs parents, médailles et diplômes vont désormais figurer dans ce Musée en complément du Livre d'or des Justes du Limousin.

Synthèse du dossier Yad Vashem :

- "La ferme des Valadas se trouve sur le territoire de Champnétery. Auguste et Céline y habitent avec leurs trois filles : Andrée, Juliette et Simone.
Leur courage va les conduire à sauver les Finkelstein. Ceux-ci étaient Parisiens (mais d’origine galicienne) et le couple eut lui aussi trois filles : Lucienne (1931), Francine (1940) et Solange (1943).

L’occupation, les mesures antisémites, les rafles font fuir les Finkelstein qui finissent, en octobre 1942, par se réfugier à Saint-Léonard-de-Noblat.
En 1944, la situation va devenir intenable pour eux. Par une heureuse indiscrétion, la famille est avertie qu’elle figurera dans la prochaine rafle.

L’errance des Finkelstein reprend. Tandis que les nazis ne les ayant pas trouvés à Saint-Léonard-de-Noblat incendient la maison, la famille se scinde.
Les parents et leur bébé, Solange, sont pris en charge par les Valadas.
Les deux aînées, Lucienne et Francine, sont mises à l’abri par d’autres villageois.

D’avril 1944 jusqu’à la Libération, Auguste et Céline Valadas vont risquer leur propre vie pour que celles des Finkelstein soient sauves."

Solange Finkelstein (d'après un cliché FR 3)


dimanche 27 janvier 2008

P. 9. 27 janvier 1945.

(Graphisme : JEA)


63e Anniversaire de l'arrivée de troupes soviétiques aux barbelés d'Auschwitz...


Primo Levi :

- Nous ne reviendrons pas. Personne ne sortira d'ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l'homme, à Auschwitz, a pu faire d'un autre homme.

Elie Wiesel :

- A Auschwitz, dans les cendres, s'éteignirent les promesses de l'homme.

Joseph Bialot :

- Auschwitz, c'est une chose impossible mais qui a eu lieu : Une invraisemblable vérité.

Charlotte Delbo :

- Je reviens d'un autre monde

dans ce monde

que je n'avais pas quitté

et je ne sais

lequel est vrai

dites-moi suis-je revenue

de l'autre monde ?

Pour moi

je suis encore là-bas

et je meurs là-bas

chaque jour un peu plus

je remeurs

la mort de tous ceux qui sont morts

et je ne sais plus quel est le vrai

de ce monde-là

de l'autre monde là-bas

maintenant

je ne sais plus

quand je rêve

et quand

je ne rêve pas.

(Partie d'un cliché Yad Vashem)

Pour les cérémonies organisées par le Comité Français pour Yad Vashem, ou celles auxquelles il est associé : consulter le portail dans les liens.

vendredi 25 janvier 2008

P. 8. Le marronnier d'Anne Frank


(Le marronnier et la signature d'Anne Frank. Graphisme : JEA)


Il se dresse depuis 150 ans déjà... Un sursis de 5 à 10 années vient de le sauver provisoirement...

Dans son "Journal", à la date du 23 février 1944, Anne Frank (1929-1945) :

- « Nous avons regardé tous les deux le bleu magnifique du ciel, le marronnier dénudé aux branches duquel scintillaient de petites gouttes, les mouettes et d'autres oiseaux, qui semblaient d'argent dans le soleil et tout cela nous émouvait et nous saisissait tous deux à tel point que nous ne pouvions plus parler. »

Seule trace extérieure de verdure accordée à une Anne Frank recluse, ce marronnier devait être abattu par décision municipale (Amsterdam). L'arbre avait été victime à la fois d'infiltrations de produits toxiques et de champignons. Il était dès lors considéré comme bon pour la casse. Mais une campagne internationale de sauvetage vient de l'arracher au moins provisoirement aux dents des tronçonneuses. A travers lui, c'est un peu la silhouette fluette d'Anne Frank qui perdure... Elle qui perdit la vie à Bergen-Belsen, comme Hélène Berr, comme tant d'autres victimes de la Shoah...

Peut-être souhaiteriez-vous poser un geste joliment symbolique ? Et vous manifester autrement que par une pétition ? Alors, pourquoi ne pas offrir une feuille à cet arbre unique ? Il vous attend sur son remarquable portail.



mercredi 23 janvier 2008

P. 7. "Horror ! Horror ! Horror !"

Aux Editions Tallandier, le "Journal" d'Hélène Berr.




Hélène Berr (8 juin 1942, sa première sortie en public avec l'étoile jaune) :

- "J'ai porté la tête haute, et j'ai si bien regardé les gens en face qu'ils détournaient les yeux. Mais c'est dur. D'ailleurs, la majorité des gens ne regardent pas. Deux gosses dans la rue nous ont montrées du doigt en disant : «Hein ? T'as vu ? Juif.» Mais le reste s'est passé normalement. Je suis repartie pour la Sorbonne ; dans le métro, encore une femme du peuple m'a souri. Cela a fait jaillir les larmes à mes yeux, je ne sais pourquoi."

