vendredi 27 février 2009

P. 116. Le sauvetage à Palaminy de Denise et de Jean-Claude Bystryn.

Photo : Venasque (DR).

Première cérémonie de Justes parmi les Nations à Venasque.

Ce 27 février à la Résidence du Quinsan - "Le Rocher" à Venasque (1), s'est déroulée une cérémonie de remises de Médailles et de Diplômes de Justes, cérémonie ouverte par la Directrice de la Résidence, Mlle Françoise Tribeaudot. Succédant à cette dernière, Gaby Bézert, Maire, a prononcé avec émotion ce discours :

- "C’est pour moi, aujourd’hui, un grand honneur de recevoir dans ma Commune
Madame le Consul Général d’Israël et
Monsieur le Président du Comité Français Yad Vashem pour le sud de la France (2)
mais aussi d’assister pour la première fois à la cérémonie officielle de remise de la Médaille et du diplôme des Justes.

Cette haute distinction décernée par l’Etat d’Israël à titre civil est un formidable devoir de mémoire et de gratitude profonde.

Aussi, je tiens à féliciter très chaleureusement Mademoiselle Yvonne Féraud, à saluer la mémoire de ses parents Gabriel et Maria Féraud et ses oncle et tante Alfred et Marie-Louise Aymard qui n’ont pas hésité à sauver les deux enfants juifs au péril de leurs vies.

Je remercie également Madame Denise Bystryn Kandel et son frère Monsieur Jean-Claude Bystryn, les enfants juifs sauvés, qui ont permis par leurs témoignages et leur gratitude de mettre à l’honneur Madame Féraud, personne modeste.

Mademoiselle Féraud, vous êtes une personne très méritante, aussi c’est avec un grand honneur que je vous remets au nom du Conseil Municipal ce bouquet de fleurs. Toutes nos félicitations."


Photo : Gaby Bézert, Maire de Venasque (d'après le Site municipal, DR).

Témoignage de Robert Mizrahi, délégué du Comité Français pour Yad Vashem :

- "La récipiendaire qui a été le " Deus ex Machina" du sauvetage de Denise et Jean Claude Bystryn, c'est avant tout Mademoiselle Yvonne Féraud qui était enseignante, alors agée de 19 ans, à l' Institut Ste Jeanne d'Arc de Cahors.
Elle à fait admettre par la Supérieure Mlle Nonorgues Denise dans l' Institution puis compte tenu du risque encouru par Mlle Nonorgues, Yvonne Féraud a emmené en train chez ses parents - Gabriel et Maria Féraud, près de Toulouse - la jeune Denise agée de 10 ans.
Quant au petit Jean Claude, 5 ans, elle l' a confié à son oncle Alfred et à sa tante Marie Louise Aymard qui habitaient près de Cahors et qui n'avaient pas d'enfant. Ils l'ont gardé comme leur fils jusqu'en septembre 1945 .
Denise et Jean Claude n'ont donc pas été cachés à Vénasque mais à Palaminy dans la Haute-Garonne.
Nous avons remis la Médaille des Justes, Madame Simona Frankel Consule Générale d'Israël et moi même, à Yvonne Féraud pour elle-même, mais aussi la Médaille à Gabriel et à Maria Féraud ainsi qu'à Alfred et Marie Louise Aymard à titre posthume, leur ayant Droit étant évidemment Melle Yvonne Féraud qui vit maintenant dans cette maison de retraite religieuse à Vénasque."

Ce résumé a été publié en Anglais bien avant la cérémonie, il retrace l'itinéraire des deux enfants : Denise et Jean-Claude.

- "Denise Bystryn (depuis épouse Kandel) est la fille d’Iser Bystryn et de Sara Wolsky Bystryn. Elle est née à Paris, le 27 Février, 1933 et son jeune frère, Jean-Claude, est né le 8 Mai 1938.
Né le 12 décembre 1901 à Drohiczyn, le père avait immigré en France au milieu des années 1920 pour étudier à l'Université de Caen. Bien qu'il ait été formé comme rabbin, il lui a fallu étudier les mathématiques et suivre des études d’ingénieur en mécanique. Avant la guerre, il était le chef mécanicien dans une usine de fabrication de camions.
Sara était née à Brest-Litovsk le 18 Décembre 1906. À la fin des années 1920, elle est venue à Paris pour étudier. Elle a ainsi appris l’artisanat des chapeaux et des corsets. Elle et Iser se sont mariés en 1930.
Avant le début de la guerre, la famille a vécu à Colombes, en banlieue parisienne, et Denise a été inscrite en primaire dans une à l'Ecole des Filles. Bien que les parents s’expriment couramment en Français, ils parlaient yiddish entre eux.
Le 10 Mai 1940, l'Allemagne a envahi la France et presque exactement un an plus tard, le 14 Mai 1941, Iser Bystryn a été arrêté lors des premières rafles des Juifs étrangers et enfermé à Beaune-la-Rolande, camp d'internement. Denise, Jean-Claude et leur mère sont restés à Colombes, mais se rendaient au camp une fois par mois pour y revoir Iser. Sara a aussi communiqué avec son mari grâce à du courrier et à des paquets occasionnels. Elle lui a notamment envoyé un plan d'évasion dissimulé dans un gâteau. Sara tenta de convaincre son mari de fuir mais il se montra d'abord réticent…
Puis des policiers français sont venus à l’appartement de Colombes et l'un d'eux a signalé à Sara de partir. Elle a alors compris qu’Iser s’était échappé de Beaune-la-Rolande et elle a pris à son tour la fuite cette nuit-là avec ses enfants."



Photo : Jean-Claude et Denise Bystryn en 1942 (Arch. flickr, DR).

"Finalement, Sara et ses enfants attinrent le département du Lot. Venant de Beaune-la-Rolande, Iser retrouva sa famille à Cahors. Il y développa un ulcère et il fut hospitalisé pendant six semaines. Le médecin qui le soigna, était dans la résistance. Sachant son patient juif, il l’a gardé à l'hôpital plus longtemps que nécessaire afin de le protéger. Il a également pris des dispositions pour que Denise et Jean-Claude soient placés dans un couvent. Mais Jean-Claude, qui avait quatre ans à l'époque, parce qu’il était un garçon, ne pouvait passer la nuit dans ce couvent et était alors placé en famille.
Tous ont survécu à la guerre. Le père s’est caché d’endroits en endroits, jusqu’à se fixer dans une ferme où il fabriqua de faux papiers pour des Juifs persécutés.
La mère connut elle aussi une vie un peu nomade, y compris dans les bois.
Denise est restée au couvent jusqu’en avril 1944 sous son vrai nom de Bystryn (sans que jamais les religieuses ne cherchent à la convertir).
Après ces années tragiques, la famille enfin reconstituée émigra vers les Etats-Unis en 1949. Denise décrocha un Doctorat en médecine de l’Université de Colombia et épousé en 1956 Eric Kandel, futur prix Nobel de médecine en 2000." (3)


NOTES :

(1) Nos remerciements à la Mairie pour son apport précieux à cette page du blog.

(2) Nos lecteurs assidus auront reconnu Robert Mizrahi qui représentait es qualité le Comité Français pour Yad Vashem. Notre gratitude pour sa participation à la rédaction de cette page.

(3) Pour plus de développements, consulter (version Anglaise) flickr en cliquant : ICI . Le témoignage décrit comment fut quitté le couvent en avril 1944 pour Palaminy-sur-Cazères chez les futures Justes parmi les Nations Gabriel et Maria Féraud.

mardi 24 février 2009

P. 115. Raymonde Piedallu, Juste parmi les Nations.

Photo : Mairie de Saint-Jean-Froidmentel (d'après le site de la Municipalité, DR).

Ce 22 mars, les Médaille et Diplôme de Juste parmi les Nations ont été remis en la Mairie de Saint-Jean-Froidmentel à Raymonde Piedallu.

Nicole Caminade était déléguée du Comité Français pour Yad Vashem à cette cérémonie.

