lundi 30 mars 2009

P. 125. Le projet "Aladin"

Détail de photo figurant sur le nouveau site Aladin (Ph. CDJC / DR).
Voir la vidéo de synthèse au bas de la page d'accueil de ce blog.

"Nous affirmons, au-delà de toute considération politique,
notre volonté de défendre la vérité historique
car aucune paix ne se construit sur le mensonge."
Appel de 200 personnalités soutenant le Projet Aladin.

Présentation du Projet par la Fondation pour la Mémoire de la Shoah :

- "Lancé le 27 mars 2009 sous le patronage de l’UNESCO et initié par la FMS, le Projet Aladin est un programme éducatif et culturel indépendant. Soutenu par de nombreuses personnalités parmi lesquelles plus de 200 intellectuels, historiens et personnalités de premier plan du monde arabo-musulman, il vise à rendre disponibles en arabe, en persan et en turc des informations objectives sur la Shoah, les relations judéo-musulmanes et la culture juive.

Le Projet Aladin est né d’un constat accablant concernant la prolifération du négationnisme dans le contexte du conflit israélo-palestinien. Face à cette déferlante, il est très difficile de trouver des informations historiquement fiables sur la Shoah que ce soit en arabe, en persan ou en turc. Le Projet Aladin veut pallier ce manque et favoriser un dialogue fondé sur la connaissance et le respect mutuels. Commun à de nombreuses langues, le mot Aladin est un trait d’union entre les cultures. Il symbolise également les lumières de la connaissance.

Le Projet Aladin est placé sous le parrainage de :
M. Jacques Chirac, ancien Président de la République française, Président de la Fondation Chirac,
SAR Prince El Hassan ben Talal de Jordanie,
M. Gerhard Schröder, ancien Chancelier de la République fédérale d’Allemagne,
M. Ely Ould Mohamed Vall, ancien Chef d’État de Mauritanie,
M. Abdurrahman Wahid, ancien Président de la République d’Indonésie.

Photo : David de Rothschild qui a succédé à Simone Veil à la Présidence de la FMS (DR).

David de Rothschild, président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah :

- "Face à la déferlante négationniste (...) issue notamment de certaines sphères limitées mais influentes du monde arabo-musulman, nous avons décidé de réagir en palliant d'abord le manque d'informations historiquement fiables sur la Shoah, que ce soit en arabe, en persan ou en turc".

Anne-Marie Revcolevschi, Directrice de la Fondation :

- "La Fondation a constaté que les sites sur le négationnisme de la Shoah en arabe et en persan proliféraient et que, à la suite des déclarations du président iranien et des caricatures de Mahomet, il ne s'agissait plus simplement d'un instrument de délégitimation de l'Etat d'Israël (…)
Sur notre site, nous relatons aussi l'histoire des relations judéo-musulmanes qui n'ont pas toujours été des relations de conflit. Comme il n'y a plus ou presque plus de juifs dans les pays arabo-musulmans, les jeunes générations souvent ne connaissent rien sur ces communautés qui étaient très proches. Le site s'adapte aux différentes histoires selon les trois langues utilisées (arabe, farsi et turc) de façon très pédagogique.

La bibliothèque sera aussi réciproque : des oeuvres du monde arabo-musulman seront également traduites dans des langues occidentales."

Anne-Marie Revcolevschi, Directrice de la FMS, évoque le Projet Aladin en réponse à des questions d'Antoine Mercier. Pour écouter, cliquer : ICI .

Le Projet s'articule autour d'un Site internet et d'une Bibliothèque.

Page d'accueil du site informatif en 5 langues : http://www.projetaladin.org/

Disponible en arabe, persan, turc, anglais et français, ce site présente :
- L’histoire de la Shoah.
- Une introduction à la culture juive, à l’histoire du peuple juif et au judaïsme.
- L’histoire des relations entre les Musulmans et les Juifs au cours des siècles passés jusqu’à nos jours en évoquant les périodes de coexistence harmonieuse et conflictuelle.


Sur ce site, parmi les "voix et visages" décrivant de l'intérieur la Shoah, figure Paul Schaffer, Président du Comité Français pour Yad Vashem.
Son témoignage est filmé avec une sobriété qui ne le rend que plus impressionnant. Pour le visionner, cliquer : ICI . Il est introduit par ces quelques précisions :

- "Né et élevé à Vienne, Paul Schaffer a vécu une enfance heureuse, entouré de sa sœur, ses parents et sa grand-mère. Sa vie change brutalement avec l'occupation de Vienne par les nazis et l'annexion de l'Autriche. Il découvre les humiliations, les persécutions et s'exile une première fois avec sa famille en Belgique.En mai 1940, les Allemands attaquent la France par la Belgique et la Hollande. La famille Schaffer décide de quitter Bruxelles et se rend à Revel, un village du Sud-Ouest de la France, non loin de Toulouse.
La vie s'organise peu à peu : Paul, qui ne va plus à l'école, s'occupe du jardinage, effectue divers travaux domestiques et apprend le métier d'ébéniste. A la fin de l'année 1940, les Schaffer sont « invités » à rejoindre « un camp de famille », le camp d'internement d'Agde, essentiellement composé de Juifs réfugiés d'Allemagne et d'Autriche. Une amie de la famille, habitante de Revel, use de son influence auprès de la préfecture, permettant ainsi à la famille de quitter le camp pour être assignée en résidence surveillée.
Les Schaffer, peu informés, ne cherchent pas à quitter la France et ne se doutent pas du sort qui les attend. A la suite de la rafle du Vel' d'Hiv', les Allemands font pression sur Laval, alors à la tête du gouvernement de Vichy, pour que les Juifs étrangers de la zone Sud soient ajoutés à la liste des déportations. C'est ainsi que Paul est arrêté le 26 août 1942. Sur les murs du camp de Drancy, où il reste quelque jours, il relève plusieurs inscriptions gravées par des déportés qui le marqueront à jamais :
« Lorsqu'il n'y a plus rien à espérer, c'est là qu'il ne faut pas désespérer »
et une autre assertion tragique :
« on entre, on crie et c'est la vie ; on crie, on sort et c'est la mort ».

Photo : Paul Schaffer (Site Aladin / DR).

- "Le 4 septembre 1942, par le convoi 28, Paul est déporté à Auschwitz avec sa mère et sa sœur qui sont gazées dès leur arrivée. Il échappe à ce sort : il est interné dans deux camps de travaux forcés, satellites d'Auschwitz : Tarnovitz, puis Schoppinitz, avant de rejoindre Birkenau en novembre 1943. C'est là qu'il se trouve confronté à la réalité de l'extermination..."

Quant à la bibliothèque numérique, elle rassemble pour la première fois en arabe et en persan des livres traitant de l’histoire de la Shoah, comme :
- Si c’est un homme de Primo Levi
et
- Le Journal d’Anne Frank,
jusqu’alors indisponibles dans ces langues.
Les livres peuvent être téléchargés gratuitement ; une version imprimée traditionnelle est également disponible.

Réciproquement, des traductions d’ouvrages de référence écrits en arabe et en persan sont en projet.

Page d'accueil de la Bibliothèque numérique : http://www.aladdinlibrary.org/.

200 personnalités de 30 pays soutiennent déjà ce Projet Aladin. Elles ont lancé un appel qui pourrait se résumer par ces lignes :

- "Nous affirmons, au-delà de toute considération politique, notre volonté de défendre la vérité historique car aucune paix ne se construit sur le mensonge. La Shoah est un fait historique : le génocide au cours duquel 6 millions de Juifs d'Europe ont été exterminés", indique l'appel qui souligne "sa portée universelle".
Affirmant "la volonté commune de favoriser un dialogue sincère, ouvert et fraternel", l'appel dit aussi "clairement que les Israéliens et les Palestiniens ont droit à leur Etat, leur souveraineté et leur sécurité et qu'il convient d'appuyer tout processus de paix ayant de telles visées".


Ce 27 mars, lors de la Conférence de lancement du Projet Aladin, Jacques Chirac exprima ces paroles fortes :

- "Le drame de la Shoah interdit l’oubli. Il impose la pudeur. Il fait exploser la colère au coeur de chaque homme de bonne volonté, lorsque la Shoah est contestée..."
Il ne s’agit pas de "faire porter aux pays musulmans une culpabilité qui n’est pas la leur"… mais il est important "de faire connaître la Shoah, pour la faire sortir du silence que l’on a fabriqué autour d’elle dans beaucoup de pays… Evoquer la Shoah risquait de susciter dans ces pays un sentiment de sympathie pour les Juifs et l’existence d’Israël. Alors, on l’a cachée...

Nul pays, nulle culture ne sont immunisés contre la tentation du génocide... Nous ne devons jamais accepter comme démocratiques les partis qui propagent la haine. L’accord trouvé entre libéraux, démocrates chrétiens, socialistes et communistes dans l’après-guerre pour rejeter les partis de la haine doit être considéré comme un acquis définitif de la démocratie européenne."


vendredi 27 mars 2009

P. 124. Maxime Steinberg, historien de la persécution des juifs de Belgique

Maxime Steinberg (Arch. privées. DR).

