lundi 29 mars 2010

P. 213. Serge, sa mère Esther et sa tante Rachel arrachés à la Shoah

.
Mairie de Clichy la Garenne (Ph. V. Saül / DR).

Yvonne et Edmond Fournier
Justes parmi les Nations

Le 25 mars, une cérémonie a marqué à la Mairie de Clichy la Garenne la reconnaissance à titre posthume de deux nouveaux Justes parmi les Nations : Yvonne Fournier (née Corbel) et son époux, Edmond Fournier. Fille d'Yvonne, Jeannine Masson-Allanic a reçu leur Médaille et leur Diplôme.

Synthèse du dossier de Yad Vashem :

- "Zélik, forgeron, et Esther Sukiennik, née Tracz, sont originaires de Kosow en Pologne. Ils émigrent, Zélik le premier en 1928, et s'installent en 1929 dans le 10e arrondissement de Paris, au 15 de la rue du Buisson-St-Louis.
Zélik travaille à l'usine métallurgique Rachline à Saint-Denis.
En 1932, le couple a un fils : Serge.
En 1936, la soeur d'Esther, Rachel Gotlib, émigre à son tour et vient les rejoindre.
De nationalité française, Serge grandit dans une famille parlant le Yiddish mais apprend le Français grâce à une voisine, Louise Rumel, puis à l'école communale.
Avant guerre, Zélik décide de créer avec un associé leur propre entreprise : "Lit-Métal"...

Serge et ses parents (Arch. fam. / DR).

- "A la déclaration de la Seconde guerre mondiale, les deux femmes et l'enfant sont évacués à Piacé près de Beaumont-sur-Sarthe. Ils reviendront à Paris quand cessent les combats.
Dès 1940, des lois antisémites sont promulguées. "Lit-Métal" est aryanisé !
En 1941, Zelik est arrêté, mis derrière les barbelés de Beaune-la-Rolande. Il sera déporté vers Auschwitz en 1942.

Serge, sa mère et sa tante échappent à la rafle du Vel d'Hiv. Ils se cachent dans les sanitaires communs de leur immeuble et n'y sont pas découverts par les policiers. Leur voisine, Louise Rumel, vient les avertir de la fin de la rafle et tous trois vont se réfugier auprès d'un oncle Sniadower, avenue de Saint-Ouen. Celui-ci passe en zone dite "libre" avec son épouse et leur fils. Par contre, dans l'appartement qui semble inoccupé, restent dissimulés les trois rescapés de la rafle.

Néanmoins, une voisine, Mme Renard n'ignorait pas leur présence et accueillait volontiers Serge, lequel ne pouvait évidemment plus fréquenter l'école. Pour compléter sa retraite, cette dame pratiquait la cartomancie. Au nombre de ses clientes, figurait Yvonne Allanic laquelle s'étonnait de voir régulièrement Serge quand elle se faisait tirer les cartes.
Yvonne comprenant la situation périlleuse des persécutés, leur offre un abri moins précaire dans un petit appartement au 77 de la rue de Paris à Clichy la Garenne alors qu'elle-même réside non loin, dans un autre appartement, au 11 de la rue Pasteur."

Rachel Gotlib-Tracz, tante de Serge (Arch. fam. / DR).

- "Yvonne Allanic est secrétaire à l'usine Citroën de Clichy. D'un premier mariage, elle a deux filles, Jeannine et Anne-Marie, toutes deux en pension. Son compagnon et futur mari, Edmond Fournier, a été contraint de partir travailler. Profitant d'un congé et se dérobant au STO, non seulement il approuve la mise à l'abri des trois juifs mais il veut lui aussi les aider et leur marque une grande tendresse.
Serge, sa mère et sa tante, pourront attendre la Libération dans le relatif cocon de la rue de Paris. Pour le voisinage, Esther s'appelait Mme Germaine et sa soeur Rachel, Mme Raymonde..."