La Newsletter n° 302 de l'Ambassade d'Israël rend compte de cette cérémonie. En voici les premières lignes :

- "De 1942 à 1945, dans un désintérêt total et au risque de sa propre vie, Raymonde Piedallu a sauvé deux fillettes juives qui, sans cet acte de courage à long terme, auraient été victimes de la Shoah.

Cantinière, garde champêtre et facteur, elle fut contactée par une association parisienne et elle accepta de prendre en pension une petite fille, Jeannette.
« Vous savez, honnêtement, à ce moment-là, je ne savais pas ce qu'était un juif. M'occuper d'une petite fille en plus des miens, c'était pas bien difficile. »

« En 1942, raconte la Nouvelle République, année noire de proclamation des lois anti-juives, naît la petite sœur de Jeannette, Henriette. Raymonde va alors chercher le bébé à Paris et le ramène chez elle. Ce bref séjour dans la capitale occupée, la tension du voyage et la présence allemande permanente dans le Perche ... tout cela aurait pu faire renoncer Raymonde. Mais les deux sœurs resteront à Saint-Jean jusqu'à la fin de la guerre et Jeannette sera même scolarisée sous son vrai nom, Dystelman ».


Pour lire la suite, cliquer : ICI .

P. 114. Des élèves du Collège Cassin (Loos) à l'origine de trois reconnaissances de Justes

Joseph et Marianna, les époux Tysiak,
et leur fille Marianna,
Justes parmi les Nations
de Loos en Gohelle.

Photo : en 1942, les petits enfants juifs cachés par la famille Tysiak (FR3, DR).

France Israël Amitiés l’annonçait le 30 juin 2008 :

- "Suzanne Zynkowski, Thomas Escarbelt, élèves de troisième au collège René Cassin de Loos en Gohelle, assistés de Sylviane Roszak, professeur d'histoire, Florence Chaumorcel, bibliothécaire, et leur amie Jacqueline Lucas ont travaillé sur les histoires liées à la Déportation et à la Résistance. Après avoir lu un article dans la revue Gauheria, l’équipe n’a eu de cesse que de retrouver Marianna Sloma, la fille des époux Tysiak, dix-neuf ans au moment des faits. Même si la maison, où elle habite toujours a été reconstruite depuis, il s'en est passé route de Béthune à Loos-en-Gohelle de 1942 à 1945 !

Au moment où les mesures antisémites se précisaient dans la région et notamment la rafle de Lens du 11 septmebre 1942, Joseph Tysiak, mineur de fond, et sa femme Marianna ont hébergé des enfants juifs.
D'abord Abel Kestenberg et Hélène Grunfas.
Puis Marie et Norbert Cymbalista dont le père, tailleur à Lens, voulait les sauver de la déportation en Allemagne. Âgés respectivement de sept ans et trois ans en 1942, ils allaient avoir la vie sauve grâce à ce couple catholique, membre du réseau polonais de la Résistance.
Marie, qui prendra le prénom de Myriam, et Norbert, ne reverrons jamais leurs parents et ils resteront à Loos-en-Gohelle jusqu'en 1950 avant d'être pris en charge par la communauté juive de Lens. Partis à Paris, ils rejoindront Israël où ils vivent aujourd'hui, dans des kibboutz de la région de Jerusalem. Mais le plus intéressant fut de savoir que Myriam et Norbert étaient toujours en contact avec Marianna. Mieux : ils lui ont rendu visite, elle en 2000 et son frère l'an dernier.
L'histoire ne pouvait en rester là. Lors de sa visite, Myriam, encore traumatisée, recherchait le jardin où la famille Tysiak cachait des explosifs dans les poireaux et surtout la porcherie où elle se dissimulait avec Norbert durant la guerre. Quand la Gestapo débarquait suite à une dénonciation, prévenus par le grincement du portail ils filaient là-haut, au-dessus des cochons, tremblant de peur... Le groupe du collège Cassin a été sensibilisé par cet héroïsme et cette humilité. Myriam et Norbert ont lancé une demande de reconnaissance."

Ce 22 février, les médailles et diplômes de Justes parmi les Nations ont été remis à la famille Tysiak suite aux efforts conjugués des jeunes et des pédagogues du Collège Cassin mais aussi des Myriam et de Norbert Cymbalista, deux enfants qui leur doivent la vie.
Cette cérémonie s'est déroulée à Loos en Gohelle, salle Omer Caro. En voici quelques échos.

Photo : Marianna Sloma-Tysiak, Juste parmi les Nations (Eric Janiszewski, La Voix du Nord, DR).

Marianna Sloma-Tysiak :

- "Je n'ai rien fait de sensationnel, c'est à mes parents qu'il faut rendre hommage… Et ils n'ont pas fait ça pour les honneurs, mais parce que cela leur semblait naturel."


Peleg Levy, conseiller auprès de l'ambassade d'Israël à Paris :

- "Alors qu'ils auraient pu fermer les yeux pendant cette période sombre de l'Histoire, ces héros ordinaires ont choisi de sauver des juifs. Les Justes considèrent ce qu'ils ont fait comme étant naturel. Mais en le faisant, ils ont sauvé l'honneur de la France (...).

La médaille de Juste, la plus haute distinction de mon pays, n'est pas une récompense mais un témoignage de gratitude."

Marianna Sloma-Tysiak a reçu également la Légion d'honneur des mains de Marcel Caron, maire honoraire de Loos en Gohelle.

La Voix du Nord :

- "12 h 30 : l'entrée dans la salle Omer-Caron. Marianna fait son apparition dans la salle des fêtes. Les vibrantes acclamations de cinq cents personnes l'escortent jusqu'au podium. L'harmonie ouvre la cérémonie. La chorale joue avec les émotions de l'assistance en interprétant Nuit et brouillard. Maire, sous-préfet... Les personnalités se succèdent à la tribune pour parler de l' "engagement hors du commun" des Tysiak. Deux anciens collégiens de Cassin retracent le cadre de cette histoire à partir de témoignages.
(E. W., 23 février 2009).

Professeur émérite à l'Université de Lille 3, auteur notamment de travaux et de recherches sur les "Camps pour Juifs" du Nord, Danielle Delmaire a accepté de proposer son regard d'historienne sur cette cérémonie :

- "Lors de la préparation du concours national de la déportation de 2008, dont le thème était les Justes en France, des élèves de troisième du collège René Cassin à Loos-en-Gohelle ont découvert que, dans leur ville, deux enfants juifs, Marie et Norbert Cymbalista, avaient été cachés par des résistants d’origine polonaise : Joseph et Marianna Tysiak.
Aidés de leur professeur d’histoire, Sylviane Roszak, ils sont parvenus à interroger Marianne Sloma-Tysiak, la fille de Joseph et de Marianna, ainsi que sa jeune sœur qui, à quatorze ans, acheminait des courriers, auprès de la résistance locale, en les cachant dans ses tresses. Ils ont également retrouvé les enfants sauvés qui désormais vivent en Israël. Ainsi est née, grâce à la démarche de ces collégiens, l’idée d’obtenir la médaille des Justes pour Joseph et Marianna Tysiak et leur fille Marianna Sloma-Tysiak.

Lors de la cérémonie, un dossier fut distribué, rappelant l’histoire de ce courageux sauvetage. Joseph était mineur et sa femme Marianna était nourrice. Dès les premiers jours de l’occupation, en 1940, ils organisèrent, avec d’autres mineurs d’origine polonaise, un mouvement de résistance. En 1942, la situation des Cymbalista, juifs et eux aussi originaires de Pologne, devint difficile dans la ville de Lens où ils vivaient. Ils placèrent donc leurs enfants chez les Tysiak. Puis ils furent arrêtés lors de la rafle du 11 septembre 1942, déportés à Auschwitz dont ils ne revinrent pas. Les Tysiak décidèrent alors de cacher les enfants Cymbalista, d’autant plus que les Allemands, peu avant la rafle, étaient venus chercher un autre enfant juif que le couple hébergeait. Sa mère avait accepté de dire aux Allemands où se trouvait son enfant et de les accompagner pour le récupérer. Elle pensait ainsi le garder avec elle, dans la déportation.