Reconnu "Mensch" de l'année en Belgique
cet historien est aussi celui qui démonta pièce par pièce
la "captation de mémoire"
de "Survivre avec les loups".

Le Centre Communautaire Laïc Juif de Belgique vient d'attribuer à Maxime Steinberg le titre de "Mensch" de l'année 2009 pour ces motifs :

- "Ancien enfant caché (1), enseignant (2) et historien de la déportation des Juifs en Belgique (3), liant la passion de l'archive à la volonté de donner un visage aux victimes et d'enfin faire justice (4), Maxime STEINBERG est depuis trois décennies l’auteur indispensable à toute compréhension de la « Solution finale » dans notre pays."

Ce beau titre humaniste honore celui qui, non par les méthodes mais par l'ampleur de son travail de mémoire sur la Shoah, est reconnu en Belgique au même titre que Serge Klarsfeld en France.

Contacté pour qu'une page de ce blog lui soit consacrée, Maxime Steinberg a souhaité une description du processus par lequel fut prouvé, voici une année, que "Survivre avec les loups" n'était hélas qu'une fausse (totalement fausse) autobiographie d'une soi-disant victime de la Shoah. Car Maxime Steinberg fut à la base de la mise à jour de cette... comment écrire ? sinistre supercherie.

En 1999, Robert Laffont publie "Survivre avec les loups" sous la signature de Misha Defonseca. Pocket l'éditera ensuite en format Poche. En voici le 4e de couverture :

- "Dans cet ouvrage autobiographique, l'auteur raconte son enfance pendant la Seconde Guerre Mondiale. Petite fille juive, elle est recueillie par une famille belge après que ses parents aient été arrêtés par la Gestapo. Mais ceux qui la cachent étant sur le point de la livrer aux nazis, la petite Misha décide de fuir. Recueillie par des loups, dans une Europe à feu et à sang, Misha découvre la violence des hommes et l'humanité des bêtes. Au terme de son périple, elle retrouve le monde de ses semblables. Parvenir à y vivre sera une nouvelle épreuve."


A en croire cette présentation, il s'agit donc d'une autobiographie, de petite juive, aux parents déportés, avec une famille la trahissant et fuyant la guerre en se réfugiant auprès des loups.

De la littérature, cette histoire passe au cinéma dans une réalisation de Vera Belmont.

Dans Le Monde, Jean-Luc Douin réserve au film une critique on ne peut plus favorable :

- "L'histoire est authentique. Elle a été racontée par Misha Defonseca, dans un livre traduit en dix-sept langues. Juive, d'origine belge, la petite Misha, 8 ans, est hébergée (...) dans une famille de Bruxelles après la disparition de ses parents dans une rafle. Elle assiste à l'arrestation du couple de fermiers chez lesquels elle se sent en sécurité et s'enfuit à travers la campagne. Elle erre ainsi à pied durant trois ans, traversant l'Allemagne, puis la Pologne, pour être recueillie en Ukraine en 1945. Elle se réfugie dans les bois, les forêts, vole de temps à autre un peu de nourriture et des vêtements dans des maisons isolées, se nourrit de vers de terre et de chairs sanguinolentes en compagnie d'une meute de loups. Endure le froid, la neige, la faim, la menace des soldats allemands qui traquent des mômes échappés du ghetto de Varsovie...Sur ce défi-là - comment raconter l'holocauste aux enfants -, cette épopée (par instants nimbée d'expressionnisme) trouve ses accents les plus poignants."
(15 janvier 2008).

Donc une biographie, authentique, une gamine juive de 8 ans ayant ses parents raflés à Bruxelles. Puis traversant toute l'Europe et restant en vie grâce à des loups. Le tout permettant de raconter concrètement la Shoah à travers une histoire personnelle et bouleversante.

Mais la sortie en salles du film va entraîner des réactions en chaîne. D'abord sous la signature d'un médecin spécialiste des loups, Serge Aroles qui sur son site internet, estime plus qu'impossibles les scènes décrites entre l'enfant en errance et les loups.
Ensuite de Belgique, pays où se serait réfugiée la famille juive de Misha avant l'occupation.
Soucieuse de rencontrer les mises en cause de cette "autobiographie", la représentante en Europe de Misha Defonseca consulte Maxime Steinberg et reçoit cette réponse (5) :

- "Vous me demandez de prendre position sur une question d'authenticité. Je vous répondrai, en m'en tenant aux faits actuellement connus et documentés.
Sur cette base, je constate que Monique Dewael, alias Misha Defonseca, n'était pas la fillette juive qu'elle a prétendu avoir été pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle ne figure pas au registre des Juifs établi en décembre 1940 à Schaerbeek. Ni elle-même, ni ses parents n'ont fait l'objet de persécutions antisémites en Belgique occupée.
De ce point de vue, le "témoignage" de Misha Defonseca pose une question de déontologie et d'éthique au-delà de toute polémique. Le livre Survivre avec les loups est une captation de mémoire au sens où l'auteure témoigne d'une histoire qui n'est pas la sienne.
C'est, au sens propre du terme, un faux témoin qui de surcroît donne un faux témoignage car les déportations de Juifs de Belgique débutent le 4 août 1942 et seulement à destination d'Auschwitz en Haute-Silésie, et non pas en Ukraine, ce qu'on sait en Belgique dès 1943. S'agissant d'enfants juifs, il faut noter qu'un déporté racial sur six est un enfant de moins de 15 ans. La plus jeune enfant juive déportée, Suzanne Kaminski, est un bébé de 40 jours.
Survivre avec les loups fait débuter ces déportations près d'un an avant qu'elles ne commencent pour décrire la traversée de l'Europe nazie qu'aurait entreprise, seule, une petite fille juive de 4 ans. Ce récit littéraire ne tient pas la route de l'histoire.
Pour le reste, je ne suis pas un spécialiste des légendes sur le commerce des loups avec des enfants, mais les arguments avancés par Serge Aroles me confirment le caractère entièrement fallacieux d'une entreprise de manipulation littéraire exploitant tous les fantasmes de la mémoire et de la crédulité."
(Lettre du 20 février).


Via la presse, réaction de Mme Defonseca :

- "Si les spécialistes qui m'accusent, savent si bien tout, alors qu'ils me disent aussi ce que sont devenus mes parents, car ils ont bel et bien été arrêtés et je ne les ai jamais retrouvés".
(Le Soir, 22 février).


Il ne faut pas un jour pour lire la réponse de Marc Metdepenningen, journaliste au Soir :

- "Misha Defonseca, de son nom de naissance (à Etterbeek le 2 septembre 1937) Monique Dewael, avait quatre ans et 21 jours lorsque ses parents, Robert Dewael et Joséphine Donvil furent arrêtés, le 23 septembre 1941 à leur domicile de Schaerbeek, 58 rue Floris.
À cette époque, Robert Dewael était rédacteur à la commune de Schaerbeek…
Il fut déporté à la forteresse de Sonnenburg, en Pologne, à 15 kilomètres de la frontière allemande, où il fut fusillé, selon le certificat de décès établi à la commune de Schaerbeek, le 3 ou le 4 mai 1944 (...). La mère de Monique Dewael est décédée dans une période, selon son certificat de décès, « comprise entre le 1er février 1945 et le 31 décembre 1945 ». Il est probable que son corps n'ait pu être identifié parmi les 819 prisonniers exécutés par les nazis à Sonnenburg le 31 janvier 1945 alors que les Russes s'apprêtaient à prendre la forteresse.
Privée de ses parents, Monique Dewael fut alors, selon les documents administratifs, confiée à la tutelle de son oncle Ernest qui sollicita, dès 1947, pour sa nièce alors âgée de 10 ans, le bénéfice d'une pension d'orpheline, perçue jusqu'à l'âge de 18 ans…
Les registres scolaires de l'école schaerbeekoise de la rue Gallait confirment également qu'au cours de l'année scolaire 1943-1944, Monique Dewael était scolarisée aux côtés d'une Marguerite Levy, qui n'était autre que la sœur de son futur mari.
Ces précisions semblent démontrer que :
– Monique Dewael n'était pas juive ;
– les parents de Monique Dewael n'ont pas été arrêtés en tant que « juifs » mais bien comme résistants (6) ;
– âgée de 4 ans au moment de leur arrestation, elle fut confiée à la tutelle de son oncle Ernest. Et non à celle des loups de son récit."
(Le Soir, 23 février).


La parole est à la défense, Marc Uyttendaele, avocat, publie un communiqué :

- " Ceux qui aujourd’hui se prévalent de l’une ou l’autre invraisemblance dans le récit de Madame DEFONSECA pour la discréditer sont soit animés d’un sentiment bas de vengeance, soit essayent de tirer profit d’une pseudo croisade pour s’offrir une publicité indue, soit encore font injure à sa souffrance. En effet, affirmer que le témoignage de Madame DEFONSECA ferait le jeu du négationnisme revient à nier l’évidence de sa souffrance et la réalité intangible du dossier, à savoir qu’une petite fille, élevée dans la culture juive, a perdu à jamais ses parents au début de la guerre et en a subi un traumatisme irrémédiable."
(Le Soir, 28 février).