Libération, 20 décembre 2007, Nathalie Levisalles :

- "Ce journal intime tenu entre 1942 et 1944 par une jeune fille de la bourgeoisie juive dans Paris occupé par les Allemands est d’abord un document exceptionnel. L’historien Michel Laffitte, qui en cite de longs passages dans son livre Juif dans la France allemande (1), raconte comment, en le découvrant, il a été «saisi» par la richesse du témoignage «alors qu’on pensait que tout avait été dit sur les Juifs pendant l’Occupation». Il est aussi exceptionnel par sa qualité littéraire. Hélène a 21 ans quand elle en écrit les premières pages, 23 ans les dernières. Entre-temps, un écrivain est né.

Dans ce journal, la jeune fille pose un regard ébloui sur la beauté du monde (le jardin, l’été, son amour naissant pour Jean), en même temps qu’un regard horrifié, mais qui ne cède pas, devant le danger qui se rapproche. Elle parle d’«un resserrement de la beauté au cœur de la laideur".

Hélène Berr :

- "En ce moment, nous vivons l’histoire. Ceux qui la réduiront en paroles pourront bien faire les fiers. Sauront-ils ce qu’une ligne de leur exposé recouvre de souffrances individuelles?"

Le Nouvel Observateur, 3 janvier, Laurent Lemire :

- "Encre bleue sur papier jauni. Pas de ratures. L’écriture est fine, lisible, élégante. Les feuilles extraites d’un bloc ont été numérotées recto verso jusqu’à la page 262. Le tout forme une petite liasse d’une centaine de feuilles. C’est le manuscrit du «Journal» d’Hélène Berr conservé au Mémorial de la Shoah, à Paris. Il retrace l’histoire d’une vie interrompue par la déportation à 23 ans, le 27 mars 1944. Pas plus que ses parents, l’étudiante n’est revenue des camps. Elle meurt à Bergen-Belsen, en avril 1945, deux semaines avant l’arrivée des troupes anglaises."

Hélène Berr :

- "Beaucoup de gens se rendront-ils compte de ce que cela aura été que d'avoir 20 ans dans cette effroyable tourmente, l'âge où l'on est prêt à accueillir la beauté de la vie, où l'on est tout prêt à donner sa confiance aux hommes ?"

L'Express, 10 janvier, Simone Veil :

- "Je suis très heureuse que le journal d'Hélène Berr paraisse enfin. Mariette Job, sa nièce, me l'avait prêté il y a quelques années. Ce livre m'a tellement émue, touchée, que sa publication me semblait indispensable...Le Journal d'Hélène Berr est à la fois le journal d'une jeune juive sous l'Occupation, d'une sensibilité et d'une qualité littéraires exceptionnelles, et une référence historique.

Hélène Berr (au retour d'une visite à son père à Drancy) :

- "J'oublie de noter les détails donnés par Papa sur son arrestation, c'est tout ce que j'ai su et je n'en saurai pas plus avant de le revoir. Il est en effet allé rue de Greffulhe, et ensuite avenue Foch, où un officier (moi, j'ai compris un soldat) boche s'est jeté sur lui en l'accablant d'injures ( schwein [sale porc], etc.) et lui a arraché son étoile, en disant : « Drancy, Drancy »."

Télérama, 12 janvier, Nathalie Crom :

- "Dans la belle préface qu'il donne au livre, Patrick Modiano (2) évoque, à propos d'Hélène Berr, les noms de Simone Weil {sic} (3) et d'Etty Hillesum (4) - on ne saurait mieux dire le souci éthique et la grâce qui imprègnent ce texte, l'urgence absolue qu'il y a à le lire."

Préface de Patrick Modiano :

- "J’ai voulu, un après-midi, suivre ces mêmes rues pour mieux me rendre compte de ce qu’avait pu être la solitude d’Hélène Berr. La rue Claude-Bernard et la rue Vauquelin ne sont pas loin du Luxembourg et à la lisière de ce qu’un poète appelait «le continent Contrescarpe», une sorte d’oasis dans Paris, et l’on a de la peine à imaginer que le mal s’infiltrait jusque-là.

La rue Edouard-Nortier est proche du bois de Boulogne. Il y avait sûrement en 1942 des après-midi où la guerre et l’Occupation semblaient lointaines et irréelles dans ces rues. Sauf pour une jeune fille du nom d’Hélène Berr, qui savait qu’elle était au plus profond du malheur et de la barbarie : mais impossible de le dire aux passants aimables et indifférents. Alors, elle écrivait un Journal. Avait-elle le pressentiment que très loin dans l’avenir, on le lirait ? Ou craignait-elle que sa voix soit étouffée comme celles de millions de personnes massacrées sans laisser de traces ? Au seuil de ce livre, il faut se taire maintenant, écouter la voix d’Hélène et marcher à ses côtés. Une voix et une présence qui nous accompagneront toute notre vie.

Hélène Berr :

- "Pourquoi suis-je si inquiète ? Objectivement, il y a de quoi, parce que j'ai l'impression que nous sommes la dernière fournée, et que nous ne passerons pas entre les mailles du filet. Il ne reste plus beaucoup de juifs à Paris ; et comme ce sont les Allemands qui font les arrestations maintenant, il y a peu de chances d'y échapper, parce que nous ne serons pas prévenus."