Dès lors, durant la journée, Marie et Norbert, âgés de 7 et 4 ans, ne sortaient pas de la maison et dès que le portail d’entrée de la fermette des Tysiak grinçait – il n’était pas repeint pour qu’il grince si on l’ouvrait – les enfants devaient se réfugier dans la porcherie où ils se dissimulaient dans les ballots de pailles et où les cochons leur faisaient terriblement peur. Les enfants Cylmbalista ont donc vécu jusqu’à la fin de la guerre dans ces conditions précaires et dangereuses, pour eux-mêmes et pour leurs sauveteurs qui, en outre, continuaient leurs activités résistantes. Marie Cymbalista, devenue Myriam Troper, a redit, lors de la cérémonie, sa peur quotidienne et son angoisse dès que le portail grinçait, dès que le chien aboyait. Cette peur et cette incertitude, les enfants les ont vécues pendant plus de deux longues années.

Un jour de 1944, les Allemands ont débarqué à la ferme des Tysiak, sans que les enfants aient le temps de se réfugier dans la porcherie. Ils se cachèrent sous un lit. En fait, ils avaient été dénoncés par un collaborateur. Les Allemands recherchaient donc les enfants juifs mais Marianna Tysiak, qui avait séjourné en Allemagne avant son arrivée en France, connaissait l’allemand et entama la conversation avec eux pour leur expliquer que les enfants avaient quitté leur domicile depuis longtemps. Elle bavarda futilement avec ses visiteurs et évoqua leur Allemagne. Ils en oublièrent de fouiller complètement la maison. Les enfants furent sauvés grâce au sang-froid de leur protectrice. « Moi, pendant ce temps, je n’arrêtais pas de trembler, cachée sous le lit », confia Myriam Troper-Cymbalista. Désormais, les enfants ne quittèrent plus la porcherie sauf pour dormir ! Cette peur les habita longtemps et même après la libération, ils ne parvenaient pas à la surmonter.

Marie et Norbert ne retrouvèrent pas leurs parents à la fin de la guerre. Marie espéra longtemps mais vainement leur retour de déportation. Avec son petit frère, elle resta chez les Tysiak jusqu’en 1950. Puis ils furent pris en charge par l’OSE (Organisation de Secours aux Enfants, organisme juif) qui les recueillit dans l’un de ses homes pour les orphelins de la déportation. Peu de temps après, ils émigrèrent en Israël où ils vivent toujours.

Lors de la cérémonie, émouvante car Marie (Myriam) et Norbert se trouvaient aux côtés de Marianna Sloma- Tysiak avec laquelle ils sont toujours en relation, deux collégiens de l’établissement René Cassin, qui avaient participé au concours, étaient présents pour rappeler l’histoire des enfants Cymbalista. Le maire de Loos-en-Gohelle, J-F Caron, le représentant de Yad Vashem, Didier Cerf et la sous-préfète de Lens, Mme Petonnet, prirent tour à tour la parole avant la remise du diplôme et de la médaille des Justes par M. Peleg Lévy, conseiller auprès de l’ambassade d’Israël. L’hymne israélien retentit dans la salle avant les remerciements chaleureux de Myriam Troper-Cymbalista. Puis Marianna Sloma-Tysiak reçut la légion d’honneur des mains de Marcel Caron, maire honoraire de Loos-en-Gohelle."

(s) Danielle Delmaire.

Pour visionner le reportage de FR3, cliquer : ici .

Le Comité Français pour Yad Vashem avait délégué Didier Cerf à cette cérémonie.

Que le Professeur Delmaire trouve ici l'expression de notre gratitude pour son précieux apport à cette page du blog.

jeudi 19 février 2009

P. 113. Retrouver ou découvrir Chambon-sur-Lignon à la Mairie du 20e

"Le souvenir du Juste restera pour toujours" à Chambon-sur-Lignon.

Une plaque fut inaugurée en 1979 à Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) par des Juifs sauvés de la Shoah grâce à des habitants de ce village du Vivarais :

(Photo DR).
Le souvenir du Juste restera pour toujours (Psaume 112_6).

Hommage
à la communauté protestante de cette terre cévenole,
et à tous ceux entraînés par son exemple
croyants de toutes confessions et non croyants,
qui, pendant la guerre 1939-1945,
faisant bloc contre les crimes nazis
ont au péril de leur vie, sous l’Occupation,
caché, protégé, sauvé par milliers
tous les persécutés.

Les Juifs réfugiés au Chambon sur Lignon
et dans les communes avoisinantes.

La lecture du Dictionnaire des Justes de France (1) le confirme :
- « La région du Chambon occupe une place unique dans l’histoire de la France : nulle part ailleurs les Juifs ne furent accueillis et sauvés en aussi grand nombre et avec pareille générosité. »
En conséquence et à titre exceptionnel, c’est le pays entier de Chambon-sur-Lignon qui a été reconnu par Yad Vashem comme Juste parmi les Nations. Dans toute l’Europe occupée, une seule autre commune a été honorée comme Juste : Nieuwlande, en Hollande.


Menant toujours ses recherches, la Mairie de Chambon a jusqu’à présent dénombré plus de 3.450 noms de Juifs ayant connu ce havre de pays au milieu d’une France occupée par les Nazis et prise dans le carcan du Régime de Vichy.

1943. Dessin d'enfant juif caché à la Maison de l'Abric de Chambon-sur-Lignon (DR).

La Médaille et le Diplôme attribués à Chambon-sur-Lignon ne doivent pas faire oublier des reconnaissances individuelles se situant dans le même contexte exceptionnel de sauvetage collectif de Juifs par une population merveilleusement courageuse.
Le pays du Chambon compte donc tous ces Justes parmi les Nations :

Lucie Abel et sa fille Lydie Abel (Fay-sur-Lignon)
Fanny-Marie et Jean-Jacques Astier (Chaumargeais)
Georgette Barraud et sa fille Gabrielle Barraud (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur André Bettex (Le Mazet-Saint-Voy)
Auguste Bohny (Le Chambon-sur-Lignon)
Friedel Bohny-Reiter (Rivesaltes, Le Chambon-sur-Lignon)
Jean Bouix (Le Chambon-sur-Lignon)
Marie Brottes (Le Chambon-sur-Lignon)
Yvonne Cellier (Tence)
Pasteur Daniel Curtet et Mme Suzanne Curtet (Fay-sur-Lignon)
Samuel Emile Charles (Le Chambon-sur-Lignon)
Fernand et Hélène Court (Le Mazet-Saint-Voy)
Roger Darcissac (Le Chambon-sur-Lignon)
Léonie Deléage et sa fille Eva Philit (Les Tavas)
Pasteur Charles Delizy (Freycenet-Saint-Jeures)
Léon et Antoinette Eyraud (Le Chambon-sur-Lignon)
Antoine J. M. Frachette (Tence)
Pierre et Louis Franc (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur Charles Guillon (Le Chambon-sur-Lignon)
Henri et Emma Héritier (Le Chambon-sur-Lignon)
Eva Jouve (Le Chambon-sur-Lignon)
M. et Mme Jouve (Le Chambon-sur-Lignon)
Berthe et M. Kittler (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur Roland Leenhardt (Tence)
Pasteur Raout Lhermet (Le Chambon-sur-Lignon)
Simone Mairesse (Le Mazet-Saint-Voy)
Jean et Eugénie May, leurs enfants Roger May et Germaine May (Le Chambon-sur-Lignon)
Eugénie Mettenet (Le Chambon-sur-Lignon)
Hubert Meyer (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur André Morel (Le Chambon-sur-Lignon)
Eugène et Elizabeth Munch
Jean et Nancy Ollivier (Le Chambon-sur-Lignon)
Ermine Orsi (Le Chambon-sur-Lignon)
Samuel et Léonie Pélissier (Le Mazet-Saint-Voy)
Mireille Philip (Le Chambon-sur-Lignon)
Edouard et Judith Picot (Chapignac)
Pierre Piton (Le Chambon-sur-Lignon)
Albert et Lucie Pradier (Saint-Agrève)
Albert et Eugénie Roux (Chaumargeais)
Lucie Ruel (Le Mazet-Saint-Voy)
Elie et Marie Russier, leur fille Lily Boit (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur Edouard et Mildred Theis (Le Chambon-sur-Lignon)
Pasteur André et Magda Trocmé (Le Chambon-sur-Lignon)
Daniel Trocmé (Le Chambon-sur-Lignon)
Juliette Usach (Le Chambon-sur-Lignon)
- sauf erreurs ou omissions involontaires - .