Témoignage de Serge Sukiennik :

- "Pour décrire la nature de nos relations avec Yvonne, je dirai que nous formions quelque chose qui ressemblait à une famille, partageant les peines et les joies. Lorsque Edmond Fournier revient à Clichy, il nous accepta sans réticence aucune et participa lui aussi à notre sauvetage. Yvonne, d'abord seule, puis avec le concours d'Edmond, nous a apporté un soutien moral inappréciable, qui a soutenu le courage de ma mère et de ma tante, et qui nous a permis de tenir jusqu'au bout. Il n'a jamais été question d'argent entre Yvonne et nous. De toutes façons, nous n'aurions pas été en mesure de récompenser qui que ce soit. Toute activité était interdite à ma mère et à ma tante (...)
Ce qui est certain, c'est qu'Yvonne était une personne d'une rare détermination. Elle n'hésita pas à maculer des documents officiels pour éviter à son compagnon, plus tard son mari, de retourner en Allemagne après une permission. C'était d'ailleurs quelqu'un de très modeste et d'une grande simplicité, qui voyait en son action non pas de l'héroïsme mais simplement la réponse à une nécessité intérieure."
(Témoignage en date du 2 mai 2007).

Les visages rayonnants des deux Justes parmi les Nations (Arch. fam. / DR).


Témoignage de Rachel Gotlib-Tracz :

- "Yvonne nous a pris sous sa protection et nous a soutenus par sa présence et son courage pendant toute cette difficile période, et nous a donnés le meilleur d'elle-même de façon totalement désintéressée (...).

Yvonne, avec l'aide d'Edmond, nous a sauvé la vie, nous a donné sa protection et son affection durant cette période de tous les dangers. Elle a pris, pour elle et pour les siens, des risques énormes, sans jamais hésiter, sans arrière-pensée. Nous sommes restées très proches et en relation permamente, en dépit de l'éloignement géographique, jusqu'à la fin de sa vie. Je serais heureuse, avant de partir moi-même, qu'il soit rendu hommage à sa mémoire."
(Témoignage du 3 mai 2007).

La cérémonie de ce 25 mars avait été préparée par Viviane Saül et par Paul Ejchenrand, tous deux Délégués régionaux du Comité Français pour Yad Vashem. Au premier rang des personnalités se détachaient Gilles Catoire, Maire ainsi que Shlomo Morgan, Ministre-Conseiller à l'Ambassade d'Israël.
Conseiller Municipal Délégué à la Vie Associative, aux Maisons de Quartiers, au Devoir de Mémoire, et aux Anciens Combattants, Manuel Allamellou prononça un discours particulièrement remarqué.

Manuel Allamellou :

- "C’est sur l’une des pages les plus douloureuses de notre histoire que nous nous arrêtons aujourd’hui. Les Juifs, classés par l’élite politique allemande de l’époque comme une « race inférieure », devaient à terme disparaître du territoire européen. Cette « solution finale » restera comme l’une des plus importantes épurations ethniques que nous n’ayons jamais connues (...).

La Rafle, magnifique film réalisé par Roselyne Bosch, sorti le 10 mars dernier au cinéma, revient sur l’un des épisodes les plus tragiques de cette histoire française : la Rafle du Vel’ d’Hiv’, survenue à Paris le 16 juillet 1942. Ce type d’œuvres, qu’elles soient littéraires ou cinématographiques, permettent d’entretenir la mémoire collective, essentielle pour ne jamais oublier et tirer les leçons du passé. La Rafle du Vel’ d’Hiv’ a permis de regrouper plus de 13.000 juifs parisiens au stade vélodrome d’hiver à Paris, afin de les transférer dans les camps français de Drancy, Pithiviers et Beaune la Rolande, puis au camp d’extermination d’Auschwitz, où la quasi-totalité d’entre eux périrent. Dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942, la police alla chercher les juifs chez eux en vue d’une arrestation subite et massive.
13.000 juifs furent arrêtés, à la grande déception des dirigeants qui misaient sur une arrestation de 27.000 personnes ce jour-là. Ce différentiel s’explique principalement par le courage héroïque de voisins, d’amis, qui aidèrent parfois au péril de leur vie des Juifs à fuir. Des milliers de ces Juifs en fuite furent ensuite cachés pendant plusieurs années par d’autres personnes tout aussi héroïques. Les Justes, ainsi les appelle-t-on, car face à d’évidentes injustices, leurs sentiments d’humanité a primé sur leur besoin d’obéissance à l’Etat (...). Les Justes, issus de tous milieux, de toutes catégories socioprofessionnelles, avaient en commun cet élan humaniste irréversible.