Le Monde, 17 janvier, Thomas Wieder :

- "Le texte que publient les éditions Tallandier fait partie de ces témoignages qui survécurent miraculeusement à leur auteur. Hélène Berr est morte du typhus à Bergen-Belsen en avril 1945, à la veille de la libération du camp par les Anglais. Elle venait d'avoir 24 ans. Un an plus tôt, quelques jours avant son arrestation, elle avait confié son journal intime à la cuisinière de ses parents. Dédié à son fiancé, aujourd'hui conservé au Mémorial de la Shoah, il s'agit là d'un document exceptionnel sur la vie au jour le jour d'une étudiante juive dans le Paris de l'Occupation.

Hélène Berr n'est pas Anne Frank. Son journal n'est pas celui d'une recluse. Quand elle en entreprend la rédaction, en avril 1942, ses journées ressemblent encore à celles de n'importe quelle jeune fille de bonne famille : cours d'anglais à la Sorbonne, promenades dans le Quartier latin, escapades à la campagne et après-midi entre amis, passés à jouer du violon, boire du chocolat chaud et fumer des cigarettes égyptiennes... Courtisée par les garçons, choyée par ses parents, brillamment reçue à ses examens, Hélène a tout pour être heureuse. Seulement voilà : elle est juive, et ne tardera pas à comprendre ce que cela signifie..."

Hélène Berr, 15 février 1944, dernière ligne de son Journal :

- "Horror ! Horror ! Horror !" (5).



NB :

(1) Michel Laffitte, "Juif dans la France allemande", Tallandier, 2006.

(2) Etty Hillesum, "Une vie bouleversée. Journal 1941-1943, Lettres de Westerbork", Seuil, Coll. Point, 1995.

(3) Patrick Modiano, dernier roman : "Dans le café de la jeunesse perdue", Gallimard, 2007.

(4) Simone Veil, "Une vie", Stock, 2007. Voir les pages 192 et 194 du blog des Mazures.

(5) Selon les critiques, d'après Conrad dans "Au coeur des ténèbres" ou d'après Shakespeare.

lundi 21 janvier 2008

P. 6. "Connus ou inconnus mais Justes"


223 Justes parmi les Nations en région Aquitaine : un livret thématique du Crif.


Le Crif Sud-Ouest Aquitaine édite chaque année des livrets thématiques intéressant la région et répondant ainsi à la mission « mémoire » du Crif.

En effet, dans le cadre de l’hommage de la République Française aux Justes voulu par le Président de la République, Jacques Chirac, en 2007, le Crif Aquitaine a choisi, pour la mémoire et la transmission aux générations futures, de centrer le livret de l’année 2007 autour des Justes honorés en Région Aquitaine.

Le Comité Français pour Yad Vashem a mis à la disposition du Crif Aquitaine les notices sur les Justes et les documents photographiques en sa possession contribuant ainsi à l’hommage rendu à chacun des Justes de la région et mettant en avant la personnalité de chacune des 223 personnes qui ont été récompensées.

Le 15 janvier dernier, à la Galerie de la Librairie Mollat à Bordeaux, Corinne Melloul, chargée de mission et de la communication auprès du Comité Français pour Yad Vashem, honorée du prix Zakhor pour la Mémoire 2007, a été invitée par le Crif Aquitaine pour évoquer rôle et mission de Yad Vashem, lors de la présentation de la plaquette des Justes d’Aquitaine.

La parution de ce livret 2007, comme précédemment, n’a été rendue possible que grâce à un travail d’équipe, notamment Albert Roche, Président du Crif Aquitaine et Hellen Kaufmann, Lucien Lazare et la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.

France 3 Aquitaine, en finale de son édition régionale du mardi 15, en proposait déjà un aperçu aussi rigoureux qu'intéressant. Avec notamment une interview de Corinne Melloul. Elle y décrit clairement le processus de reconnaissance de Justes de France.

Si vous préférez ne pas attendre 16'56 pour que ce reportage vienne conclure l'édition régionale de FR3, il vous est loisible de cliquer sur le portail même du CRIF Sud-ouest Aquitaine qui permet de visionner le même reportage mais isolé du contexte général du JT de FR3.


dimanche 20 janvier 2008

P. 5. Melina et René Bouland, Justes parmi les Nations

Cérémonie du 20 janvier à Courlon-sur-Yonne.

Les Diplômes et Médailles de Justes parmi les Nations aux noms de Melina et de René BOULAND ont été remis - à titre posthume - à leurs ayant-droits le dimanche 20 janvier en la Mairie de Courlon-sur-Yonne.

Le Comité Français pour Yad Vashem était représenté par son délégué, Didier Cerf.

Les deux Justes (Photo : Yonne Républicaine).

Synthèse du dossier Yad Vashem :

- "Les parents d’Henri Golub étaient des Juifs polonais immigrés séparément en France au début des années 30. Ils se rencontrent à Paris et se marient en 1936.
Malka née Olczak et Judka Golub sont tailleurs et travaillent au magasin du Louvre. Ils se lient d'amitié avec Charles Vicens.
Henri naît au printemps 1940.

Le 14 mai 1941, Judka, est convoqué au commissariat dont il ne reviendra pas car déporté par le convoi nu° 4 du 25 juin 1941 vers Auschwitz. Il y meurt d'épuisement le 2 septembre 1942.
Quelques jours après la rafle du Vél’ d’Hiv, le 21 juillet 1942, une nouvelle vague d'arrestations est ordonnée à Paris. Malka Golub entend les policiers dans les escaliers de son immeuble. Elle a juste le temps de confier son bébé Henri, âgé de 30 mois, à une voisine.
Effectivement, la maman sera déporté sans retour par le convoi n° 22 vers Auschwitz qui transporte 500 enfants et 500 adultes. Il se restera que 7 survivants de ce convoi en 1945.