Le Chambon-sur-Lignon (voir liens) DR.

Pour mieux approcher cette histoire unique en France, la Mairie du 20e propose jusqu’au 13 mars une exposition intitulée :
La banalité du bien - Le Chambon sur Lignon, plateau refuge (1940-1944).


Cette exposition rassemble :

- des extraits du documentaire de Pierre Sauvage, Les armes de l’esprit (1987). Ce sont essentiellement des entretiens réalisés avec deux villageoises qui ont participé personnellement au sauvetage de réfugiés juifs tout en estimant que leur geste n’avait rien d’héroïque mais était tout simplement "naturel"…

- en Français, en Hébreu et en Anglais, 35 panneaux illustrés de nombreuses photographies d’époque présentant le village, la région, les traditions culturelles et religieuses qui firent du Chambon-sur-Lignon un refuge pour tous les persécutés (prêtres catholiques pendant la Terreur, républicains espagnols, Juifs) et une terre d’accueil pour les enfants de mineurs de St Etienne au XIXe et au XXe siècles.

Réalisée par le musée Bar-David du kibboutz Baram (Israël), cette exposition a été conçue sous la direction de l’historien Ely Ben-Gal, lui-même réfugié au Chambon durant la Seconde guerre mondiale.

Et pour clore cette page, une vidéo : "L'honneur du Chambon-sur-Lignon".
Premier Prix du Concours 2008 sur la Résistance, ce document a été réalisé par les élèves de 3e du Collège Ponsard (Vienne). Au milieu des soubresauts du révisionnisme, voici des jeunes qui donnent encore à ne pas désespérer de l'avenir ! (2)


Notes :

(1) Dictionnaire des Justes de France, sous la direction d'Israël Gutman, édition établie par Lucien Lazare, préface de Jacques Chirac, Yad Vashem Jérusalem - Fayard Paris, 2003, 596 p.

(2) Cette page est due à l'initiative de Jenny Laneurie. Qu'elle en soit remerciée.

P. 112. Simone Zazzeri, Juste parmi les Nations

Mairie principale de Nice (DR).

Pour avoir sauvé les frères Acher...

Ce 17 février, la salle des Fresques de la Mairie de Nice a servi de cadre à une cérémonie de reconnaissance de Juste parmi les Nations.

Adjointe au Maire, Martine Ouaknine et William Zekri pour le Comité Français pour Yad Vashem entouraient Simona Frankel, Consul général d'Israël à Marseille. A titre posthume, celle-ci a remis les Médaille et Diplômes de Juste parmi les Nations à Simone Zazzeri (décédée en 1962).

En septembre 1943, cette Niçoise a recueilli Gilbert et Roger Acher dans son "Palais meublé" à l'angle des rues de l'Hôtel-de-Ville et Alexandre-Mari. Premiers occupants de Nice, les Italiens n'avaient manifesté aucune volonté de persécution antisémite. Mais quand les Allemands leur succédèrent, les rafles commencèrent. Ainsi furent arrêtés les parents Acher pour être déportés vers Auschwitz et ne jamais en revenir...
N'écoutant que sa générosité désintéressée, Simone Zazzeri ne laissa pas les deux frères à l'abandon.

Professeur émérite de biochimie à Paris 6, Roger Acher témoigne :
- "Madame Simone était une patriote... Elle a prévenu mon frère de l'arrivée de la Gestapo, alors qu'il était hospitalisé à Pasteur. Et c'est sans chaussures qu'il s'est échappé en sautant les grilles. Madame Simone, qui savait ce qui l'attendait si elle était prise, l'a ensuite dirigé vers le maquis."

Commentaire de François Vignola :
- "Les années passent mais les Juifs n'oublient pas, ni le mal, ni le bien que les autres peuples leur ont fait. C'est un peu cela que signifie le titre de « Juste parmi les nations », imaginé en 1953 par le jeune Etat d'Israël afin d'honorer les hommes et femmes d'Europe qui avaient eu le courage de sauver des Juifs des rafles nazies."
(Nice-Matin, 18 février 2009).

Photo Nice-Matin : de G. à Dr., Georges Zazzeri petit-fils de la Juste Simone Zazzeri - Roger Acher, enfant cachée et sauvé.

mercredi 18 février 2009

P.111. Mairie du 11e : discours et remerciements aux Justes

Mairie du 11e : invitation à la cérémonie du 12 février.

Patrick Bloche, Député-Maire du 11e Arrondissement :
- "Ces gestes simples mais qui faisaient courir les plus grands dangers sont des actes exemplaires de résistance dont nous devons nous souvenir. Aussi ces médailles sont-elles l’impression d’une volonté : inscrire à l’encre indélébile les noms de celles et de ceux qui, par leurs actions, rachetèrent notre humanité toute entière."

Florette Kirszner, enfant sauvée par le couple de Justes Batisse :
- "A leurs 5 filles, je voudrais dire que jamais je n’ai oublié leurs parents et qu’ils restent pour toujours dans mon cœur."


Patrick Bloche, Député-Maire du 11e Arrondissement (DR) :

- "C’est un motif de très grande fierté et d’intense émotion que d’accueillir ce soir, en Mairie du 11ème art, cette cérémonie d remise de Médaille des Justes parmi les Nations.
Ce soir, c’est de nouveau, c’est l’histoire de notre pays que nous regardons en face.
Entre 1940 et 1944, 76000 juifs de nationalités française ou étrangère, dont 11000 enfants, furent déportés depuis la France. Le bilan de cette extermination programmée, de cet anéantissement voulu des juifs, de tous les juifs est effroyable : seuls 2000 juifs parmi les déportés de France survivront à l’enfer des camps.

A quelques pas d’ici, le gymnase Japy fut l’un des lieux où l’on rassembla des enfants, des femmes et des hommes, avant une déportation dont, pour la plupart, ils ne revinrent jamais. Deux plaques sont aujourd’hui apposées sur la façade de l’Edifice. Elles invitent les passants à se recueillir et à se souvenir d’une horreur, perpétuée avec la complicité de la police de Vichy, qui aboutit à déporter et à assassiner des personnes par le seul fait qu’elles étaient juives.
La cérémonie de ce soir est un hommage rendu à travers le temps, qui démontre justement qu’avec la volonté, le temps n’efface rien : aussi bien les atrocités que les actes de bravoure.

Et il convient de se rappeler, qu’en marge du zèle collaborationniste et de la froide léthargie des foules, il y eut des valeureux qui résistèrent. Et pour cela, les honorer est un devoir. Ces femmes et ces hommes, jeunes ou plus âgés, eurent le courage de s’opposer, alors même que l’esprit du moment les incitait à faire tout le contraire. Ils forment ces discrets bataillons de personnes qui, pour reprendre les mots de Joseph KESSEL « auraient pu se tenir bien tranquilles », mais qui firent un choix très différent : celui d’écouter leur conscience.

Ils firent alors des gestes qui relevaient, pour eux, de l’évidence : ils cachèrent, hébergèrent, recueillir ou encore nourrirent et vêtir ceux que la barbarie nazie, guidée par une haine aveugle, voulaient tous exterminer.