Aujourd’hui, certains se posent la question « mais qu’est-ce qu’être français ? ». Les Justes ont peut-être apporté un début de réponse. Etre français c’est être juste, tolérant, solidaire. Reconnaître les droits de l’homme et savoir lutter lorsque l’on estime que ceux-ci sont bafoués, savoir lutter même en période difficile. Pour le souvenir, la mémoire, pour tirer des leçons du passé, nous devons nous rappeler jusqu’où l’horreur de la nature humaine nous a amenés. Mais nous devons aussi nous rappeler que certains ont résisté face à l’injustice. Je suis très fier de leur rendre hommage aujourd’hui et je souhaite qu’ils soient pour toujours cités en exemple."


Remise du Diplôme et de la Médaille aux noms des deux Justes.
De g. à dr. : Viviane Saül, Déléguée du Comité Français pour Yad Vashem ; Jeannine Masson-Allanic, fille d'Yvonne Fournier ; Shlomo Morgan, Ministre-Conseiller auprès de l'Ambassade d'Israël à Paris.

NB :

Nos remerciements à Viviane Saül pour les documents photographiques et les archives qui ont permis la rédaction de cette page.

mardi 23 mars 2010

P. 212. Yoram Kaniuk : "Le dernier juif"

.

Prix littéraire
de la Fondation France-Israël :

"Le dernier juif"
roman de Yoram Kaniuk

Présentation par la maison d’Ed. Fayard :

- "Le héros du Dernier Juif, Evenezer Schneorsohn, sujet d'études d'un centre spécialisé de Tel-Aviv, enregistre des cassettes sur lesquelles il témoigne de son expérience unique dans un camp de la mort : convaincu qu'il serait le seul survivant de l'Holocauste, il a réussi, par un curieux phénomène d'effacement de soi, à emmagasiner dans son cerveau tout ce qui, d'après lui, constituait le savoir juif (la théorie de la relativité d'Einstein, le texte intégral des cinq livres de la Bible, une recette de cuisine...).

Il est le « dernier Juif », autour duquel s'articulent tous les autres personnages de ce roman fragmenté. Récits, légendes hassidiques, témoignages, lettres viennent se greffer sur l'histoire d'Evenezer pour composer cette grande fresque qui retrace une histoire d'Israël portée par la totale subjectivité de Yoram Kaniuk.

Considéré comme l'un des plus grands écrivains israéliens, Yoram Kaniuk est né à Tel-Aviv en 1930. Après avoir participé à la guerre d'Indépendance d'Israël, en 1948, il est parti vivre à New York pendant dix ans. Il vit actuellement à Tel Aviv.

Romancier, peintre et journaliste, il est l'auteur de dix-sept romans, de sept recueils de nouvelles, de deux recueils d'essais et de cinq ouvrages pour la jeunesse. Son œuvre, traduite en vingt-cinq langues, a été couronnée par de nombreux prix, en Israël comme à l'étranger. En France, il a reçu le prix des Droits de l'Homme (1997) et le prix Méditerranée étranger (2000)."

Yoram Kaniuk :

- "Un juif est celui qui possède la mémoire et les mots pour la transmettre. Mis à part cela, il ne possède rien."


Eglal Errera :

- "Pas de chapitres pour ce long roman, pas question pour le lecteur de reprendre son souffle. C'est un fleuve où l'on s'immerge et où parfois on se noie, une suite de visions puissantes et d'une sensibilité extrême, portées par une écriture à la fois lyrique et pétrie d'implacable ironie.
C'est une expérience unique de lecture où, chahutés, pris à contre-pied et à contretemps, on accède au plus profond de notre commune fragilité, à la féroce cruauté qui nous habite, à la compassion à laquelle nous touchons parfois. On en sort étonnamment réconcilié avec le genre humain.
Lors de sa parution en Israël, en 1981, Le Dernier Juif a reçu un accueil mitigé, salué par certains, considéré comme un objet de scandale par d'autres, plus nombreux. C'est que ce livre constitue un monument de démystification de valeurs particulièrement sensibles du judaïsme moderne ; en particulier celle de la sacralisation de l'héroïsme militaire et de la mémoire des disparus. Si, à Berlin en 1945, Evenezer distrait ses anciens bourreaux avec la remémoration du savoir juif et en tire pendant un temps sa subsistance, son fils Boaz fonde en Israël, au lendemain de la guerre de juin 1967, une prospère entreprise de commémoration des soldats morts au combat.
Réédité près de trente ans après sa parution, Le Dernier Juif est devenu, à l'instar de quelques-uns des vingt ouvrages de Yoram Kaniuk, un livre-culte de la jeunesse israélienne. "Peut-être parce que les Israéliens font l'expérience intime de la vieille insécurité juive dont ils se croyaient exempts. Ils connaissent la peur. La force militaire ne fait rien à l'affaire. Allez donc savoir d'où nous vient la peur."
(Le Monde, 11 février 2010).