Henri Golub est alors conduit chez les Vicens qui, à leur tour, le confient à leur beau-frère et leur belle-sœur à Arras. De là, Henri passe aux mains de Mélina et de René Bouland à Courlon-sur-Yonne. Henri n'a pas trois ans. Ce couple de retraités, sans enfant, avait tenu une charcuterie en banlieue parisienne.
Henri est présenté à tous comme leur neveu. Et quand les Allemands se font trop menaçants, le petit est acché dans une cave.

Henri Golub restera à Courlon jusqu’en 1948, année où il ira vivra chez une tante.

De son enfance chez les Bouland, il dira plus tard dans une interview à Elle, le 4 septembre 1978 :
"En réalité, mes souvenirs commencent dans un village de l'Yonne où je fus accueilli par un couple sans enfants qui m'adopta, pas au sens littéral car j'étais officiellemenent "fils adoptif de la France", c'est-à-dire pupille de la Nation.
J’ai vécu une partie de mon enfance avec ces gens généreux et bons que j’appelais "mon oncle" et "ma tante". Je m’imaginais que la vie était ainsi faite et que certains enfants avaient un père et une mère, d’autres, un oncle et une tante. Moi, j’appartenais à la deuxième catégorie.
Je ne souffrais pas d’être orphelin, j’ignorais ce que cela signifiait. Un père, une mère, je ne savais pas vraiment ce que c’était. […] Plus tard, beaucoup plus tard, je me suis aperçu que tous les enfants avaient un père et une mère. Cela m’a posé des problèmes. […] Aujourd’hui, mes parents, ce sont les 6 millions de Juifs assassinés.
Lorsque ma fille sera en âge de comprendre, je lui expliquerai comment et pourquoi le grand-père et la grand-mère qu'elle n'a pas connus sont morts. On dit qu'il vaudrait mieux oublier tout cela. Je crois, au contraire, qu'il faut rester lucide, informé et vigilant."

Henri Golub retournait chaque week-end dans la maison des Bouland.
Une voisine, Mme Demeester, témoigne :
"Ils étaient très famille, ils auraient voulu l’adopter".
Fille d'Henri, Déborah confirme :
"Courlon, c’était la cellule familiale reconstituée".

Mélina Bouland (1896-1984) et René Bouland (1901-1972) reposent au cimetière de Courlon, sous une plaque de marbre portant cette mention : 
"Justes parmi les Nations".

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mercredi 16 janvier 2008

P. 4. Prix Zakhor Pour la Mémoire - 2007

(Portail de Zakhor Pour la Mémoire)

Le Prix Zakhor Pour la Mémoire 2007 a été décerné à Nicolas Ribowski, réalisateur du documentaire : "Les Justes" (en partenariat avec le Comité Français pour Yad Vashem).

Des Médailles d’Honneur de Zakhor Pour la Mémoire ont été remises à Edith Moscovic et à Corinne Melloul.

Ce blog n'en est qu'à ses premiers pas en 2008. Et déjà, vous propose-t-il un premier retour en arrière jusqu'au 2 décembre 2007. Projecteurs sur le Palais des Rois de Majorque, à Perpignan. Une cérémonie de remise de Prix et de Médailles était portée par l'Association Zakhor pour la Mémoire.

Certes, vous connaissez et appréciez le travail mené par cette Association présidée par Philippe Benguigui. Mais pour des lecteurs de passage, peut-être n'est-il pas trop directif de leur suggérer une consultation du portail de Zakhor Pour la Mémoire :

- "L'Association Zakhor Pour la Mémoire oeuvre depuis de nombreuses années pour faire en sorte que le Camp de Rivesaltes (1) soit un lieu unique de recueillement et de mémoire pour les jeunes générations afin d'expliquer ce que fût cet ancien Centre d’Internement de sa création à nos jours.

Les missions de l'Association sont multiples et délibérément pédagogiques et éducatives afin de toucher l'ensemble de tous les publics.

Notre Association Zakhor Pour la Mémoire a décidé de créer le Prix Zakhor Pour la Mémoire qui est remis annuellement par le Bureau Exécutif National de notre Organisation. Ce prix a pour but de récompenser soit un engagement pour une action qui perpétue le devoir de mémoire; soit un travail ou une oeuvre conséquente ayant fait l'objet d'une réflexion significative sur les thèmes de la mémoire de la Shoah, ou de la tolérance, ou de l’humanisme, ou de la lutte contre toutes les formes d’exclusions."