Ces gestes simples mais qui faisaient courir les plus grands dangers sont des actes exemplaires de résistance dont nous devons nous souvenir. Aussi ces médailles sont-elles l’impression d’une volonté : inscrire à l’encre indélébile les noms de celles et de ceux qui, par leurs actions, rachetèrent notre humanité toute entière.

Ce soir, nous honorons six de ces valeureux. Monsieur Daniel SAADA, Ministre Conseiller de l’Ambassade d’Israël en France, remettra ainsi, la Médaille des Justes parmi les Nations à Monsieur Pierre NICOLINI et, à titre posthume, aux ayants droit de Pierre et Alphonsine BATISSE, Julien et Laure HOUDUSSE et André PATROLIN.

La cérémonie de ce soir est une cérémonie dont il faut souligner et la beauté et la solennité. Elle est, en effet, l’expression de la reconnaissance que le peuple juif, dans son ensemble, veut témoigner à l’endroit de celles et de ceux qui, n’étant pas de leur confession, démontrèrent une solidarité à toute épreuve.
Le peuple juif reconnaît ici l’existence d’une dette morale imprescriptible, et en inscrivant les noms de ses défenseurs sur le mur d’honneur du Jardin des Justes à
Yad Vashem, il exprime sa volonté que figure dans son histoire celles et ceux qui lui sont venus en aide. Dès lors, jamais ces noms ne devront en être effacés.

Le peuple juif exprime donc ici sa reconnaissance. Cette reconnaissance est aussi celle que nous tous, collectivement, devons exprimer envers des femmes et des hommes qui, par leurs actions, assumèrent la charge de notre salut. Ils étaient animés par une vision de l’humanité que nous avons la responsabilité de faire perdurer, et notamment face aux travers de notre époque actuelle. Pour ces femmes et ces hommes, ce que l’on nomme « l’autre » devait avant tout être considéré comme une richesse qu’il faut étreindre et non comme une menace dont il faut se méfier, pire combattre. Ce que firent ces Justes, c’est se battre, sans arme, pour une idée toute simple et pourtant si forte : toute personne est mon semblable et il ne peut exister la moindre hiérarchie entre les hommes du fait de leurs origines ou de leurs croyances.

Au cœur d’une époque où beaucoup doutèrent des valeurs qu’ils avaient reçues en héritage, l’évidence des gestes que firent les Justes nous touche. Pour eux, il n’y eut pas de calcul, de longues hésitations pour savoir ce qu’il convenait de faire. Ils connaissaient cette évidence du respect des droits et de la dignité de chacun. C’est notre responsabilité collective de faire que, plus jamais, cette évidence ne s’efface."

Florette Kirszner, enfant cachée, salue la mémoire de Pierre et d'Alphonsine (photo DR) Batisse :

- "Nous sommes ici, tous réunis, pour honorer la mémoire de Monsieur et de Madame BATISSE, qui en 1942 sauvèrent la vie, de la petite fille que j’étais et à ce titre, méritent de recevoir la Médaille et le Diplôme de « JUSTES PARMI LES NATIONS »
JUSTES, ils le furent dans tous les sens du terme, n’hésitant pas à me cacher, après la déportation de ma mère, ceci au péril de leurs propres vies et celles de leurs familles.
Quand j’ai commencé les démarches, pour en arriver à ce soir, ce fut long, très long. J’ai été découragée bien des fois. Mais nous y sommes arrivés.

Je voudrai remercier Yad Vashem pour le travail considérable qu’ils ont accompli afin que M. et Mme BATISSE soient reconnus « JUSTES PARMI LES NATIONS ».

A leurs 5 filles, je voudrais dire que jamais je n’ai oublié leurs parents et qu’ils restent pour toujours dans mon cœur."

Pierre Batisse (photo DR).

NB : Notre gratitude à Viviane Saül, Déléguée du Comité Français pour Yad Vashem, elle qui a veillé à rassembler et à transmettre les documents sur lesquels reposent toutes les pages de ce blog consacrées à la cérémonie du 12 février en la Mairie du 11e.

lundi 16 février 2009

P. 110. Histoire d'un amour plus fort que la Shoah

Mairie du 11e Arrondissement (Photo : V. Saül. DR).

La guerre n'a pas étouffé l'amour de Fanny Filcman et d'André Patrolin.
Ce dernier vient d'être reconnu Juste parmi les Nations pour avoir sauvé la famille de Fanny... parmi d'autres qui lui doivent aussi la vie.

André Patrolin, le dernier des 6 Justes honorés (par ordre alphabétique) lors de la cérémonie de ce 12 février en la Mairie du 11e Arrondissement et décrite sur les 3 pages précédantes de ce blog, a amplement mérité Médaille et Diplôme de l'Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Prenez plutôt connaissance de son histoire d'un rare courage et d'un bel amour :

- "La famille Filcman, originaire, de Varsovie, arrive en France au début des années 20.
Le père, Szlama, est né en 1889 et la mère, Perla Zlata, est née Helman en 1889. Ils eurent une fille Fanny, en 1917.
Les Filcman habitent rue du Chemin Vert, dans le 11ème. Peu à peu, le père réussit à monter une petite usine de chaussures avec un associé.
En 1938, Fanny Filcman rencontre André Patrolin avec un groupe d’amis. Elle avait 21 ans à l’époque et n’imaginait pas quel rôle il allait assumer dans sa vie et dans celle de sa famille.


En 1939, c’est la guerre puis l’exode de l’été 1940. La famille se réfugie dans les Landes, et revient en octobre pour découvrir l’horreur de Paris défiguré par les croix gammées.
En août 1941, c’est la rafle du 11ème. Il s’agit d’arrêter des hommes juifs. A 6 h du matin, la police française vient chercher Szlama Filcman et l’interne à Drancy. Un ami prévient André Patrolin qui était dans la Résistance et avait connu Szlama précédemment. André se démène pour faire sortir Monsieur Filcman de Drancy.
Finalement, celui-ci est relâché, avec quelques autres prisonniers malades, en novembre 1941.
Il avait perdu 30 kg en 3 mois.


André Patrolin prend alors totalement en charge la sécurité de Szlama Filcman.
Il juge que Paris est devenu trop dangereux et qu’il faut le faire passer en zone sud.
Il organise son départ avec Raymond Ragache, résistant qui assure les passages de la ligne de démarcation, lui procure de faux-papiers, et prévoit sa fuite vers la Suisse en cas de danger.
Szlama atteindra Chambéry dans un premier temps, puis se réfugiera dans la montagne.
Avant de partir, il a remis, avec une totale confiance, la gestion de son usine de chaussures à André Patrolin, ce qui lui permettra de la retrouver intacte à son retour. De plus, André fait également passer la ligne de démarcation à l’associé qui le lui a demandé.

Inlassablement, André Patrolin se dévoue pour la famille Filcman. Il refuse que Perla et sa fille Fanny portent l’étoile jaune, et leur fait quitter le logement de la rue du Chemin-Vert, pour les installer dans une propriété à Villennes S/Seine (dans les Yvelines). Cette initiative leur sauvera la vie, car entre-temps, les Allemands sont venus à leur domicile officiel et y ont posé des scellés.

En face des Filcman, vivait la famille Meyer.
Le père est arrêté et interné lors de la rafle du 11ème. La mère et ses deux enfants sont en grand danger. Que fait alors André Patrolin ? Il leur donne de l’argent et leur conseille un passage à Langon (Loir et Cher), leur indiquant un passeur digne de confiance pour les aider.
Le nombre de personnes sauvées par André Patrolin est finalement très impressionnant : prisonniers évadés, familles juives, résistants. Si bien que ce personnage hors du commun finit par être dénoncé. La Gestapo vient le chercher à l’usine, où heureusement, il ne se trouvait pas.
A partir de ce moment, il faut prendre d’autres dispositions. Fanny et sa mère sont cachées dans une pension de famille.