Edition originale d'Yoram Kaniuk (DR).

Daniel Bertrand :

- "L'un des plus talentueux et productif écrivain israélien nous livre, en ce fertile et foisonnant roman, une oeuvre littéraire majeure de l'Histoire juive. Il va sans dire que cette grande Histoire est subjective, puisque romancée, et assumée comme telle. Bien sûr aussi, car nous le savons tous, ce sont les «petites» histoires personnelles qui permettent la constitution et l'entretien de la Grande Mémoire collective. Nous ne devons, pas plus que nous ne pouvons, faire abstraction de cette Grande Mémoire. Pas plus que nous ne pourrions faire abstraction d ?une telle oeuvre, qui marquera, à son tour, l'Histoire littéraire : la Grande."
(Librairie Coquillettes à Lyon, 13 mars 2010).

André Clavel :

- "Quant à ce qui l'a poussé à écrire, c'est la tragédie de son peuple : il met en scène des personnages meurtris, souvent déboussolés, dont les tourments intérieurs sont attisés par le souvenir cauchemardesque de l'Holocauste. Il a fallu près de vingt ans à Kaniuk pour venir à bout du monumental Dernier Juif, une fresque qui a été publiée en 1982 en Israël et qui brasse toute l'histoire de ce pays en multipliant les registres - du merveilleux à la chronique sociale en passant par le témoignage...

Le dernier Juif est un roman inépuisable, le testament spirituel d'un écrivain qui s'est toujours identifié à son peuple."
(Lire, février 2010).


Fondation France-Israël :

- "Le Dernier Juif interroge la relation entre la Shoah, l'identité israélienne et la mémoire juive européenne (…).
Ecrit en 1981 et traduit par Laurence Sendrowicz (éd.Fayard) en 2009, Le Dernier Juif est désormais reconnu comme un chef d'oeuvre de la littérature israélienne.
C'est avec une écriture lyrique et un humour cynique que cet auteur atypique s'interroge sur l'identité juive dans sa dimension non religieuse et démystifie avec ironie les valeurs fondatrices de la société
israélienne, telles que la commémoration des victimes de la Shoah."

Nicole Guedj :

- "Le souci de transmission de la mémoire aux générations françaises et israéliennes est une préoccupation centrale pour la Fondation France-Israël. L'humour parfois corrosif de Yoram Kaniuk dévoile une autre façon d'accomplir ce devoir de mémoire."

Remise du prix littéraire de la Fondation, le 9 mars :

La Fondation France Israël couronne chaque année un auteur français ou israélien traduit dans la langue de l'autre et dont l'ouvrage participe à une meilleure connaissance de la culture française ou israélienne.
Pour cette cérémonie du 9 mars 2010, les deux ministres de la Culture français et israélien, Frédéric Mitterrand et Limor Livnat, étaient réunis, en présence de l'Ambassadeur d'Israël en France S.E Daniel Shek et de Madame Nicole Guedj, Ancien Ministre, Président de la Fondation France-Israël.
Au nombre des personnalités présentes, figurait Paul Schaffer, Président du Comité Français pour Yaéd Vashem.

Pour ce prix, le Jury avait été présidé par Serge Moati. Avec le concours de la commission culturelle de la Fondation France Israël, présidée par Antoine Compagnon, Professeur au Collège de France, et lan Greilsammer, Professeur titulaire de Sciences politiques comparées au Département des Sciences politiques de l'université Bar-Ilan.


Remise du Prix littéraire de la Fondation à Yoram Kaniuk (Ph. Erez Lichtfeld / F F-I/ DR).