Pour l'année 2007, ce Prix a donc été attribué à Nicolas Ribowski (2) pour son long-métrage présentant "Les Justes". Un documentaire signé par un "enfant caché" et que la critique avait déjà salué en des termes aussi élogieux que mérités :

- "Nicolas Ribowski, rescapé lui-même de la déportation, propose un film en l’honneur de ces Françaises et Français qui ont sauvé la vie de Juifs, au péril de la leur, durant la Seconde Guerre mondiale. Nicolas Ribowski, enfant de parents déportés, présente une vaste fresque de l’histoire des Justes. Il est envisagé comme un film chorale et tourné dans la perspective historique de l’entrée des Justes au Panthéon. Ce film est à la fois le parcours personnel du réalisateur face à l’Histoire, le récit de fabuleuses histoires de sauvetages et un hommage rendu aux Justes de France." (3)

Ce que confirme et amplifie le Prix de Zakhor Pour la Mémoire :


- "Nicolas Ribowski, rescapé lui-même de la déportation, propose un film en l’honneur de ces Françaises et Français qui ont sauvé la vie de Juifs, au péril de la leur, durant la Seconde Guerre mondiale. Dans son cœur et dans son imaginaire les Justes ont éclairé sa conscience.

Dans cette œuvre, Nicolas Ribowski dresse le portrait de certains Justes de France peu avant que la Nation honore à son tour ses hommes et femmes pour saluer leur attitude exemplaire, digne, valeureuse et courageuse à l’extrême.

Une profonde émotion se dégage de ce film sous forme d’un documentaire. Aujourd’hui, notre Association Zakhor Pour la Mémoire souhaite rendre un hommage solennel à Nicolas Ribowski, en lui décernant le Prix Zakhor Pour la Mémoire 2007, pour ce testament universel au nom de tous ces Justes de France."

Instantané de la cérémonie du 2 décembre 2007. DR (4)

Outre ce Prix 2007, des Médailles d'honneur furent notamment remises sous les applaudissements à :

- Edith Moscovic, déléguée en Languedoc-Roussillon du Comité Français pour Yad Vashem. Elle témoigne également en milieux scolaires de son propre vécu sous l'occupation et donc pendant la Shoah. Ce travail de sensibilisation propose aux jeunes une approche directe et sensible sur la persécution des juifs par les nazis ainsi que par Vichy. Dans toute cette nuit et brouillard se détachent les Justes parmi les Nations dont les jeunes peuvent apprécier et comprendre comment et pourquoi ils ont sauvé aussi l'honneur de la France.

- Corinne Melloul, chargée de mission et de la communication auprès du Comité français pour Yad Vashem.
L'Association a notamment tenu à récompenser ainsi
le premier corpus européen d'archives sonores sur les Justes en partenariat avec Les Ateliers de créations de Radio France dirigés par Hubert Thébault (quelques témoignages peuvent être écoutés sur le site).
De plus et avec RCJ, Radio Juive, un travail commun a porté sur une série radiophonique qui s'intitule "Destins croisés" (interviews de Justes et de leurs témoins, sauveurs/sauvés).

Cette cérémonie était présidée par Simona Frankel, Ambassadeur d'Israël auprès du Conseil de l'Europe et Consul Général d'Israël en France. Au nombre des personnalités, figuraient Richard Prasquier, Président du CRIF et Président d'honneur du Comité Français pour Yad Vashem; Hugues Bousiges, Préfet des Pyrénées-Orientales; Christian Bourquin, Président du Conseil Général des Pyrénées-Orientales et Nicole Sabiols, Représentant le Président de la Région Languedoc-Roussillon.

NB :

(1) Un incontournable : "Les camps de la honte. les internés juifs des camps français. 1939-1944", Anne Grynberg, La Découverte. 2000.

(2) A la filmographie de Nicolas Ribowski figurent, outre des épisodes de séries télévisées telles que "Navarro" et le "Commissaire Moulin",

- "Une affaire d'hommes" (1982) avec Claude Brasseur, Jean-Louis Trintignant et Jean Carmet.

- "Périgord noir" (1988) avec Roland Giraud, Lydia Galin et Jean Carmet.

- "La Trilogie marseillaise : Marius, Fanny, César" (2000) avec Roger Hanin, Henri Tisot, Eric Poulain, Gaëla Le Dévéhat et Lenie Scollié.

(3) Sur "Paris Cap".

(4) Nos remerciements à Françoise-Claire Camelio, à Maurice Gutman et à Corinne Melloul pour la transmission de documentation sur cette cérémonie.

vendredi 11 janvier 2008

P. 3. Diffusion de livres nazillants via la FNAC

Les Nazis brûlaient les livres... mais leurs publications ainsi que celles de leurs nostalgiques et de leurs descendants se trouvent en vente - via internet -... Et pas sur des sites obscurs et camouflés !

Sauf erreur involontaire de notre part, l'alerte a été donnée depuis la Belgique, début de cette seconde semaine de janvier. Si dans ce Royaume, la lecture de journaux français est un réflexe largement partagé, la réciproque n'est pas évidente. Aussi aucun écho, semble-t-il, n'est encore parvenu en France de ce constat objectif et inquiétant porté par "Le Soir", quotidien francophone le plus lu :

- "Livres : Manque de vigilance ?
Des librairies, comme la Fnac, vendent sur leur site internet des centaines de livres favorables à l’idéologie nazie."


Journaliste de référence, Martine Vandemeulebroucke signe un article débutant par ces lignes :

- "Le site internet de la Fnac est-il devenu le principal diffuseur des auteurs d’extrême droite ? Ce mardi, l’Observatoire belge de l’extrême droite diffuse sur RésistanceS (www.resistances.be) et dans le Journal du Mardi une enquête sur la vente de plus de 200 titres de livres d’auteurs ouvertement favorables à l’idéologie fasciste ou nazie. Ces livres sont vendus par les services de la Fnac.com, le site français de la grande librairie...