Mais le même jour à 18h, la faussaire elle-même, abandonne, Le Soir :

- "Misha Defonseca, l'auteure contestée du livre « Survivre avec les loups », admet, dans une communication au « Soir » que l'histoire de son épopée à travers les forêts d'Europe qu'elle aurait parcourues en 1941 avec une meute de loups n'est qu'une œuvre de fiction, pas un récit autobiographique comme elle le prétendait depuis dix ans."
(28 février, 18h).


Monique Dewael n'est pas juive, n'est pas née de parents juifs, elle n'avait pas 4 ans mais 8 quand elle resta scolarisée régulèrement à Bruxelles après l'arrestation de ses parents. Leur histoire est totalement étrangère à la Shoah. La fillette n'a jamais connu d'odyssée pédestre à travers une Europe dévastée par la guerre. Quant aux loups, ce ne sont que des masques derrière lesquels elle a dissimulé une faussaire.

Se basant sur un argumentaire bien plus complet et plus fouillé que la lettre rendue publique ici, Maxime Steinberg se plaça sur les plans de l'éthique et de la déontologie. C'est tout lui, résumé en deux mots.
Convaincus par cet argumentaire et par les mises en cause de Serge Aroles, le Centre Communautaire Laïc Juif de Belgique, le chroniqueur Paul Hermant, le journaliste du Soir Marc Metdepenningen, des journaux parlés et télévisés de la Radio Télévision Belge d'expression Française, le blog « Judenlager des Mazures » n'eurent ensuite de cesse que cette lamentable supercherie prenne fin.

Avant dernier opus de Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Ed. Complexe, 2004, 317 p. La somme des travaux de cet historien qui rappelle néanmoins dans son avant-propos : "En histoire, on n'écrit jamais le dernier mot".
Ce 24 mars vient de sortir en librairie un ouvrage essentiel dont il est le co-auteur :
"Mecheln-Auschwitz. 1942-1944".
Présentation :
- "C'est une série trilingue (néerlandais, français, anglais) en quatre volumes portant sur la persécution et la déportation des Juifs et des Tsiganes du SS-Sammellager, situé dans la Caserne Dossin à Malines, vers Auschwitz.
De 1942 à 1944, la caserne Dossin a servi de camp de rassemblement des Juifs et des Tsiganes de Belgique et du Nord de la France en vue d’une déportation sans retour."
Pour plus d'informations, cliquer : ICI.


NOTES :

(1) Les parents de Maxime Steinberg ont été déportés par le Convoi XI depuis Malines. Seul son père est revenu (Auschwitz, mine de Jawisowitz, Gross Rosen, Buchenwald, Theresienstadt).
(2) Docteur en Histoire, il est professeur à l'Institut d'Etudes du Judaïsme (Université Libre de Bruxelles).
(3) Lire notamment L'Etoile et le fusil, en 3 Tomes, Ed. Vie Ouvrière (actuellement Ed. Vista), 1983-1987.
(4) Expert pour les parties civiles au procès de Kiel (novembre 1980-juillet 1981). Etait jugé un lieutenant SS, Kurt Asche, poursuivi pour complicité dans la mort de milliers de juifs déportés de Belgique.
(5) Lettre publiée avec l'accord de Maxime Steinberg.
(6) Marc Metdepenningen découvrira que le père, arrêté comme résistant, a trahi ses compagnons et n'a été abattu qu'une fois les Allemands l'estimant devenu inutile. Après guerre, les rescapés de son réseau de résistance ont refusé que son nom figure sur le monument aux morts de la Commune.

mardi 24 mars 2009

P. 123. Témoignage sur Treblinka.


Chil Rajchman, Je suis le dernier Juif - Treblinka (1942-1943),
préface d'Annette Wieviorka,
Ed. les arènes, Paris, 2009, 152 p.

Maison d’Edition :

- "Chil Rajchman a 28 ans quand il est déporté à Treblinka en octobre 1942. Séparé de ses compagnons à la descente du train, il échappe aux chambres à gaz en devenant tour à tour trieur de vêtements, coiffeur, porteur de cadavres ou «dentiste». Le 2 août 1943, il participe au soulèvement du camp et s'évade. Après plusieurs semaines d'errance, Chil Rajchman se cache chez un ami près de Varsovie. La guerre n'est pas finie.

Dans un carnet, il raconte ses dix mois en enfer.
À la Libération, il est l'un des 57 survivants parmi les 750 000 Juifs envoyés à Treblinka pour y être gazés. Aucun camp n'avait été aussi loin dans la rationalisation de l'extermination de masse.
Ce texte, publié pour la première fois, est unique. Écrit dans l'urgence, avant même la victoire sur les nazis, il s'inscrit parmi les plus grands.
Après la guerre, Chil Rajchman se marie avec Lila qui lui donnera trois fils. Il quitte la Pologne à la fin de l'année 1946 pour partir vivre en Uruguay. Il est témoin à plusieurs procès d'anciens SS. Toute sa vie, il conserve son texte avec lui et y revient chaque fois que sa mémoire lui fait défaut. Il meurt en 2004 à Montevideo en demandant à sa famille de publier son récit."

Premières lignes :

- "Dans des wagons plombés vers une destination inconnue.Les wagons tristes m'emportent vers ce lieu. Ils viennent de partout : de l'est et de l'ouest, du nord et du sud. De jour comme de nuit, en toute saison : printemps, été, automne, hiver. Les convois y arrivent sans encombre, sans cesse, et Treblinka chaque jour prospère davantage. Plus il en arrive et plus Treblinka parvient à en absorber.

Nous partons de la gare de Lubartow, à quelque vingt kilomètres de Lublin.
Pas plus qu'aucun d'entre nous je ne sais où l'on nous conduit, ni pourquoi. Nous essayons d'en savoir plus sur le trajet. Les gardes ukrainiens qui nous sur­veillent ne font preuve d'aucune bienveillance et refusent de nous répondre. La seule chose que nous entendons d'eux est : «De l'or, de l'argent, des objets précieux !» Ces assassins viennent nous voir sans arrêt. Il n'est pas une heure sans que l'un d'eux ne nous terrorise. Ils nous harcèlent à coups de crosse, et chacun tente de graisser la patte de ces criminels afin d'éviter les coups.Voilà à quoi ressemble notre convoi."

Rescapé de Treblinka, Chil Rajchman (Photo prise en Uruguay / DR).

Rocco Zacheo :

- "Je suis le dernier Juif constitue un cas particulier et rare dans l’ensemble de la littérature et des témoignages sur la Shoah. Il n’apporte pas de réflexions, il n’interroge pas l’expérience des camps, comme l’a fait avec l’arme du recul un Primo Levi. A l’instar des écrits de Calel Perechodnik et de Simha Guterman – les deux décédés lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie – celui de Chil Rajchman a été rédigé dans l’urgence, alors que la guerre n’est pas encore éteinte et que l’auteur fuit de village en village, dans une Pologne dévastée. Rajchman écrit pour laisser au plus vite une trace de l’ignominie, parce que sa survie est un miracle qui se répète quotidiennement, dans ce périple qui le mène depuis Treblinka jusqu’à Varsovie.
C’est précisément l’ombre permanente de la mort qui confère au récit son ton économe et sa densité. Dès les premières pages, sans détours, on est au cœur des rouages de la machine infernale de Treblinka. D’entrée, il est question de ce hasard qui fait du déporté un mort certain ou, beaucoup plus rarement, un vivant en sursis. Rajchman a la chance du jeune âge de son côté. A la sortie du wagon, il est séparé de sa sœur et il est sélectionné pour faire le tri dans les montagnes d’habits et de chaussures qui jouxtent les chambres à gaz. Sous les coups incessants de cravache, assenés par les gardes ukrainiens et les SS, il est confronté aux rythmes hallucinés de ce lieu qui chaque jour élimine et efface de la terre des milliers de Juifs, essentiellement polonais. Durant les onze mois passés à Treblinka, le rescapé se réinvente en mentant sur sa profession. Son salut passe par là. Il sera coiffeur et tondra des femmes avant leur entrée dans les chambres à gaz. Il se prétend dentiste et cela lui vaudra un sursis supplémentaire: il arrachera désormais les dents en métal des gazés.
A chaque poste occupé, Rajchman décortique l’obsession de la hiérarchie du camp pour la bonne marche de sa mécanique. Aucun geste inutile ne doit enrayer la séquence de la destruction. Quelques mouvements de tondeuse ou d’ustensiles dentaires doivent suffire, car le flux de déportés est incessant et dépasse parfois les capacités de broyage du camp. A son démantèlement en octobre 1943, le site aura ainsi avalé entre 700 000 et 1 200 000 déportés. La règle du silence, en particulier avec des condamnés qui ont compris dans la plupart des cas ce que sera leur sort, est l’autre grande préoccupation des SS. La menace de la mort est suspendue au-dessus de tous ceux qui enfreignent cette règle. Car rien ne doit être dévoilé et aucune trace ne doit subsister après le génocide. Les SS le comprennent très vite: les fosses ­communes où s’entassent des centaines de milliers de corps décomposés, sont vidées. Rajchman est intégré dans les «Kommandos juifs» chargés de déterrer les restes et de les acheminer vers d’immenses grils pour être incinérés. Il travaille vite et bien, considère un garde. Cela le soustraira à maintes reprises à une exécution qui touche chaque jour les deux tiers des témoins qui transportent les cadavres."
(Le Temps Livres, 7 février 2009)


(Photo DR).