André est obligé de retourner dans le Sud. Là, il rend visite au père de Fanny et en profite pour lui demander la main de sa fille.
Szlama Filcman qui a toujours souhaité un fils tel qu’André Patrolin, ne peut qu’être heureux de ce projet. C’est un rayon de soleil dans la nuit de l’occupation.
Intrépide, André poursuit son action de sauveur et de résistant. En avril 1943, il fait déménager Fanny et sa mère dans le Cher, où elles resteront jusqu’à la Libération.
Averti que les SS, coupables du massacre d’Oradour S/Glane, se dirigeaient vers son village, il parvient, avec l’aide du Curé à lui éviter un sort funeste.

Un train allemand bourré d’armes se dirige du Cher vers Belfort, André et d’autres résistants trouvent le moyen de saboter ce convoi qui sera entièrement détruit.
La liste de ses exploits est encore longue et ne peut que susciter notre admiration pour cet homme extraordinaire.

Paris est libéré le 25 août 1944, mais dans le Cher, la fin de la guerre survient le 16 septembre. Fanny et sa mère retournent à Paris, et retrouvent Szlama Filcman. L’appartement est vide, mais durant les années sombres, André a veillé sur leurs affaires qu’ils ont retrouvé intactes.
Le reste de la famille Filcman a été décimé et il n’y a plus personne du côté de la mère de Fanny. Du côté du père, juste un neveu avec sa femme et son fils.
Il est certain que sans l’humanité et l’abnégation d’André Patrolin, les Filcman risquaient de subir le même sort.
Cette histoire connaîtra un heureux dénouement, car Fanny et André se marieront en 1946."


André Patrolin, grand résistant et Juste parmi les Nations (Arch. fam. DR).
La cérémonie du 12 février a été décrite sur les pages à 107 à 109 de ce blog. Ellre avait été organisée par deux Déléguées du Comité français pour Yad Vashem : Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül. Que cette dernière trouve ici l'expression de notre reconnaissance pour tous les documents confiés au blog.

vendredi 13 février 2009

P. 109. Juifs de Turquie et Justes de France


Mairie du 11r Arrondissement (Photo : V. Saül, DR).

Comment au milieu des tourments de la Shoah
se sont croisés les destins
des familles Hatem et Houdusse...

Ce blog l'illustre depuis les premières pages. Chaque histoire authentique de Justes parmi les Nations et donc de Juifs persécutés mais sauvés, est unique, extra-ordinaire au sens le plus aigu. De l'individuel, chacune de ces histoires s'intégre dans ce drame absolu et collectif que fut la Shoah mais tout sauvetage est un espace concret au milieu du judéocide acharné. Dans leur immense modestie, les Justes ont saboté les mécanismes les plus sophistiqués du nazisme et de la "solution finale" que ce nazisme réservait et appliquait à ce qu'il qualifiait de "question juive"...

Parmi les 6 Justes honorés ce 12 février à la Mairie du 11e Arrondissement, Julien et Laure Houdusse ne font pas exception. Leur aide aussi désintéressée que courageuse à des Juifs de Turquie se devait d'être saluée avec respect et reconnaissance.

Lors de la cérémonie, fut rendue publique cette synthèse éclairante :

- "Julien et Laure Houdusse étaient concierges au 27, rue de Longchamp – Paris 16ème, où ils vivaient avec leur fille Edith, née en 1922.
En 1937, deux familles de juifs turcs viennent habiter l’immeuble :

- Michel et Elise Hatem, sans enfants,
- Oscar et Sol Hatem, parents de Nelly, née en 1922, et de Rose, née en 1930.
Edith Houdusse et Nelly Hatem fréquentent la même école et deviennent amies.
Le temps passe, Edith est fiancée, mais en 1940, elle apprend avec douleur que son fiancé est fait prisonnier.

En 1943, dans la France occupée, Nelly et Edith commencent à travailler. Rose, la jeune sœur de Nelly, est encore écolière. A son retour de l’école, elle se rend chez la gardienne, Madame Houdusse, où elle est accueillie comme une enfant de la maison en attendant le retour de ses parents.

La famille Hatem vit dans la crainte des lois anti-juives. Le 16 juillet 1943, Michel Hatem est raflé Bd Bonne Nouvelle et retenu au commissariat du quartier. Ses proches, affolés, cherchent un moyen de lui faire parvenir quelques vivres et une couverture. C’est Edith Houdusse qui se rend au commissariat pour lui apporter le nécessaire. Le lendemain matin, c’est encore elle qui vient aux nouvelles chez les Hatem. Là, elle se heurte à deux policiers venus arrêter toute la famille et qui la menacent à son tour. Impuissante, elle assiste à l’arrestation de ses amis.


Il ne lui reste plus qu’à avertir Nelly à sa sortie du bureau de ne plus rentrer chez elle. Elle l’emmène alors chez ses parents, Julien et Laure Houdusse, qui l’accueillent généreusement et la prennent en charge. De plus, Edith et son père prennent le risque de se rendre au commissariat pour porter des vivres aux prisonniers qui seront bientôt transférés à Drancy.
Là encore, la chaîne de solidarité ne faiblit pas. Les Houdusse, aidés de Madame Bauer, une relation des Hatem, parviennent à plusieurs reprises à faire remettre quelques colis aux internés, et même à les apercevoir. Ceci dans une période où le ravitaillement était plus que problématique.
Désormais, Nelly ne peut plus rentrer chez elle. L’appartement est sous scellés et elle n’a que les vêtements qu’elle portait sur elle. C’est Madame Bauer qui se chargera de lui procurer le nécessaire.
Sur les conseils d’un commissaire de Police, Nelly va alterner ses lieux de résidence, étant souvent hébergée chez les Houdusse, dont la générosité ne se dément pas.

En février 1944, les Hatem, internés à Drancy, sont transférés à Istanbul en tant que prisonniers et après bien des démarches. Ceci en fonction d’un statut particulier des ressortissants turcs à cette époque. Ils y resteront jusqu’à la Libération.
Bien heureusement, la famille au complet a pu se regrouper à Paris après la guerre et témoigner sa reconnaissance à des personnes au grand cœur qui se sont dévouées sans compter, au risque de leur vie. Julien et Laure Houdusse, ainsi que leur fille Edith Houdusse-Corguillet."

Laure Houdusse, Juste parmi les Nations (Photo : Arch. DR).

Cette cérémonie fut rehaussée de la présence du Député-Maire du 11e Arrondissement, Patrick Bloche
et du responsable du Département des Justes au Comité Français pour Yad Vashem, Louis Gobart.

Les Médailles et Diplômes de Justes ont été remis à Pierre Nicolini et aux ayants-droits des autres Justes par Daniel Saada, Conseiller auprès de l'Ambassade d'Israël en France.

Déléguées du Comité Français, Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül étaient responsables de cette cérémonie. Que cette dernière soit encore remerciée pour les documents publiés sur cette page.

mercredi 11 février 2009

P. 108. Histoire du sauvetage de la petite Florette Brand par les Batisse

Mairie du 11e, Place L. Blum (Photo : V. Saül, DR).

Ce 12 février, six nouveaux Justes parmi les Nations sont honorés à la Mairie du 11e Arrondissement de Paris.
Au nombre d'entre eux : Alphonsine et Pierre Batisse.

Après la synthèse des motifs exceptionnels pour lesquels Pierre Nicolini vient d'être reconnu Juste (lire P. 107), voici les raisons liées à l'histoire de la Shoah en France et pour lesquelles le couple formé par Alphonsine et Pierre Batisse reçoit lui aussi, mais à titre posthume, Médailles et Diplômes.