Bien sûr, en vendant ces livres, "la FNAC n’a certainement pas l’ambition de favoriser la diffusion des idéologies partagées par les éditions Dualpha", estime l’Observatoire belge de l’extrême droite. La présence de ces livres relève "uniquement d’un intérêt commercial. Mais tout ne peut se vendre. Il y a des choix à faire et une vigilance à adopter". Pas question non plus de revendiquer l’arrêt immédiat de la vente de ces livres. "Notre objectif est de rétablir l’information correcte sur la nature idéologique des livres proposés par la Fnac, ce qu’elle ne fait nullement."
Ce 11 janvier, la FNAC n'avait pas encore souhaité réagir.

Mais sans chercher pour autant à donner trop de haut-le-coeur, il est indispensable de citer quelques exemples d'auteurs et de titres pour illustrer le tocsin sonné depuis la Belgique.

Du côté des "purs et durs" acteurs de l'avènement du Nazisme :

- Joseph Goebbels : "Combat pour Berlin" (Ed. Déterna, 2006). Celui qui personnifia la propagande nationale-socialiste y décrit la montée du pouvoir des adeptes de l'Hitlérisme. Méthodes, menaces, et conditionnements... Sans oublier des passages antisémites de circonstance.

- Alfred Rosenberg : "Le Mythe du XXe siècle" (Ed. Déterna, 2005). Avec notamment au sommaire : "Race et âme de la race... Amour et honneur... Mystique et action... L'essence de l'art germanique... L'idéal racial de la beauté... Volonté et instinct... Le Reich à venir... Le Droit nordico-germanique..." Une totale...

Dans la cour des collabos, il y a affluence de "mémoires" qui dédouanent, maquillent, trafiquent et surtout font l'impasse sur les réalités ainsi que les responsabilités dans la tentative d'extermination des juifs :

- Fernand de Brinon, cet "Ambassadeur de France à Paris". Il n'y avait que Vichy pour ne pas s'effondrer de honte à l'invention d'une telle mission à l'intitulé surréaliste. de Brinon devait finir son itinéraire politico-collabo à la tête éphémère du gouvernement "français" à Sigmaringen (ED. Dualpha).

- Robert Brasillach avec non moins de huit volumes aux Ed. Godeffroy de Bouillon. De cet écrivain qui en son temps, celui de la Shoah, décréta : "Il faut se séparer des Juifs en bloc et ne pas garder de petits." (1)

- Jean Hérold Paquis, la voix de son maître allemand sur les ondes de "Radio Patrie", autre détournement de mots (Ed. Dualpha).

- Monseigneur de Mayol de Lupé. Aumônier de la Ligue des Volontaires Français (LVF) puis des SS Français de la division Charlemagne. Un homme de robe qui porta l'uniforme SS avec en hochet la croix de fer.


Condamné à 15 ans mais libéré en 1951 et mort en 1956 (DR)

Et puis une avalanche de pages sur les volontaires vers le front de l'Est et qui ne combattirent jamais que des partisans cruels car affreux communistes fanatiques. Il faut le lire pour le croire. La population les accueillait favorablement ces SS. Il n'y avait pas de "problème" juif. C'est un mélange cynique d'amnésie, d'autosatisfaction et d'autojustification. Avec le retour aux thèmes d'une croisade en faveur d'une Europe dominée pour mille ans par la dictature nazie. Quant à la camaraderie, elle consiste à plonger ensemble les mains dans le sang des mêmes victimes :

- Eric Labat : "Les places étaient chères". Présentation par les Ed. du Lore : "Les lecteurs découvriront le sens des mots camaraderie et fraternité européennes à travers l'épopée du guerrier Eric Labat qui " y était ", partageant tantôt l'atrocité des combats et la rudesse du climat, tantôt d'intenses moments d'amitié qui marqueront à jamais la destinée de ces hommes."

- Jean-Pierre Sourd : "Croisés d'un idéal" aux Ed. Dualpha qui saluent ces volontaires espagnols en des termes on ne peut plus louangeux. Les spadassins deviennent les héros d'une épopée nazie : "On les verra sur tous les fronts au sein d'unités de la Wehrmacht, de la Kriegsmarine, de la Waffen SS et du SD, de l'Organisation Todt, de la légion Speer, du NSKK, du Volkssturm, mais aussi avec des unités beaucoup plus " germaniques ", telles la division Nordland, la Wallonie, la Karstajeger et le SS Polizei Freiwilligenbataillon " Bozen "... Ils combattront en Slovénie, Roumanie, Hongrie, Autriche, France, Italie du Nord, Estonie, Poméranie, sur les arrières des troupes alliées à l'Ouest en décembre 1944 et seront des combats pour Munich et Berlin."

Quand les livres se limitent à l'hexagone, c'est alors pour tenter de diffamer la Résistance de celles et de ceux, y compris juifs, qui refusèrent la défaite, la collaboration de Vichy, l'attentisme :

- Abbé Desgranges : "Les crimes masqués du Résistancialisme" (Ed. Dualpha, coll. "Vérités pour l'Histoire"). La profession de foi est sans équivoque : "Dénoncer l'oeuvre néfaste, les crimes masqués des imposteurs, profiteurs et usurpateurs, qui, par leurs iniquités, leurs vengeances inexorables, et leurs scandaleuses spoliations, ont décimé toute une élite française et tentent de dissocier la conscience elle-même de la Patrie dont le salut a coûté tant de sang à nos martyrs."... Et voilà, d'un côté les calomnies réservées aux résistants et d 'autre part, les pseudo vraies élites soit ces collaborateurs lavés de tous leurs crimes et dont les noms sont gravés sur un monument national aux martyrs...