Yoram Kaniuk, Le dernier juif, Fayard, 2010, 622 p.


vendredi 19 mars 2010

P. 211. Hanka Pilichowska sauvée par son amie Zofia Jezewska

.
Bibliothèque Polonaise de Paris (BCFYV / DR).

Histoire d'une Juste Polonaise
honorée à Paris

A titre posthume, la Médaille et le Diplôme de Juste parmi les Nations au nom de Zofia Jezewska, ont été remis à son fils Christophe le 10 Mars 2010. Cette cérémonie s'est déroulée dans le cadre historique de la Bibliothèque Polonaise de Paris, dans l’Ile Saint-Louis.
Schlomo Morgan, Ministre-Conseiller, représentait l’Ambassade d’Israël à Paris et Louis Grobart, le Comité Français pour Yad Vashem dont il assume la Vice-Présidence.

Synthèse du dossier de Yad Vashem :

- "Avant la guerre, Hanka Pilichowska, la juive, et Zofia Jezewska, la chrétienne, sont déjà des amies. Zofia, son mari et leur fils encore bébé, Christophe, vivent Ulica Rybaki à Varsovie, non loin de la Vistule.

Lors des hostilités, l’époux de Zofia, officier, est fait prisonnier par les nazis et va rester interné dans un Oflag en Poméranie. Les parents de Zofia viennent vivre chez leur fille. L’appartement, au 1er étage, est situé au-dessus d’un logement occupé par un groupe d’officiers allemands !

Zofia, bravant tous les dangers et émue par le sort subi par les juifs, va s’efforcer de leur venir en aide et ce en dépit de plusieurs dénonciations.

Plus encore, en 1941, lorsque Hanka parvient à s’échapper du Ghetto avec sa nièce de 9 ans, Ela Totengrebel, dont la mère a été abattue par la Gestapo, c’est sur la proposition de Zofia qu’elles vont se réfugier chez elle. Pour subvenir aux besoins de toute la maisonnée, les deux amies vont créer un atelier de couture.

En leur ouvrant sa maison, Zofia a pris des risques considérables pour sa famille et pour elle-même car tout polonais soupçonné d’aider des juifs était passible de la peine de mort immédiate. Zofia a donc fait preuve d’un immense courage en cachant chez elle les deux réfugiées. Hanka et Ela furent ainsi sauvées.

Après la guerre, Ela partit pour Israël et Hanka pour l’Australie. Les deux amies se revirent pourtant à deux reprises, une fois à Varsovie et, pour la dernière fois à Sydney, où la communauté juive réserva un accueil chaleureux à Zofia.

Zofia, décédée en 1995, repose au cimetière de Lodz auprès de son mari, dont elle avait pourtant divorcé après la guerre."


mardi 16 mars 2010

P. 210. Les Janailhac, Justes de Couzeix

.
Le Populaire du Centre, 9 mars 2010
Sur la photo, de g. à dr., Raymond Janailhac, remise de la médaille par Shlomo Morgan (Ambassade d'Israël), le maire Jean-Marc Gabouty, André Janailhac, avec le diplôme Natan Holchaker (Délégué du Comité Français pour Yad Vashem).

Le sauvetage de Mathilde Feldman
par Henri et Céline Janailhac
agriculteurs de la Haute-Vienne

Le dimanche 7 mars 2010, la Mairie de Couzeix, localité du Limousin, a connu un retour sur son histoire sous l'occupation. Et plus particulièrement sur les circonstances qui ont permis la mise hors des griffes de la Shoah, d'une petite juive originaire de Paris : Mathilde Feldman. Ceux à qui elle doit la vie, Henri et Céline Janailhac, ont été reconnus - à titre posthume - Justes parmi les Nations.
Placée sous le double signe de la reconnaissance et de l'émotion, cette cérémonie de remise de médaille et de diplôme de Justes aux deux fils du couple : André et Raymond, avait été préparée par Natan Holchaker, Délégué du Comité Français pour Yad Vashem. Ministre auprès de l’Ambassade d’Israël, Shlomo Morgan, figurait au nombre des personnalités, de même qu'André Cohignac, représentant "France-Israël" de Limoges.