Nathalie Levisalles :

- "Ce texte aurait pu être publié il y a soixante ans. Ce texte aurait pu ne jamais être publié. De tous les témoignages sur la machine d’extermination nazie, c’est un des plus exceptionnels, écrit avant la fin de la guerre, quand la machine fonctionnait encore, par un homme qui a été à la fois un témoin et une victime survivante. Ce document d’à peine 120 pages est aussi un récit animé d’une stupéfiante force littéraire. Je suis le dernier Juif. Treblinka (1942-1943) a été écrit en 1944 par Chil Rajchmann, né à Lodz en 1914, déporté à Treblinka en 1942 et mort en Uruguay en 2004. Il est aujourd’hui publié pour la première fois, et c’est en France.
(…)
Le récit de Rajchmann est violent, juste, sans recherche d’effets. L’ironie qu’on y trouve parfois semble un écho de l’ironie collective des prisonniers, quand il rapporte les surnoms - «l’artiste», «la poupée» - ou dans sa manière de ne jamais dire un nazi, un type, mais «un assassin», comme dans : le commandant fait son entrée, «un assassin grand et gros d’une cinquantaine d’années». Le texte a une beauté atroce, comme un tableau de Bosch, il est porté par la force de ce que Rajchmann veut dire et par l’impulsion de ce moment unique où il vient d’échapper à l’enfer et n’est pas sûr d’y avoir échappé définitivement.
Le livre s’ouvre sur une préface particulièrement intelligente, sensible et informée de l’historienne Annette Wieviorka. Le texte de Rajchmann, écrit en yiddish, est rendu en français dans toute la précision de sa violence par la traduction de Gilles Rozier. Des choix qui découlent d’un long travail éditorial. De même, l’éditeur du livre, Jean-Baptiste Bourrat, a pris le temps de faire toutes les vérifications historiques nécessaires. Les affaires Wilkomirski et Defonseca (Survivre avec les loups), notamment, ont montré que la fabrication de faux était un des risques de ce champ éditorial. Il était particulièrement important de faire ce travail de validation sur ce livre surgi de nulle part, et son itinéraire a fini par être reconstitué."
(Libération, 22 janvier 2009).

Claude Lanzmann : Shoah (1985). La si douloureuse séquence du machiniste entrant en gare de Treblinka et se souvenant... De brèves images tellement explicites. Sans appel !!!

jeudi 19 mars 2009

P. 122. Retour de Jack Bajot à Bruguières

Cérémonie se déroulant en la Mairie de Bruguières le mars dernier. Instantané pris lors du discours prononcé par le Délégué du Comité Français pour Yad Vashem, Albert Seifer (Photo : arch. J. Bajot / DR).

La page 117 de ce blog annonçait deux nouveaux Justes parmi les Nations à Bruguières : Pierre Boué et Catherine Laborderie.
Cette reconnaissance est l'aboutissement des efforts de Jack Bajot.
Il a rappelé avec une émotion pudique les années noires de la Shoah, elle qui n'épargna pas sa famille.

Discours de Jack Bajot :

- Monsieur Daniel Saada, Ministre Conseiller à l’Ambassade d’Israël,
Cher Monsieur, je vous remercie pour votre présence à la cérémonie,
M. Philippe Plantade, Maire de Bruguières.
Madame Françoise Imbert, Députée de la Hte Garonne.
Monsieur le Rabbin Lionel Dray,
Monsieur Guy Darmanin, Vice-Président National de la FNACA,
Monsieur Albert Seifer, Délégué Régional du Comité Français pour le Yad Vashem,
Mme Odile Boué-Faureau représentant Pierre Boué, son père et Catherine Laborderie, sa tante,
Monsieur Alain Lauper, fils d’Emile Lauper, Résistant et Passeur,
Messieurs Duprat, fils de Monsieur et Madame Duprat, je les ai bien connus.
Sont venus de la Californie David mon fils et Regina ma fille, petits-enfants de Regina et Moritz Bajowicz. Ils sont les arrières petits-enfants de Grand’Mère Sulka décédée après les arrestations.
Sont ici des E.U.A. Georgette et de Belgique Sylvie, elles sont les filles d’Arco Baran (décédé en 1960) et de Genia Blajman 98 ans qui vit toujours en Belgique mais ne peut se déplacer.

Mesdames, Messieurs, chers amis et famille. Nous sommes réunis ce jour pour rendre hommage à Catherine et Pierre, qui au plus fort de la guerre ont pris le risque inconsidéré de sauver mon père, Moritz.


Permettez-moi d’évoquer brièvement les circonstances qui prévalaient en ce temps-là.
31 Mai 1940. Refugiés de la Belgique, les Baran, Arco, Genia, son frère Daniel et nous, les Bajowicz, arrivons à Toulouse. En Juin, lors de la retraite des Alliés, mon père est mobilisé parmi les réservistes Polonais et vite démobilisé. Il était déjà trop tard. On ne parvenait pas à résister aux Allemands. Le Maréchal Pétain signe l’armistice, il y eut Vichy et tout s’enchaine. La France subit la pression et Vichy doit se soumettre à l’envahisseur.

En Septembre 1940, les Autorités nous obligent à nous rendre en résidence forcée à Salies du Salat.
En Mars 1941, la population française accepte mal la présence des Allemands, mais sans prendre de risques, il était difficile pour les patriotes de faire de la résistance mais aussi de protéger les réfugiés des griffes nazies, la persécution des Juifs étrangers était en cours.
Cette fois on nous envoie en résidence forcée à Bruguières. Catherine et Pierre nous louent une fermette et nous demandent peu pour le loyer. Les Bajowicz et Baran cohabitent et nous ne formons qu’une famille. Les frères de Genia se trouvent en résidence forcée à Castelnau d’Estretefond.
En Juillet 1941, Nathan le fils des Neumann, eux aussi en résidence forcée à Bruguières, est Chef de Troupe Adjoint des Eclaireurs Israélites à Toulouse, il vient chez nous et demande à ma mère si je pouvais faire partie de leur troupe. Ma mère accepte. Tout se passe bien et les parents de mes amis E.I., m’achètent même des produits de chez nous.

Mars 1942, René Bousquet devient Commissaire National ; les lois raciales sont exécutées avec rigueur. La situation des Juifs étrangers se complique. Mon père, Arco, les 2 frères de Genia, et d’autres Juifs sont réquisitionnés pour des travaux forcés. J’ai 14 ans mais ne le parais pas et mon père ne déclare pas mon âge à Muret afin de m’éviter de devoir y aller. Sans Laissez Passer et clandestin, je me déplace pour survivre, je fais du marché noir. C’est cela car sans moyens on mettrait notre famille dans un camp. J’approvisionne mon père et ses amis à Bouloc aux travaux forcés, ils ont faim. Pierre comprend et nous procure tout ce qu’il peut. Cette époque m’oblige d’écourter mon adolescence et de prendre des risques dont je me souviens bien surtout en allant à Toulouse. Catherine ne nous compte plus le loyer et avec Pierre, ils font tout ce qu’ils peuvent pour nous aider, je me souviens du lait et autres produits. C’était risqué, mais...

Le 20 Juillet, par suite de désaccords entre les dirigeants aux travaux forcés, on permet aux hommes de rentrer jusqu’à nouvel avis. Le 1er Août le camp des E.I.F. débute dans l’Aveyron. Ma mère insiste, à ce que je participe. Etait-cet un pressentiment ? Pendant 2 semaines, tout va bien au camp des E.I. mais nous sommes quelques clandestins, que Maurice cache, car informé de ce qui allait se passer, il ne nous déclare pas sur la liste des E.I. au camp.
Le 15 Août Bouloc rappelle les hommes aux travaux forcés, mon père n’y retourne pas et se cache chez Pierre.

Le 26 Août, au feu de camp nous apprenons les arrestations de nos familles. Le camp fut levé mais d’abord nous chantons cette dernière fois, en pleurant « ce n’est qu’un au revoir mes frères » ; nous doutions de nous revoir un jour. Je ne saisissais pas la cruauté des collabos… et me demandais qui était arrêté à Bruguières ? Je prie en espérant un miracle. Maurice donne des instructions à Nathan et parle au fermier, qui nous loue l’emplacement du camp. Déjà des parents viennent en voiture chercher leurs enfants. Maurice entre dans la cabine, le fermier nous fait grimper à l’arrière du camion. En route le fermier arrête le camion ; plus loin il y a un contrôle. Par la forêt, nous faisons un détour pour dépasser l’endroit des interpellations et rejoignons le camion. Maurice laisse ici et là des E.I. chez des personnes de confiance. Je reste le dernier et Maurice m’emmène chez lui, c’était le matin du 27 Août. Notre voisine, Erna Schöndorf venait le soir chez les Bernsohn et me dit : "hier matin j’ai vu les arrestations de ta mère, Mina et Ruth et d’autres à Bruguières ; Pierre veille sur ton père. Wolf caché dans sa grange a été blessé par une fourche et arrêté après. Catherine est auprès de ta mère et plaide en vain avec les gendarmes de ne pas l’arrêter ; elle fut interrogée sur toi et ton père. Catherine voit, que ta mère hésite et répond à sa place, « Ils ont quitté la région, on ne sait pas où ». Ta Grand-mère Sulka avait un malaise et le Docteur Henri Duprat passait."