Du point de vue de ces feuilles de choux vert de gris à l'eau de Vichy, il y a même matière à se réjouir de voir la justice être restée parfois impuissante :

- Roland Gaucher (2) et Philippe Randa (3) : "Des rescapés de l'Epuration : Marcel Déat - Georges Albertini" (Ed. Dualpha). Le premier de ces auteurs fut un bras droit de Déat, fondateur du Rassemblement National Populaire et ministre du Travail et de la Solidarité nationale (ce qui ne s'invente pas pour une période de chasse aux juifs). Condamné aux travaux forcés à vie, Gaucher a été libéré dès 1948 tandis que son mentor, impuni, décédait à Turin en 1955.

Fin de cet échantillon sur les quelques 200 livres proposés par la FNAC, mais pour d'aucuns aussi par Amazon.fr ou encore par Chapitre.com... (4)

Présidente du Comité Français pour Yad Vashem, Me Corinne Champagner-Katz le soulignait dans son second discours prononcé après la prise de sa charge :

- "Nous sommes tous les sentinelles de la protection de la Mémoire."

Cette page du blog participe de ce respect mais aussi de cette vigilance vis-à-vis d'une Mémoire sans cesse menacée.

NB :

(1) In Alice Kaplan, "Intelligence avec l'ennemi", p. 181, Gallimard, 2001.

(2) Pseudonyme de Roland Goguillot (1919-2007).

(3) De son vrai nom : Philippe-André Duquesne. Portrait de cet éditeur-auteur d'extrême droite : RésistanceS.

(4) Avertie par nos soins, Rue89 a repris de manière plus que succincte cette information le 12 en soirée. Sans nous citer comme source.


lundi 7 janvier 2008

P. 2. Diaporama - 11 Justes parmi les Nations

Vous êtes invité(e) à cliquer sur le titre pour suivre ce diaporama.

Avec tous ses défauts : ainsi une seule photo par page et point de commentaire... un diaporama de la cérémonie du 3 décembre 2007. Grâce au Comité Français pour Yad Vashem, la mémoire de 11 Justes parmi les Nations est alors honorée à l'Assemblée Nationale.

La photo 3 (Ambassadeur d'Israël) est signée par Erez Lichtfeld et la 26 (Départ dans la nuit) par Noël Desmons. Autres clichés et montage : JEA.


vendredi 4 janvier 2008

P.1."Tragiquement, l'obscurité est nécessaire pour faire briller les étoiles."

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Allocution de l'Ambassadeur d'Israël à Paris, lors de la cérémonie de remise de Médailles de Justes parmi les Nations, le 3 décembre 2007.

Toute reconnaissance par Yad Vashem, de Juste parmi les Nations, représente un événement unique en soi mais s'inscrivant dans la continuité et la complémentarité d'une histoire ayant vaincu la Shoah dans son absolue horreur. Histoire individuelle et si fraternelle écrite par celles et par ceux qui, non juifs, au risque et parfois au prix de la perte de leur vie, ont sauvé des persécutés racistes qui avaient été "programmés" par le nazisme et ses collabos, y compris Vichystes, pour la "solution finale".
Il n'existe donc aucune hiérarchie (qui serait aussi dérisoire que déplacée) entre les cérémonies organisées par le Comité Français pour Yad Vashem pour les remises de médailles et de diplômes de Justes. Néanmoins, le 3 décembre passé, l'Assemblée nationale et plus précisément l'Hôtel de Lassay, ont offert leur lustre républicain à une cérémonie rendue ainsi exceptionnelle.

Ambassadeur d'Israël, Daniel Shek, proposa une allocution dont les paroles laissèrent loin derrière elles les frontières de la diplomatie pour aller au coeur des assistants. Ces paroles méritent de ne pas s'estomper.

A la tribune : Daniel Shek. A dr. : Richard Prasquier, Président d'Honneur du CFYV. (photo Erez Lichtfled)

- "L' Etat d'Israël, jeune Etat sans trop de tradition protocolaire, n'est pas un pays de médailles. La Médaille des Justes parmi les Nations est la seule distinction civile de mon pays, et c'est avec un très grand honneur et une immense gratitude que je la remets aujourd'hui à un petit groupe de personnes tout à fait extraordinaires :

- Gina LIBERA, pour elle-même,
et aux ayants-droits de :
- Henri et Renée GUY,
- Emile FONTAINE,
- Annette PIERRON et sa mère Camille,
- Marthe LICINI et son fils Alphonse,
- Nestor PRIME et son fils Roger,
- Jeanne HENRI-ROBERT.