Synthèse du dossier de Yad Vashem :

- "Beer Feldman, né en 1886 à Kichinev (Bessarabie) et Feiga lta Premysler, née en 1889 à Ladviagine (Russie) fuient les pogroms. Ils arrivent à Paris en 1912 avec leur fils Simon. Tous trois sont accueillis par Jacob Feldman, le frère de Beer.

Beer exerce différents métiers, notamment cloueur en fourrure, tandis que Feiga réalise des travaux de couture. Ils habitent dans le 13e arrondissement.
Ils auront sept enfants : Shia dit Simon né en 1911 à Kichinev, Abraham dit Albert, né en 1917, Raymond né en 1920, Jules, né en 1924 (décédé à l'âge de 10 ans), Félix né en 1925, Fernande, née en 1928 (décédée très jeune), Mathilde née 1931.
Les parents de cette famille nombreuse sont naturalisés Français en 1927.

Une fois la guerre survenue et dès les premières mesures anti-juives, les quatre fils décident de passer en zone sud par des itinéraires différents.
En 1940, Albert, 23 ans, prisonnier de guerre, réussit à s'échapper et parviendra à rejoindre Limoges avec l'aide de passeurs.
En 1941, Félix qui a 16 ans, est envoyé à Telgruc (Finistère), chez un agriculteur. Il y restera jusqu'en 1945.
Simon et Raymond, quant à eux, rejoignent leur frère Albert à Limoges et tous trois trouvent un emploi dans un atelier de fourrure.
Le danger grandissant à Paris, Mathilde qui a 10 ans, part rejoindre ses frères à Limoges, accompagnée par M. Kououmdjian, un ami d'Albert. La gamine possède de faux papiers fournis par une ouvrière de l'atelier de fourrure de Limoges.
Beer et Feiga Fedman resteront à Paris et parviennent à se cacher.

Les trois frères, qui sont en situation irrégulière, choisissent de confier Mathilde à une famille d'accueil. Puis à une autre.
En 1943, Simon est arrêté et interné à Bordeaux. Il sera mis au travail forcé pour l'organisation TODT construisant des rampes de sous-marins de poche pour la Kriegsmarine.
Albert et Raymond veulent rejoindre le maquis, mais il faut d'abord trouver un abri sûr pour Mathilde.

La sœur de Mme Janailhac travaille dans le même atelier de fourrure qu'Albert et Raymond. C'est par son intermédiaire que Mathilde est accueillie à la fin de l'année 1943 chez Céline et Henri Janailhac, agriculteurs, et leurs deux enfants, André (6 ans) et Raymond (4 ans). Ils habitent à Couzeix, petite ville située à quelques kilomètres de Limoges.
Mathilde arrive en pleine nuit et est immédiatement adoptée par la famille. Elle est présentée comme une cousine de Paris, mais Henri et Céline prennent soin d'organiser une cache en cas de danger.


Les Janailhac vont la considérer comme leur fille et s'attacher à elle. Comme Mathilde ne peut pas aller à l'école, elle participe aux travaux de la ferme, aide aux champs et conduit les vaches aux prés.
En septembre 1944, Mathilde, peut rejoindre sa famille. Elle est confiée à une voyageuse et regagne Paris libéré.
La famille Janailhac éprouve beaucoup de peine à la voir partir, mais Mathilde, 13 ans à l’époque, promet de revenir. Elle retournera souvent à Couzeix et restera en contact étroit avec Henri et Céline Janailhac ainsi que leurs enfants."


Jean-Marc Gabouty, Maire de Couzeix :

- "Nos peuples ne peuvent pas et ne doivent pas oublier cette page douloureuse de notre histoire, épisode dramatique de cette période troublée d’une France tiraillée entre collaboration, passivité et résistance. C’est peut-être dans ces moments où l’on affronte le pire, que le meilleur peut apparaître..."

André Janailhac :

- "En accueillant Mathilde, mes parents considéraient qu’ils n’avaient fait rien d’autre que ce qu’ils devaient faire. Ils pensaient que tout le monde aurait dû faire comme eux. C’était un devoir, une nécessité, un acte de résistance que de protéger Mathilde.
Ce geste ne demandait rien en retour."