- "Nous sommes en 1924. Jacob Brand, né en 1903 à Varsovie quitte la Pologne pour Paris. Il trouve un petit logement Impasse Volga, dans le 20 ème et un emploi de garçon de restaurant rue des Rosiers.
En 1925, il fait venir sa mère, son épouse Chava, née à Varsovie en 1902 et leur fils Michel, né le 29 mai 1925 à Varsovie.
La famille va s’enrichir de trois autres enfants :

- Léon, né en 1927,
- - Henri en 1932,
et Florette en 1937.
Durant une période faste, Jacob Brand a repris le restaurant de son patron, au 6, rue des Rosiers. Malheureusement, en 1935 la situation se dégrade et Jacob se convertit en marchand forain.
La famille Brand est contrainte de déménager au 1, rue Félix Terrier, puis dans un HLM de trois pièces, rue Eugène Ruiz, toujours dans le 20 ème.
Juste en face, vivent Alphonsine et Pierre Batisse avec leurs cinq filles.
Les deux familles s’apprécient énormément, si bien que parents et enfants se lient d’amitié.

Survient la guerre, la capitulation de la France et l’occupation allemande avec son cortège de lois anti-juives.
Un évènement dramatique survenu dans la famille, l’exécution de leur beau-frère Moishé Burstyn, communiste, en décembre 1941, incite Jacob à gagner la zone libre avec ses fils, qui ont dû quitter l’école.
Il est prévu que son épouse Chava et la petite Florette, 5 ans, les rejoindront au plus vite. Elles partent donc en juin 1942 pour franchir la ligne de démarcation en Saône et Loire avec l’aide d’un passeur. Mais celui-ci les dénonce, et toutes les personnes qui lui avaient fait confiance sont arrêtées et transférées au pavillon psychiatrique de l’Hôpital d’Autun. Ce lieu avait été transformé en prison pour femmes et enfants juifs.
Les prisonnières sont enfermées et maltraitées par les Allemands. La petite Florette, tombée gravement malade est hospitalisée à l’hôpital d’Autun tenu par des sœurs à cornette. Chava n’a qu’un but, sauver sa petite fille. Elle y parvient grâce à l’aide d’une des sœurs. Celle-ci se charge d’écrire à Jacob à Limoges, qui contactera les Batisse afin de leur confier l’enfant. Puis, faisant preuve d’un dévouement exemplaire, elle l’accompagne elle-même à Paris où les Batisse attendent leur petite protégée sur le quai de la gare.

Pierre Batisse (DR).

Ironie du sort, les Batisse demeurent désormais dans un pavillon à Drancy, tout près du camp où Chava est internée. Elle souhaiterait apercevoir ses amis et son enfant, mais son vœu ne se réalise pas et elle est déportée sans retour par le convoi 35.
Durant plus de trois ans, Florette sera protégée et choyée par la famille Batisse, traitée comme leur sixième fille par ces personnes au grand cœur qui mettaient en péril toute leur famille.
Elle est scolarisée sous son vrai nom avec la complicité de la directrice, Madame Walembois, dont le mari est résistant. De plus, tout le voisinage connaissait la situation mais la solidarité était le maître mot de l'époque et sa sécurité fut assurée.


A cette époque, Jacob Brand et ses fils avaient quitté Limoges pour Grenoble qui paraissait plus sûr. L’aîné des garçons Michel Brand, a rejoint la Résistance dans les rangs des FTP (Francs-tireurs et Partisans).
Malgré les restrictions, Jacob parvenait à trouver un peu de ravitaillement dans la région et expédiait des colis alimentaires qui étaient les bienvenus à Drancy. En 1943, Madame Batisse prenant d’énormes risques, accompagne Florette dans l’Isère pour qu'elle rencontre son père et ses frères. La présence des Allemands dans le train rend ce voyage périlleux, mais tout se passe bien, grâce au sang-froid de notre héroïne.


Alphonsine Batisse (DR).

La guerre finie, Jacob Brand retrouve sa fille en 1945, Florette est déchirée de quitter ses bienfaiteurs et elle gardera une affection intacte pour ceux qui l’ont traitée avec tant de bonté et l’ont protégée jusqu’à la Libération.
Monsieur Brand témoignera sa reconnaissance à ces personnes exemplaires en aidant Monsieur Batisse dans son parcours professionnel et son métier de comptable.
L’amitié ne se démentira jamais entre les deux familles."

En présence du Maire du 11e Arrondissement, Patrick Bloche
et du Responsable du Département des Justes du Comité Français pour Yad Vashem, Louis Grobart,

cette cérémonie se déroulera dans la Salle des Fêtes de la Mairie ce 12 février à 17h30

elle a été organisée par Madeleine Peltin-Meyer et par Viviane Saül, Déléguées du Comité (que cette dernière soit remerciée pour les documents publiés sur cette page).

lundi 9 février 2009

P. 107. Pierre Nicolini, Juste parmi les Nations

Mairie du 11e Arrondissement, place Léon Blum (Photo : V. Saül. DR).

Ce 12 février, six Médailles et Diplômes
de Justes parmi les Nations (1)
sont remis à la Salle des Fêtes de la Mairie du 11e à Paris.

Déléguées du Comité Français pour Yad Vashem, Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül (2) ont préparé la première cérémonie de reconnaissance de Justes pour cette année 2009.
En présence de Patrick Bloche, Député-Maire du 11e Ar. et de Louis Grobart, Responsable du Département des Justes au Comité, Daniel Saada, Conseiller près l'Ambassade d'Israël en France honorera six nouveaux Justes dont un seul est encore en vie : Pierre Nicolini.

Voici la synthèse des raisons et circonstances qui ont conduit à attribuer la Médaille de Juste à Pierre Nicolini. Une histoire (forcément) authentique qui se déroule dans les Sudètes. Ou comment 1500 juives mises au travail forcé ont été sauvées par une petit groupe de Français ainsi qu'un industriel allemand :

- "Le récit qui va suivre est une immersion au cœur même de la barbarie nazie.

Cela se passait en Pologne en octobre 1944.
Les derniers survivants du ghetto de Lodz, où régnaient la faim, la maladie, et la misère, étaient transférés à Auschwitz.
Un groupe de jeunes filles, de 16 à 18 ans, fut envoyé à Abstadt dans les Sudètes, pour travailler à l’usine Messap, qui fabriquait des bombes à retardement. Leurs conditions de vie étaient inhumaines. Logées à même l’usine, affamées et maltraitées, elles se savaient condamnées à brève échéance dans ce camp de travail forcé.


Ruth Eldar est l’une des 1500 jeunes filles, qui subissaient ce traitement infernal, surveillées par des gardiennes SS dont la responsable était particulièrement cruelle. Elle se souvient que dans cette usine travaillaient également des prisonniers politiques français venus de Lorraine. Ceux-ci étaient logés avec leur famille à l’extérieur du camp et recevaient plus de nourriture, mais il leur était interdit de donner quoi que ce soit aux détenues juives.
Cette interdiction fut transgressée à maintes reprises. Ruth Eldar se souvient que Pierre Nicolini et 14 autres Lorrains glissaient une partie de leur maigre ration de pain dans les tiroirs des jeunes filles, risquant de féroces représailles.
Un jour, ce fut une même pluie de bonbons lancés par la fenêtre.
De plus, ils s’arrangeaient pour informer les jeunes filles de l’avance des troupes alliées. Ce soutien moral était aussi important que la nourriture.


Au mépris du danger, les prisonniers n’hésitaient pas à saboter les machines pour ralentir la production, prolongeant le temps nécessaire pour les réparer.
Survient la bataille de Stalingrad où les allemands sont battus. Enragés devant cet évènement, les SS décident en représailles de ne donner aucune nourriture durant 3 jours aux femmes détenues, qui tombent évanouies les unes après les autres devant leur machine. Elles sont alors traînées par terre et jetées dans un autre local.
Les prisonniers ne supportent pas ces atrocités. Risquant leur vie, ils se mettent en grève.
Les SS veulent les abattre, mais le chef de l’usine, qui n’est pas un nazi, leur démontre que si les ouvriers sont abattus, il ne reste plus qu’à fermer l’usine.
Finalement, ces héros obtiennent gain de cause. Les prisonnières sont nourries, et les hommes acceptent de reprendre le travail, après cette victoire extraordinaire.
Ruth et ses compagnes leur vouent une immense gratitude.