Il y a quelques mois, la France a rendu un vibrant hommage aux Justes parmi les Nations, introduits au coeur du Panthéon. Toute la France a été touchée par la reconnaissance ainsi mise au grand jour de ces héros ordinaires.
Ordinaires ?
On a tendance à le croire, tant ils sont humbles et discrets. Malheureusement, à cette sombre époque, le terme "ordinaire" s'appliquait plutôt à ceux qui étaient indifférents ou même coupables. Quand on écoute l'histoire des Justes, de tous - quels qu'ils soient -, on se rend compte qu'ils sont en effet extraordinaires. Une partie de leur qualité d'hommes et de femmes extraordinaires est justement cette modestie à l'égard de leur propre comportement.
Car, souvenons-nous : des années avant la Seconde Guerre Mondiale, les Juifs sont diabolisés, déshumanisés, et - petit à petit - mis au ban de la société. Entre 1940 et 1945, la France traverse la période la plus sombre de son histoire. Elle a capitulé devant l'Allemagne nazie et les Juifs sont fichés, pourchassés comme des bêtes, raflés et persécutés.

La barbarie nazie est une machine de mort infernale, minutieuse, qui ne laisse rien au hasard. Personne n'est épargné : hommes, femmes, enfants et vieillards.
Plus de 76.000 Juifs - un quart de la population juive en France - ne pourront échapper à un destin tragique et seront exterminés dans les camps de la mort. Six millions de Juifs en Europe seront ainsi assassinés dans ce qui constitue le plus grand crime de l'histoire de l'humanité.
Tragiquement, l'obscurité est nécessaire pour faire briller des étoiles. Sombres, les temps l'étaient. Alors qu'ils pouvaient fermer les yeux, passer en silence, ces étoiles humaines se sont mises en danger de mort, elles et leurs familles, pour sauver d'autres êtres humains, en l'occurrence des Juifs. Ils l'ont fait avec toute leur âme, tout leur coeur. certains y ont laissé la vie.
Ordinaires ? C'est vrai que les Justes considèrent que ce qu'ils ont fait était naturel, qu'il n'aurait pu en être autrement, et même qu'ils auraient dû en faire plus. Mais on voit bien que les Justes n'ont pas seulement sauvé des innocents d'une mort certaine; ils ont sauvé la dignité de l'homme, ils ont sauvé l'honneur de la France, ils ont sauvé l'espoir pour nous, les générations suivantes.

On dit du peuple juif qu'il est le peuple de la mémoire. Il se souvient des moments les plus tragiques de sa longue histoire. Il se souvient de ses moments de gloire et d'espoir, mais il se souvient surtout de ceux qui, dans les moments les plus sombres, lui ont donné une raison de croire à l'avenir.
Mon père, rescapé de Theresienstadt et d'Auschwitz-Birkenau, était parmi les fondateurs de la diplomatie israélienne. Dans les années 60, il a participé aux négociations avec l'Allemagne pour l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, à peine 20 ans après la Shoah. Je me souviens, des années plus tard, l'avoir interrogé sur ce choix. Comment a-t-il pu faire ça ? Il m'a répondu :"dans mon coeur, c'était insoutenable... mais dans ma tête, je savais que nous avions raison, qu'il fallait le faire, pour donner de l'espoir à la prochaine gérénation."

Chers amis, dans une génération, il n'y aura plus de témoins vivants de la Shoah. Il restera les livres, les musées, les photos, les documents. Et une blessure indélébile dans le coeur de l'humanité.
Il incombe à tous de préserver le souvenir précis de cette tragédie humaine. Pas seulement pour la mémoire des morts sans sépulture. Pas uniquement pour honorer les Justes. Mais aussi pour préserver notre avenir à tous. La mémoire est un outil indispensable à l'homme pour se construire dans le futur.

On ne bâtit rien sur l'oubli ou le mensonge.
L'antisémitisme n'a pas disparu. La haine et le totalitarisme non plus. Le racisme refait surface en Europe, au Moyen-Orient, partout où il peut. Les expressions de haine vis-à-vis des Juifs et d'Israël prennent des formes intolérables. On le voit avec le Président iranien qui appelle à anéantir Israël. On voit même un déni de reconnaître à l'Etat d'Israël le droit d'exister.
Aujourdhui, le peuple juif a retrouvé sa patrie et sa liberté. La reconnaissance de l'Etat d'Israël est une barrière contre la haine, mais il nous reste encore un défi central : conclure la paix avec nos voisins au Proche Orient pour y être accepté comme membre à part entière. Espérons que les bonnes nouvelles de ces derniers jours venant d'Annapolis aux EU soient de bonne augure.
Chers Justes, nous vous sommes à jamais reconnaissants de ce que vous avez accompli au péril de votre vie. C'est ce qui nous donne encore la force de croire en cette humanité.
Merci à vous du fond du coeur."


Les salons de l'Hôtel de Lassay, le 3 décembre (photo Erez Lichtfeld)

NB :

- Un diaporama de cette soirée mémorable figure sur le site de l'Ambassade d'Israël ("Les Justes, la France et Israël").

- Une esquisse de mini-diaporama vous est proposée sur la page d'accueil de ce blog.-

- Sept pages sont consacrées à cette cérémonie sur le blog du Judenlager des Mazures.

- Secrétaire générale du Comité, Jenny Laneurie a supervisé la création de ce blog Yad Vashem France. Puisse cette expérience répondre à sa confiance.

- Remerciements à Viviane Saül, du Comité, pour la transmission de ce discours de l'Ambassadeur d'Israël.

- Cités dans ce discours :


La Juste Marthe Licini et son fils Alphonse Licini (BCFYV/DR).
 
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