Le 28 Août Arco et moi, nous nous rencontrons clandestinement à Lespinasse, il m’apporte mes bottines oubliées ; maman les avait achetées en Juillet. Nous parlons et pleurons. En quittant il supplie, « ne viens pas à Bruguières on te cherche ». Mais cette nuit en passant par les champs je m’y rends par l’arrière de la ferme, Catherine m’accueille.
Papa et moi préparions notre fuite : "ce sera pour dans deux mois, car le village est encerclé, d’ailleurs quel risque tu as pris en venant ; on aurait pu t’arrêter ; nous avons déjà perdu ta Maman et voilà que nous pleurions, même Catherine". Il me remet la copie de la feuille de route, "on ne sait jamais", dit-il… Nous étions ensemble 3 jours, il y eut un contrôle ; ni les Baran ni Grand-Mère ne savaient que j’étais là. Papa dit, que cela vaut mieux ainsi. Pierre me conduit à Castelginest des gendarmes l’arrêtent en chemin. Caché sous le foin dans la charrette j’entends les gendarmes justifier leur boulot et Pierre répondre avec audace, car il les connaît : « Le boulot, mais pour qui ? Les Boches ».

La nuit du 31, j’arrive chez Maurice. Le lendemain matin nous prenons le train vers Moissac.
Le 1er Septembre 1942, Maurice et moi allons au home des E.I. Des enfants y sont cachés par Bouli et Shatta Simon. J’y reste jusqu’à la semaine d’Octobre et retrouve mon père à la gare de Toulouse. Nous prenons le train, passons une nuit chez le 1er contact à Pallavas (Montpellier) et reprenons le train, que nous quittons à Bossey.
4 gendarmes nous interpellent sur le quai ; à cause du Laissez Passer corrigé de mon père, qui semble faux, ils disent, qu’ils doivent nous arrêter. Mais l’uniforme scout et ma fausse excuse de me rendre avec retard au Jamboree de Granves Sales nous sauva ; ce fut un miracle, qu’ils nous laissent partir et nous étions en route vers la Boulangerie Coopérative. Emile nous attendait, ce passeur, résistant nous fait traverser les fils de fer barbelés, vers la Suisse en risquant lui aussi sa vie.

Fin Février 1943, toute la France est occupée depuis 2 mois, on arrête même des Juifs français. C’est « le sauve qui peut » par milliers, ils fuient vers l’étranger ; d’autres se cachent avec l’aide de patriotes.
Arco Baran fuit de Bruguières et demande à Genia d’attendre son message. 3 semaines plus tard Genia fuit à son tour, enceinte de 5 mois, emmenant Georgette 2 ans plus un sac avec le strict minimum. Elle marche jusque Castelginest, prend le tram, le train et rejoint Arco à Nice. Comme pour lui, Arco avait trafiqué un Laissez Passer pour elle. Sylvie naquit le 8 Juillet à St Martin Vesubie.
Les Baran étaient très courageux, traversant avec 2 bébés la haute montagne vers l’Italie et la Suisse.


Titre et photo de La Dépêche de Toulouse (Arch. J. Bajot / DR).

Suite du discours de Jack Bajot :

Catherine, Pierre, alors que le danger guettait aussi bien les recherchés que les patriotes tels que vous, alors que mon passage chez vous n’était que de quelques jours, mon père vous l’avez caché pendant plusieurs mois et sauvé. Les contrôles des gendarmes ne vous ont pas empêchés de prendre le risque, qui aurait pu vous coûter votre propre vie…
Nathan, sans toi, je n’aurais tout d’abord pas connu les éclaireurs et ne serais plus là…
Maurice, tu m’as caché plusieurs fois et emmené à Moissac…
Bouli et Shatta Simon, j’étais chez vous 2 mois et vous m’avez caché…
Emile Lauper, tu nous as fait passer les fils de fer barbelés de 3m de haut en risquant ta vie…
Catherine et Pierre, vous avez sauvé mon père et j’étais moi aussi caché 3 jours chez vous... Grâce à vous tous, j’ai survécu et je vous suis très reconnaissant.

Je remercie encore Monsieur Saada, Monsieur Plantade, Madame Odile Boué (ép. Faureau), représentante des récipiendaires Catherine Laborderie et Pierre Boué, Monsieur et Madame Demouch et Monsieur Ponce d’avoir rendu cet événement possible. Ensemble avec la famille, amis et ceux, qui nous rejoignent, nous honorons ce jour les JUSTES des Nations, Pierre et Catherine et ma famille arrêtée le 26 Août 1942 à Bruguières et convoyée à Auschwitz. Je remercie toutes les personnes d’avoir été présents afin d’honorer nos sauveurs et les persécutés.


Novembre 1938, mon oncle Michel Kleinwachs, est torturé à mort à Mauthausen le 22.11.1944.
Novembre 1938, mes Grands Parents, Rosalia et Moritz Kleinwachs au Ghetto de Cracovie, mort inconnue.
Novembre 1938, les parents de Genia, Max et Daniel Blajman déportés en Pologne, mort inconnue.
Le 26 Août 1942, ma mère Regina Bajowicz, Oncle Wolf, Tante Mina et cousine Ruth on été arrêtés à Bruguières.
Nos bons amis Max et Daniel Blajman en résidence forcée à Castelnau d’Estretefonds ont été arrêtés à Bouloc.
Tous les 6 ont été déportés en Wagons à Bétail le 4.9.1942 par le convoi N° 28 à Auschwitz et gazés.
En 1945, nous apprenons la déportation depuis la Belgique des oncles Albert et Jakob, des tantes Zuni et Sarah. Tous ont été gazés à Auschwitz.
Toulo Baran, frère d’Arco, est mort pour la France parmi les premiers soldats tombés lors de l’invasion des Allemands en 1940.
Mon ami Chef de Patrouille des Cigognes, Georges Mandel, Grenouille, Résistant fut fusillé par les Allemands en 1944.
Parmi les déportés dans ma famille, il y eut au total 8 gazés, 1 torturé à mort et 2 déportés, dont la mort est inconnue.
Parmi nos amis, 2 furent gazés, 2 dont la mort est inconnue, un soldat tombé pour la France et un résistant fusillé.
Désormais, à Bruguières, une plaque du souvenir rappelle les arrestations de six Juifs déportés et morts ensuite à Auschwitz. Au nombre de ces victimes de la Shoah : Regina Bajowicz (Photo Arch. J. Bajot / DR).

lundi 16 mars 2009

P. 121. Les passés de Claude Lanzmann

Sortie le 12 mars 2009.

Claude Lanzmann, Le lièvre de Patagonie, Gallimard.

Extrait :

- "Quand venait l’heure de nous coucher et de nous mettre en pyjama, notre père restait près de nous et nous apprenait à disposer nos vêtements dans l’ordre très exact du rhabillage. Il nous avertissait, nous savions que la cloche de la porte extérieure nous réveillerait en plein sommeil et que nous aurions à fuir, comme si la Gestapo surgissait. "Votre temps sera chronométré", disait-il, nous ne prîmes pas très longtemps la chose pour un jeu. C’était une cloche au timbre puissant et clair, actionnée par une chaîne. Et soudain, cet inoubliable carillon impérieux de l’aube, les allers-retours du battant de la cloche sur ses parois marquant sans équivoque qu’on ne sonnait pas dans l’attente polie d’une ouverture, mais pour annoncer une brutale effraction. Sursaut du réveil, l’un de nous secouait notre petite sœur lourdement endormie, nous nous vêtions dans le noir, à grande vitesse, avec des gestes de plus en plus mécanisés au fil des progrès de l’entraînement, dévalions les deux étages, sans un bruit et dans l’obscurité totale, ouvrions comme par magie la porte de la cour et foncions vers la lisière du jardin, écartions les branchages, les remettions en place après nous être glissés l’un derrière l’autre dans la protectrice anfractuosité, et attendions souffle perdu, hors d’haleine. Nous l’attendions, nous le guettions, il était lent ou rapide, cela dépendait, il faisait semblant de nous chercher et nous trouvait sans jamais faillir. À travers les branchages, nous apercevions ses bottes de SS et nous entendions sa voix angoissée de père juif : "Vous avez bougé, vous avez fait du bruit. – Non, Papa, c’est une branche qui a craqué. – Vous avez parlé, je vous ai entendus, ils vous auraient découverts." Cela continuait jusqu’à ce qu’il nous dise de sortir. Il ne jouait pas. Il jouait les SS et leurs chiens."