Message d’élèves de CM2 à l’école Jean-Moulin de Couzeix :

- "Nous savons aujourd’hui qu’il y a toujours des gens pour dire non, des gens pour dire non à la haine, non à la peur, non à la mort et pour traiter en frères ceux que l’on rejette et que l’on méprise."



jeudi 11 mars 2010

P. 209. "Mémoires de Justes", projet de la Fondation France-Israël

.
(Ph. BCFYV / DR).

Du 11 au 14 avril 2010
la Fondation France-Israël
invite des descendants
de Justes parmi les Nations
à Jérusalem et à Tel-Aviv...

Nicole Guedj :

- "Des valeurs en partage.

Créée en 2005 à l’initiative des Etats français et israélien, la Fondation France-Israël, a pour vocation de contribuer au rapprochement des deux sociétés civiles dans les domaines de l’économie, de la culture, de la recherche et de l’éducation.

Français et Israéliens ont vécu, au cours de leur histoire, des temps de grande proximité et des temps d’éloignement. Aujourd’hui, Français et Israéliens travaillent ensemble au sein de la Fondation pour dynamiser l’héritage commun qui unit ces deux peuples : mieux se comprendre pour mieux entreprendre, telle est notre devise.

Le rapprochement entre la France et Israël ne pourra se faire sans l’engagement des jeunes générations. Pour les rassembler autour de projets contemporains, j’ai tenu à créer une branche jeunesse au sein de la Fondation.

C’est dans cette perspective que s’inscrit le projet « MEMOIRES DE JUSTES», un voyage de petits-enfants de Justes Français en Israël, en avril 2010, le mois de « Yom’ A Shoah ».

L’histoire des Justes parmi les Nations, ces hommes et ces femmes d’exception qui ont sauvé des Juifs pendants la Seconde Guerre Mondiale, est emprunte de courage, de dévouement et d’humilité. Aujourd’hui, nous voulons célébrer leur mémoire et la transmettre, en exemple, aux nouvelles générations françaises et israéliennes.

Forts de cette histoire, nourris de cette mémoire, nous voulons, ensemble, nous tourner vers l’avenir."

Nicole Guedj,
Ancien ministre,
Président de la Fondation France-Israël.


Logo de la Fondation présidée par Nicole Guedj (Ph. F F-I, mont. JEA / DR).

Du 11 au 14 avril 2010, une délégation de descendants de Justes Français se rendra donc en Israël pour témoigner de leur histoire et appréhender la réalité de la société israélienne.

Programme élaboré par la Fondation :

Promenade dans la ville sacrée de Jérusalem.

Visite de la Knesset.

Cérémonie de commémoration de la Shoah.

Visite du Mémorial de Yad Vashem.

Rencontre avec des rescapés.

Visite du Musée de l’indépendance.

Découverte de Tel Aviv.

Renseignements et informations auprès de la Fondation France-Israël :

3, avenue Hoche - 75008 Paris
Tél. : 01.47.64.95.50 - Fax : 01 77 37 41 08
http://www.fondationfranceisrael.org/

(Ph. F F-I / DR).

Ce projet a reçu le soutien du Comité Français pour Yad Vashem. Ce que confirmait sur Radio J, Paul Schaffer, Président du Comité :

- "Au nom du comité français pour Yad Vashem j’exprime ma reconnaissance à Nicole Guedj, Présidente de la Fondation France-Israël, pour avoir organisé le voyage en Israël de quelques enfants et petits enfants de « Justes parmi les Nations » que nous honorons en France.
Ils reviendront sans aucun doute avec une meilleure connaissance de l’Institution de Yad Vashem, et constateront l’immense respect et estime accordés aux Justes.
Je suis sûr que ceux qui visiteront pour la première fois ce jeune pays, se rendront compte, à quel point Israël, si on exclut les grandes avancées techniques, est l’aventure humaine la plus extraordinaire du XXème siècle.
J’espère qu’à leur retour en France ils poursuiveront avec notre Comité. l’amicale relation déjà établie." (4 avril).



lundi 8 mars 2010

P. 208. Histoire et mémoire de la Shoah à Angers

.
La Chambre de Commerce et d'Industrie du Maine-et-Loire
- Responsable pédagogique : Norbert Bensaadon -


programme du 9 au 12 mars
(les travaux se prolongeront jusqu’au 26 mars)
une série de conférences

"Histoire et mémoire de la Shoah.
Devoir de mémoire."

au Centre Pierre Cointreau,
132 avenue Delattre de Tassigny à Angers


Auschwitz (Graph. JEA / DR).