En mai 1945, l’arrivée des troupes soviétiques est imminente, mais les nazis continuent à sévir. Avant de s’enfuir, ils décident de faire sauter l’usine avec ces 1500 prisonnières. Ils verrouillent les portes et placent des cartouches de dynamite. C’est alors que les Français et le Directeur de l’usine, n’écoutant que leur courage, entreprennent de sauver les malheureuses.
Ils parviennent à découvrir et à éteindre les mèches enflammées par les SS, et à forcer les portes, libérant enfin les prisonnières.

Ruth et ses compagnes n’ont jamais oublié l’héroïsme de ces 15 Français et de Pierre Nicolini qui était l’âme de leur groupe, ainsi que cet industriel allemand au grand cœur. 1500 jeunes femmes leur doivent la vie.
Il a fallu 20 ans à Ruth Eldar pour retrouver par hasard Pierre Nicolini et lui rendre hommage ainsi qu’à ses compagnons." (Photo V. Saül. DR).

NOTES :

(1) A titre posthume : Pierre et Alphonsine Batisse, Julien et Laure Houdusse, André Patrolin. Les histoires de ces nouveaux Justes seront retracées sur de prochaines pages de ce blog.

(2) Remerciements à Viviane Saül, Déléguée, pour la documentation complète sur cette cérémonie du 12 février.


mercredi 4 février 2009

P. 106. "Les Carnets de Minna"

Présentation par les Ed. du Seuil :

- "Un quart de siècle après la mort de sa mère dans le camp de concentration de Terezin, en Tchécoslovaquie, Anny Stern reçoit un paquet transmis par un inconnu. Lorsqu'elle se décide finalement à l'ouvrir, elle découvre des lettres, des photos et surtout un carnet de recettes fait de pages friables cousues ensemble et couvertes de frêles écritures.


Après l'invasion de la Tchécoslovaquie par l'Allemagne en 1939, Minna Pächter est déportée, comme tous les juifs du pays, dans le camp de Terezin. Elle a 67 ans et n'a pas voulu suivre ses enfants et son petit-fils partis à temps pour la Palestine.
Avec ses compagnes d'infortune, Minna tente de résister à l'anéantissement programmé par les nazis en se réfugiant dans l'évocation de leurs vies passées. Malgré la faim et l'épuisement, elles se remémorent les recettes qui faisaient vibrer leurs foyers. Minna les griffonne sur des bouts de papier, avec l'espoir de les transmettre un jour à sa fille Anny.

Avant de mourir, le jour de Yom Kippour 1944 à l'hôpital du camp, Minna confie le précieux carnet à un ami détenu, le chargeant de retrouver sa fille en Palestine et de le lui remettre.
Anne Georget a rencontré le petit-fils de Minna, David Stern, aux États-Unis. Elle a réalisé en 2008 un film documentaire retraçant l'histoire de sa grand-mère et de son Kochbuch. À travers les voix d'Anny et de David Stern, ainsi que d'autres témoins ou survivants de Terezin, ce livre retrace l'imprévisible et poignant périple des carnets de Minna Pächter."


4e de page :

- "Je me souviens de ce jour où le téléphone a sonné.

- Êtes-vous Anny Stern ?
- Oui
- Dans ces cas, j'ai un paquet de votre mère pour vous".

Ainsi finissait la longue errance de pages friables cousues à la main, un livre de cuisine, surgissant après un quart de siècle des abysses du camp de concentration de Terezin, en ex-Tchécoslovaquie. C'est l'histoire de ce recueil de recettes, de ses pérégrinations et d'un de ses auteurs - Minna Pächter, mère d'Anny Stern - qui est au coeur de cet ouvrage.

Vieille dame issue de la bourgeoisie austro-hongroise installée en Tchécoslovaquie, Minna arrive à Terezin le 8 octobre 1942. Avec certaines de ses codétenus, elle rassemble par écrit les meilleures recettes ressurgies de leur mémoire. Réussissant avant de mourir à confier ce manuscrit à un ami détenu, Minna espère qu'il sera remis à sa fille, Anny, réfugiée en Palestine depuis 1939.
Après un invraisemblable périple qui débute en 1944 pour ne s'achever qu'en 1969 aux Etats-Unis, ce carnet de recettes retrouve en effet la fille de cette déportée.

Le livre d'Elsie Herberstein et d'Anne Georget retrace l'existence de cette famille juive tchécoslovaque depuis leur existence paisible en Tchécoslovaquie avant la guerre, le départ en Palestine d'Anny et de son fils et le départ de Minna pour Terezin jusqu'à la genèse de ce carnet de recettes et son errance de mains en mains jusqu'à New York. Au milieu de ce livre, est reproduit un fac-similé de ce carnet de cuisine, rédigé en camp, qui dénombre une vingtaine de recettes sur les quatre-vingt-quatre recettes qu'il comptait."


Illustration d'Elsie Herberstein : "le chemin de ronde sur les fortifications encerclant Terezin." (DR. Voir lien en bas de cette page).

Thomas Wieder :

- "Ce sont quelques feuilles disparates, grossièrement cousues entre elles, où l'on apprend comment réussir un pain aux fruits confits, des quenelles de foie ou un gâteau au pavot.
Rédigé en 1943 au camp de Terezin (Tchécoslovaquie), le carnet de recettes de Minna Pächter est aujourd'hui conservé au Musée de l'Holocauste de Washington. Il constitue le coeur de ce livre richement illustré qui retrace, en s'appuyant sur de nombreux témoignages, le bouleversant destin d'une famille juive ballottée entre l'Europe centrale, Israël et les Etats-Unis."
(Le Monde, 12 décembre 2008).

Recette de Mazeloksch. Fac-simile du manuscrit de Minna Pächter. Illustration par Elsie Herberstein. (DR. Voir lien en bas de cette page).

Jean-Claude Vantroyen :

- "Ce livre est une odyssée. Celle de Minna Pächter d'abord, morte au camp de concentration de Terezin, en 1944. Celle d'un carnet de feuilles écrites à la main. Celle d'Anny Stern, la fille de Minna, qui reçoit ce carnet en 1969 mais qui attend des semaines pour l'ouvrir et des années pour en parler. Celle d'Anne Georget, qui réalise un film sur ces carnets. Et celle d'Elsie Herberstein, dessinatrice et journaliste, qui suit Anne sur les traces de Minna, de sa famille, des témoins…

Mais commençons par le commencement.
Minna Pächter est juive. Elle est arrêtée en 1942 par le régime nazi et envoyée à Terezin, en Tchécoslovaquie.
« Il y avait une forte concentration d'artistes dans ce camp, explique Elsie Herberstein. Des musiciens, des peintres. C'est à Terezin que l'opéra Brandibar a été composé et joué. »
Minna est encaquée avec d'autres femmes, dans un dortoir. Pour s'occuper l'esprit et les mains, une série de femmes décident d'écrire des recettes. Ces recettes qu'on couchait à la main et qu'on se transmettait de mère en fille.
« Il n'y avait pas beaucoup à manger, reprend Elsie Herberstein. Minna et ses amies se sont réfugiées dans l'évocation de la nourriture. C'était un refuge, une forme de résistance. Une manière de dire aux Nazis : vous pouvez tout me prendre, mais pas cela, qui est ma sève, qui est mon âme. »
Minna et ses amies en écrivent 78 : barquettes à la Pächter, baisers de bouton de rose bon marché, boulettes viennoises, mazeloksch, quenelles de foie, gâteau du marié… D'une écriture serrée sur des petites feuilles d'un papier bruni.
En 1944, Minna sent la fin. Elle confie ce carnet aux feuilles serrées et cousues à l'aiguille à un homme qui pouvait sortir du camp, avec mission de le remettre à sa fille Anny."
(Le Soir, 26 décembre 2008).

Plan de Terezin (DR).
Consulter les documents et illustrations d'Elsie Herberstein. Cliquer : ICI.