Philippe Sollers :

- "Un livre où il y a une bonne dizaine de livres, tous éclatants de précision, de détails parlants, de portraits inoubliables. C'est Lanzmann, avec ironie et distance, parlant de sa mère explosive et embarrassante, de son père silencieux dans la Résistance. C'est Lanzmann à 18 ans, au lycée Blaise-Pascal, à Clermont-Ferrand, transportant des armes avec l'aide du Parti communiste. Il y a là une charmante Hélène de son âge, et ils s'embrassent à n'en plus finir dans les rues pour échapper à la Gestapo (les armes sont dans la valise). C'est Lanzmann toujours plus ou moins réfractaire et clandestin dans le maquis. La narration saute d'une époque à l'autre, revient, repart, art extrême du montage, avec mémoire visuelle instantanée. C'est Lanzmann à Berlin et en Israël, faisant du planeur et apprenant à piloter. C'est Lanzmann philosophe avec ses amis d'alors, notamment Deleuze (…) Des drames, sans doute, mais aussi beau coup de générosité et de liberté. C'est Lanzmann dans l'aventure des «Temps modernes ». Et puis, bien entendu, Beauvoir, la cohabitation avec elle, l'amour, puis l'amitié et, toujours, l'admiration. Sartre et Beauvoir: «Ils m'ont aidé à penser, je leur donnais à penser.»
(…) Et c'est le voyage vers le soleil noir de la « Shoah », le film le plus antispectaculaire qu'on n'ait jamais conçu et réalisé."
(Le Nouvel Observateur, 5 mars 2009).

Image extraite de Shoah (DR).

Gilles Anquetil et François Armanet :

N. O. - "Le tournage de «Shoah», tel que vous le racontez dans votre livre, est un véritable roman d'espionnage, quand vous allez en Allemagne avec un faux passeport et une caméra cachée pour interroger les anciens nazis.
C. Lanzmann. - Je n'avais pas d'autre choix. J'ai dû ruser, inventer des stratagèmes et des pièges. C'est la première fois, dans mon livre, que je raconte tout cela. «Shoah» est à beaucoup d'égards une investigation policière, et même un western dans certaines de ses parties.
N. O. - Ce fut une traque incessante des bourreaux et des victimes pour les faire témoigner. Votre regard sur eux a-t-il changé durant ces douze ans?
C. Lanzmann. - Non, il n'a pas changé ni sur les nazis ni sur les victimes. «Shoah» n'est pas un film sur les survivants, c'est un film sur les morts. Les morts sont morts et les vivants s'effacent devant eux. C'est pourquoi j'appelle les protagonistes juifs de «Shoah» des «revenants». Parce qu'en réalité aucun d'eux n'aurait jamais dû survivre et, s'ils ont pu le faire, c'est par miracle. Je les tiens pour des héros, des saints et des martyrs. Ils s'oublient totalement, ils parlent avec une abnégation totale. Ils ne racontent pas comment ils ont survécu. Ils ne disent jamais «je», ils disent «nous». Ils sont les porte-parole des morts."
(Le Nouvel Observateur, 5 mars).

Frédéric Ferney :

- "Quant au lièvre qui est dans le titre, il ne cesse de passer par ici, de repasser par là, comme le furet de la chanson. Il y a les lièvres qui jouent sous les barbelés d'Auschwitz-Birkenau. Il y a ce "lièvre mythique" qui se jette devant ses phares, au crépuscule, à la pointe de la Patagonie, et qui lui "poignarde le coeur" en suscitant une joie étrange: "comme si nous étions vrais ensemble", dit-il. Est-cela l'incarnation?
Me plaît ce bel aveu d'un homme de quatre-vingt-quatre ans: "Je ne suis ni blasé ni fatigué du monde, cent vie, je le sais, ne me lasseraient pas".
(Blog Le Bateau Libre, 6 mars).

Portrait de Claude Lanzmann (DR).

Anna Bitton :

- "Ce sont les Mémoires d'un homme qui a ce mot en horreur. D'un créateur halluciné qui a passé sa vie à débusquer, sonder, pénétrer l' « immémorial » -c'est lui qui le dit. D'un octogénaire à l'oeil clair hanté par la mort, « ce scandale », qui skie avec son fils de 15 ans, fait l'amour, du vélo et défie le temps : « Je n'ai pas d'âge, je ne l'éprouve pas, je suis incroyablement vivant. »
Mémoires, donc. Il fallut toute la persuasion d'Antoine Gallimard pour que Claude Lanzmann accepte de sous-titrer ainsi son livre. Le livre de sa vie. « Le lièvre de Patagonie ». Ce titre-là, il l'a choisi. Ciselé. Le lièvre, on l'aperçoit dans « Shoah », ce chef-d'oeuvre, se faufilant sous les barbelés, « infranchissables par l'homme », des camps de la mort. S'évadant. Acte fondateur de la mythologie lanzmannienne. Patagonie, parce que cela sonne bien, fantasque, libre, décalé. Parce que c'est loin, très loin d'Auschwitz... Loin des hommes... « Si j'avais la certitude de me réincarner en lièvre, je crois que j'accepterais bien mieux l'idée de mourir », nous confie-t-il. Dans ce livre de 550 pages, il n'accepte toutefois rien de tel. Il « sanctifie la vie », comme naguère les survivants, les revenants, « [s] es frères », ceux que les Allemands sélectionnaient sur la rampe et sommaient de se rhabiller parce qu'ils ne seraient pas gazés tout de suite et qui soudain « découvrent tout : les fosses, les rugissements des flammes, la cascade de cadavres enchevêtrés, bleuis, qui déferle par les portes tout à coup ouvertes de la chambre à gaz, torsades de corps qu'ils ont à dénouer et où ils reconnaissent les visages écrasés, défigurés, de leur mère, leur petite soeur, leur frère, débarqués avec eux il y a quelques heures à peine ». Ceux d'entre eux qui survivront, parce qu'ils haïssaient la mort, parce qu'il n'y a que la vie. « Mes frères », les apostrophe-t-il tendrement, alors même que de Jacques, son frère de sang, l'écrivain et parolier notoire, il ne parle guère. « On n'a pas eu la même vie, nous répliquera-t-il. De toute façon, même si on avait vécu les mêmes choses, on n'aurait pas les mêmes souvenirs. »
Mais ce livre n'est pas un recueil de souvenirs. C'est une grande oeuvre épique, déchirante et bondissante. Un envoûtant hymne à la vie. D'une pureté truculente. L'écriture danse, tressaille, frémit, fond en de voluptueux précipités. Il y a ce rien de grâce qui change tout. Cette justesse qui met le coeur au garde-à-vous."
(Le Point, 12 mars)


1985 : Shoah. Bande annonce.

mardi 10 mars 2009

P. 120. Le Comité Français pour Yad Vashem communique...

Photo : Salle des Noms. Yad Vashem Jérusalem (DR).

Le Comité Français pour Yad Vashem
est une association loi 1901
dont l’objectif est d’aider l’Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Les Justes parmi les Nations.

Les bénévoles du département des ''Justes parmi les Nations'' instruisent les dossiers de demandes de nomination de Justes formulées par des Juifs sauvés pendant la Shoah :

- audition des témoins,
- recherche et étude de documents,
- publications d’avis de recherche dans la presse,
- demandes de compléments d’information.
Après acceptation par Paris du dossier complet, il est envoyé à Jérusalem pour décision. Les dossiers particuliers sont étudiés par une commission ad hoc.

Le Comité rétablit ainsi la vérité historique sur la période noire de l’Occupation et rend publiques les actions des Justes :

- 2989 Français et Françaises ont été honorés jusqu'à fin 2008,
- 22 600 Justes parmi les Nations ont été nommés dans le monde.

Les collaboratrices et les délégués du département des Justes ont organisé les cérémonies qui ont permis d'honorer 156 Justes, en 2008, dans toute la France.

Les médailles ont été remises, soit aux Justes eux-mêmes soit à leurs ayants droit, par un représentant officiel de l'Ambassade d'Israël en France.
Ce Département est en relation avec les médias pour les informer des cérémonies et manifestations ainsi que pour réaliser des supports audiovisuels. Par ailleurs il aide les étudiants dans leurs recherches sur les Justes.

Les Feuilles de Témoignages : Daf-Ed.

Nos bénévoles collectent les feuilles de témoignages qui permettent d’y inscrire les noms des disparus afin qu'ils ne tombent pas dans l'oubli.

En 2006, fut créée sur le site « yadvashem.org.il » la base de données « Shoah Victims’database Search » sur laquelle on peut consulter le noms des disparus de la Shoah. Pour accéder à cette base de données, cliquer ICI

Transmission de la mémoire de la Shoah.

Cette transmission est très importante, surtout auprès des jeunes générations. Elle s'appuie sur d'anciens déportés et d’anciens enfants cachés, qui interviennent régulièrement soit pour :

- témoigner dans des établissements scolaires,
- accompagner des jeunes à Auschwitz ou au Mémorial de la Shoah,
- guider des élèves ou des étudiants lors d'expositions.

Organisation de manifestations.


Il s’agit de faire connaître Yad Vashem ou de collecter des fonds.

Expositions itinérantes.

Le Comité met à la disposition des écoles et des municipalités du matériel d’expositions conçues par l’Institut Yad Vashem Jérusalem sur :

- « Ce ne sont pas des Jeux d’enfants »,
- « Le soldat Tolkatchev, aux portes de l’enfer »,
- « Auschwitz : les Profondeurs de l’abîme ».

D'autres projets ont été menés par le Comité Français pour Yad Vashem comme par exemples :

- la création d'un corpus d’archives sonores avec Radio France intitulé « l’allée des Justes » en 2005, documentaire vidéo sur les Justes avec la maison de production INJAM et le réalisateur Nicolas Ribowski,
- un livret sur les Justes connus et inconnus en partenariat avec le CRIF Aquitaine,
- la publication d’une brochure sur les Justes : « la France honore ses Justes » en janvier 2007, - un voyage de journalistes français à Yad Vashem Jérusalem afin de suivre un séminaire sur la Shoah en septembre 2008...

Le Comité français pour Yad Vashem recherche des bénévoles disponibles 4 après-midi par semaine et ayant de bonnes qualités rédactionnelles.

Contacter M. Paul Schaffer, Président : paul.schaffer@wanadoo.fr

Consulter aussi le Portail du Comité : cliquer ICI.


vendredi 6 mars 2009

P. 119. Le Comité Français pour Yad Vashem vous invite

Invitation à l'avant-première
d' "Adam ressuscité",
un film de Paul Schrader.

Dans le cadre de la Première mondiale des films du musée de Yad Vashem à Jérusalem, le film "Adam ressuscité" sera présenté en avant-première du Festival du cinéma israélien de Paris :

- Cinéma Balzac, 1 rue Balzac 75008 Paris, à 20h15
le dimanche 22 mars 2009, à 20h15 heures.

Cet événement sera notamment honoré par la participation de :
- Monsieur Avner Shalev, Président du Comité Directeur de Yad Vashem ;
- Madame Noemi Schory, metteur en scène, productrice, directrice du département cinéma de l’Académie Beth Berl ;
- Madame Hana Laslo, actrice.


Synopsis :

- "Dans l'Allemagne nazie, en plein génocide juif, Adam Stein, un clown de cirque, évite la chambre à gaz en divertissant des milliers d'autres Juifs dont les jours dans les camps de concentration sont comptés. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Adam élit domicile, avec d'autres survivants de l'Holocauste, dans le désert du Néguev, en Israël. Depuis, il se bat pour entretenir le devoir de mémoire."


Un film de Paul Schrader (“Taxi driver”, “Raging bull”),
adapté du roman de Yoram Kaniuk “Adam ben kelev”,
une coproduction israélienne, allemande et américaine,
avec Jeff Goldblum, Sir Derek Jacobi, Willem Dafoe, Ayelet Zurer et Hana Laslo.

Poster du film (DR).

Jacques Mandebaum (lors du dernier Festival de Berlin) :

- "L'affiche est plus qu'alléchante : Paul Scharder à la réalisation (le scénariste de Taxi Driver de Martin Scorcese et d'Obsession de Brian de Palma), Jeff Goldblum et William Dafoe, soit deux acteurs fascinants, au casting.


Le film, adapté du roman homonyme de l'écrivain israélien Yoram Kaniuk (paru en 1969), est présenté comme la première coproduction germano-israélienne, et tourne autour d'un sujet que le festival de Berlin se fait un devoir de préempter : le nazisme et la Shoah.


Un cinéaste américain protestant, un romancier israélien, une coproduction germano-isaélienne, un sujet à haute valeur mémorielle et symbolique : l'affaire est pour le moins peu banale."
(Le Monde, 9 février 2009).


Le roman de Yoram Kaniuk qui inspira le film.
Stock, 2008, 480 p.

Présentation par l’Editeur :

- "Adam Stein est un clown juif très célèbre dans l'Allemagne des années trente. Il échappe à la mort grâce à ses talents, acceptant de distraire le directeur du camp de concentration ainsi que ses coreligionnaires, afin qu'ils oublient le sort qui leur est promis.

Après avoir tenté de fuir son passé dans une Allemagne où la frontière est bien trouble entre coupables et victimes, il s'installe en Israël, ayant appris que sa fille y a survécu. Mais sa mémoire ne lui laisse aucun répit et Adam commet des actes qui lui valent d'être conduit dans un Institut de Réhabilitation et de Thérapie, construit en plein désert du Neguev pour accueillir les survivants de l'Holocauste.
Dans une langue baroque et brillante, Adam ressuscité décrit le fracas d'une conscience dont les accès de folie absolue sont ponctués de grands moments de clairvoyance. Adam Stein tente désespérément de jouir de l'existence et d'en saisir le sens après que le tragique a brouillé tous les repères. Mais a t-on encore le droit de vivre quand on a laissé conduire à la mort femmes et enfants ? Quel destin peut connaître un pays, Israël, qui naît de l'agrégation de tant de douleurs ?
Une vision infernale dont on ne sort pas indemne."

Pour revenir à l'avant-première du 22 mars, vous pouvez réserver auprès du :

Comité français pour Yad Vashem, 33 rue Navier, 75017 Paris

Tél : 01 47 20 99 57
Fax : 01 47 20 95 57
Email :
yadvashem.france@wanadoo.fr

Prix des places :
Carré d’Or - 150 € ,
Privilège - 100 € ,
Soutien - 75 € ,

Etudiants - 25 €.

mercredi 4 mars 2009

P. 118. Andrée Nicol, Juste parmi les Nations

Photo : Mairie de Levallois (V. Saül / DR).

Le 4 mars, la mémoire d'Andrée Nicol a été saluée lors d'une cérémonie de reconnaissance de Juste parmi les Nations à la Mairie de Levallois.

Cette cérémonie a été ouverte par Monsieur Balkani Maire - Député des Hauts-de-Seine accompagné de Monsieur Knecht – Maire-adjoint au Commerce, à l’Artisanat, à la Vie associative, aux Anciens Combattants et aux Relations publiques.
Délégué du Comité français pour le Yad Vashem, Paul Ejchenrand a donné lecture du récit du sauvetage ayant valu à Andrée Nicol la Médaille et le Diplôme de Juste parmi les Nations :


- "Monsieur et Madame Orloff, originaires de Russie, arrivent en France en 1925. Leur fille Ethel nait le 11 mars 1926, puis Claire, le 25 juillet 1928. Monsieur Orloff tient un commerce rue de Provence à Paris 9ème.

La guerre est déclarée et les lois anti-juives obligent Monsieur et Madame Orloff à remettre leur commerce à un gérant aryen.

Lors de la grande rafle du 16 juillet 1942, toute la famille Orloff est arrêtée puis transférée à Pithiviers avant Drancy.
Dans le camp de Drancy, Claire fait la connaissance de Lucie Brauman, née Wainbaum qui, elle, a été arrêtée en essayant de franchir la ligne de démarcation.

Lucie Brauman est pharmacienne à Levallois-Perret dans les Hauts de Seine, elle a pour collègue de travail Madame Andrée Nicol qui se rend au camp de Drancy et réussit à faire libérer Lucie en faisant valoir que cette dernière est indispensable à l’avancement d’une recherche médicale qui concerne l’officier allemand en charge du camp.
Lucie Brauman est assignée à résidence chez Andrée Nicol qui, sous sa responsabilité, l’héberge et la protége jusqu’à la Libération. Andrée Nicol a caché ensuite Claire à plusieurs reprises quand celle-ci a pu quitter Drancy.
Claire Schwartz née Orloff et Lucie Brauman ont eu ainsi la vie sauve grâce au courage d’Andrée Nicol qui n’a jamais hésité, malgré tous les dangers.

Claire Orloff est la seule rescapée de la famille Orloff. Son père, sa mère, et sa sœur Ethel ont été déportés et ne sont pas revenus. Elle n’a jamais oublié sa bienfaitrice et n'a eu de cesse de témoigner sa reconnaissance à Andrée Nicol, grâce à qui, elle est en vie aujourd’hui.

Andrée Nicol étant décédée, c’est Madame Véronique Mignard, sa nièce qui recevra pour sa tante à titre posthume, la Médaille des Justes parmi les Nation et le Diplôme."


Photo : Andrée Nicol (Arch. fam. / DR).

Un message de Monsieur David de Rothschild, Président de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, a ensuite été lu devant l'assemblée par Viviane Saül, déléguée au Comité français pour le Yad Vashem :

"C’est avec regret que je ne peux être présent lors de cette cérémonie au cours de laquelle sera remise, à titre posthume, la médaille des Justes parmi les Nations à Andrée NICOL, représentée par sa nièce, Véronique MIGNARD, pour avoir sauvé les vies de Claire SCHWARTZ née ORLOFF et Lucie BRAUMAN durant la seconde guerre mondiale.

Lorsque nous commémorons le souvenir des victimes de la Shoah , il est essentiel de rappeler que dans la plupart des pays européens, la grande majorité des communautés juives a été décimée dans les camps d’extermination ou d’abord dans les forêts et villages d’Ukraine, de Pologne, de Lituanie ou de Biélorussie.
En France, 76000 juifs dont 11OOO enfants ont été déportés. Seuls 2500 juifs sont revenus, parmi lesquels aucun enfant.
Pourtant les trois quarts des juifs, en France, ont eu la vie sauve. Pourquoi ? Parce que, partout dans notre pays, il y eut des hommes et des femmes de cœur et de courage, qui ont aidé des Juifs. Ces actes individuels, isolés ou collectifs, n’allaient pas de soi à une époque où la vindicte générale se déchaînait, et où ceux qui aidaient les Juifs mettaient souvent en péril leur vie et celle de leur famille. Au moment où dans les camps se déchaînait la barbarie la plus absolue, ces « Justes parmi les Nations », reconnus par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem et honorés par l’Etat d’Israël, ont non seulement sauvé des vies humaines, mais aussi incarnés l’honneur de l’humanité qui, grâce à eux, n’a pas totalement sombré à Auschwitz.
Ce sont les Justes comme Andrée NICOL que le Président de la République Jacques Chirac et Simone Veil ont souhaité honorer en les faisant entrer au Panthéon. Cette cérémonie nationale d’hommage et de reconnaissance a permis de rappeler à tous que l’Histoire est constituée d’une longue chaîne de responsabilités individuelles et collectives, et que chacun de nous est un maillon précieux, qui fait que l’Histoire chavire ou au contraire avance.

Andrée NICOL à qui l’on décerne aujourd’hui la médaille à titre posthume l’ont fait avancer. Ils ont été comme on peut le lire désormais dans la crypte du Panthéon « Les lumières dans la nuit de la Shoah ».
Que leur action courageuse, soit une fierté pour leur famille, leurs amis, leur ville et notre pays. Qu’ils soient aussi un exemple pour tous nos concitoyens, aujourd’hui, afin de défendre les valeurs de tolérance, de respect de l’autre et de fraternité."


Photo : Devant la pharmacie de Levallois, à droite : Andrée Nicol (Arch. fam. / DR).

Des poèmes ont alors été lus par deux élèves du collège Saint-Justin.

Monsieur Daniel Saada, Ministre Conseiller auprès de l’Ambassade d’Israël en France, a prononcé un bref discours de circonstance puis a remis la Médaille et le Diplôme de Juste à Véronique Mignard, nièce de Madame Andrée Nicol.


Aux prises de parole et aux remerciements des témoins ont succédé le Chant des Partisans puis une
Minute de Silence.



NOTES :

- TleVallois TV a consacré un reportage à cette cérémonie. Pour le visionner, il vous suffit de cliquer ICI.

- Viviane Saül, déléguée du Comité, a veillé à la transmission des documents présentés sur cette page du blog. Qu'elle trouve ici l'expression de notre gratitude.


lundi 2 mars 2009

P. 117. Deux Justes reconnus grâce à l'obstination de l'ancien petit scout Bajowicz

A Bruguières (Haute Garonne) :
Pierre Boué et
Catherine Laborderie
Justes parmi les Nations

Ce deux mars 2009, la Mairie de Bruguières (1) a abrité une cérémonie de remises - à titre posthume - de Médailles et de Diplômes de Justes à Pierre Boué ainsi qu'à Catherine Laborderie. Tous deux, complémentairement et avec le même courage désintéressé, ont arraché à la Shoah le jeune Isi Bajowicz ainsi que son père.

Cette cérémonie a été ouverte en ces termes par le Maire, Philippe Plantade :

- "Cette cérémonie de remise, à titre posthume, de médailles des « Justes parmi les Nations », à Mme Catherine LABORDERIE et M. Pierre BOUÉ, nous amène à saluer le dévouement et le courage de ces deux Bruguièrois qui, au risque de leur propre liberté et surtout de leur vie, ont aidé et sauvé des membres des familles BAJOWICZ et BARAN.
Bruguières était à l’époque une « commune de résidence forcée » pour les familles juives.
C’est ainsi que Pierre et Catherine cachèrent, durant la rafle d’août 1942, le petit Jack BAJOWICZ et son père et permirent leur fuite.

C’est M. Jack BAJOWICZ, aujourd’hui âgé de 80 ans et portant désormais le nom de BAJOT, qui a entamé les démarches officielles pour que soit reconnu le rôle humaniste et salvateur de Mme Catherine LABORDERIE et de M. Pierre BOUÉ à l’égard de sa famille.

Souvenons-nous de l’inscription gravée sur la médaille des « Justes parmi les Nations » décernée par l’état d’Israël :


« Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier .»

Ceci nous amène à nous poser, et c’est salutaire, la question : « Qu’est-ce qu’un juste ? »

« Le juste est le fondement du monde.»


Le juste donne sa place à chaque chose ; il ordonne avec mesure. Par-là même, il répond à sa fonction créatrice ou organisatrice. Il symbolise l’homme parfait en ce qu’il ressemble à un démiurge (dieu créateur) organisateur, qui met l’ordre en lui d’abord puis autour de lui ; il joue le rôle d’une véritable puissance cosmique.
Le juste accomplit en lui-même la fonction de la balance quand les deux plateaux s’équilibrent. Le juste est donc au-delà des oppositions et des contraires, il réalise en lui-même l’unité ignorant le morcellement du temps. Il pense et agit avec poids, ordre et mesure."

Photo : Maire de Bruguières, Philippe Plantade (Doc. Mairie, DR).

Suite du discours du Maire :
- "A notre époque où l’on sacrifie l’homme sur l’autel de l’économie, que tout devient monnayable, quantifiable je pense à René GUENON (le philosophe) qui de manière prophétique dénonçait :

« Le règne de la quantité opposé au règne de la qualité ».

Ce qui est loin d’entraîner un monde juste.
Un monde juste et un comportement juste apportent la prospérité individuelle et collective, la sérénité et l’épanouissement de tous et chacun.
Quand les hommes vivront d’Amour, il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours
Dans la grande chaîne de la vie pour qu’il y ait un meilleur temps, il faut toujours quelques perdants, dit-on, en ajoutant :

« De la sagesse ici-bas c’est le prix ».

C’est ce que semblait penser, en 1959, André SCHWARTZ-BART puisqu’il écrivait dans « Le Dernier des justes » :

« Les justes tombent dans les bûchers de l’histoire, les piliers du monde s’effondrent.
Le juste devine tout le mal qui se tient sur terre ; il le prend dans son cœur. »

L’action du cœur c’est ce qu’ont accompli Mme Catherine LABORDERIE et M. Pierre BOUÉ. Que leur acte de cœur nous serve d’exemple et si parfois nous faiblissons dans notre espoir, pensons à eux pour revivifier notre idéal.

Car la fonction du Juste, aujourd’hui personnifiée par Mme Catherine LABORDERIE et de M. Pierre BOUÉ est érigée en substance par la pensée gnostique; il devient comparable à « une colonne de splendeur ».

Soyons désespérément optimistes.

Rêvons, mais faisons en sorte que ce qui pourrait paraître utopique devienne la réalité :
« Ici et maintenant. »

Jacob Bajot :

- "Je suis Américain et vis aujourd'hui en Belgique. Je m'appelais Isi, Jacques Bajowicz et en 1941-1942 faisais partie des Eclaireurs Israélites de France à Toulouse. J'avais alors 13 et 14 ans.

Pendant les années 41-42 ensemble avec ma famille nous nous trouvions à Bruguières (15 km de Toulouse) en résidence forcée. Au mois d'Août 1942, le camp des éclaireurs à Moizares m'a sauvé une première fois. J'étais recherché, mais ma mère et toute ma famille (11 personnes) en plus de mes amis proches, excepté mon père ont été déportés.

J'ai été caché à plusieurs reprises, notamment chez les Laborderies je considère comme "Justes" et par les Eclaireurs Israélites à Moissac.

Finalement, avec mon père, nous avons réussi avec beaucoup de peine à rejoindre la Suisse."

Photo : Isi, Jacques Bajowicz tenu tendrement par sa mère, cliché pris à Bruguières (Arch. fam. / DR).

- "Quelques précisions encore : notre Troupe était menée par Maurice Bernson qui, je pense, plus tard faisait fonction de Vice Consul de France en Israël.
Dans la même troupe, j'avais des amis tels André Mandel, Jacques Kovalski et Nathan Neumann (Gazelle)."
(Lire son appel à témoins sur le site de D-D Natanson).

Paul Seifer était le délégué du Comité Français pour Yad Vashem à cette cérémonie suivie de l'inauguration d'une plaque sur le Monument aux Morts de Bruguières. Les victimes juives de la famille Bajowicz emportées sans retour par le convoi 28 vers Auschwitz restent ainsi désormais dans la mémoire de Bruguières.

Bruguières : ancienne carte postale du Monument aux Morts (DR).

NOTE :

(1) Les Services de la Mairie ont fort obligeamment transmis documentation et photo pour la réalisation de cette page.