Mardi 09/03/2010 de 9h10 à 12h10
Alain JACOBZONE, professeur agrégé d’histoire,
Le régime de Vichy, le pétainisme et le destin des Juifs en Anjou (1940-1944).


- "Né en 1948, professeur agrégé d’histoire, il enseigne au lycée Bergson à Angers. Il s’est d’abord fait connaître par ses travaux sur la première guerre mondiale, vécue à l’arrière dans les tranchées (« En Anjou, loin du front » et « Sang d’encre »).
Spécialiste de l'Occupation, il a publié un excellent ouvrage sur la déportation des juifs en Anjou : "L’éradication tranquille". Alain Jacobzone, mesure mieux que quiconque les enjeux de ce travail d'information. Il continue d’explorer les infinies souffrances endurées par les civils dans les guerres modernes dont ils sont bien, comme les soldats des victimes.
«Beaucoup croient que, parce qu'elles sont civilisées, nos sociétés sont immunisées contre la violence. C'est faux. L'histoire en tant que discipline de débats contribue à le rappeler.»

Sera évoqué "le convoi n°8 de déportés d’origine juive parti d’Angers le 20 juillet 1942 vers Auschwitz. Sur les 824 juifs dont 430 femmes, 800 sont entrés dans le camp. Une grande partie d’entre eux furent massacrés à l’intérieur du camp de Birkenau. À la fin de la guerre, seuls 20 survivants, dont 2 femmes, reviendront."


Mercredi 10/03/2010 de 9h10 à 10h05
Angelina PELTIER, psychologue du travail,
L’expérience de Milgram, degré d’obéissance et processus de soumission à l’autorité.


- "Chargée de recrutement et de formation au début de sa carrière en 1997, elle devient chargée de recherche en 1998 puis responsable adjointe du site télémarketing de la Caisse d’Epargne de Bretagne en 1999.
C’est au Futuroscope de Poitiers en 2000, qu’elle devient chargée de mission auprès
de la Direction des Ressources Humaines. Elle y forme les managers à la technique de recrutement, elle créé les outils de pilotage des Ressources Humaines et sensibilise à l’ergonomie.
En 2000, elle est consultante en ressources humaines à l’Institut Florian Mantione et est depuis 2001, coordinatrice du pôle mesures pour l’emploi au sein de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Maine-et-Loire. Elle prend en charge les bilans de compétences et les Validations des Acquis de l’Expérience.
Dynamique et à l’écoute de l’air du temps, elle projette de s’orienter vers l’insertion des travailleurs handicapés et des seniors de plus de 50 ans. Ce serait l’occasion pour elle, de mettre à leur service ses compétences d’ergonome du travail."


Auschwitz (Graph. JEA / DR).

Mercredi 10/03/2010 de 10h20 à 12h10
Alban PERRIN, intervenant du Mémorial de la Shoah,
Auschwitz et la solution finale.


- "En 1950, Isaac Schneersohn décide de créer un Tombeau-Mémorial destiné aux victimes de la Shoah. Cette idée suscite l'opposition d'une partie de la communauté juive qui ne voulait pas "d'une institution tournée vers le passé". Isaac Schneersohn s'attache alors à fonder un large comité de parrainage comprenant de nombreuses personnalités. Lorsque le chef du gouvernement du très récent Etat d'Israël est sollicité, David Ben Gourion prend conscience que le premier Mémorial dédié aux victimes juives du nazisme verrait le jour à Paris. Aussi très vite, l'Etat d'Israël crée Yad Vashem, à Jérusalem, avec qui le CDJC établit des liens privilégiés.
La première pierre du Mémorial est posée le 17 mai 1953 à Paris. Plusieurs pays, la France, la Belgique, le Luxembourg, la Yougoslavie contribuent à la construction du Mémorial par la donation d'une oeuvre d'art.
Le bâtiment est inauguré le 30 octobre 1956 en présence de 50 délégations des communautés juives du monde entier. Des cendres provenant des camps d'extermination et du ghetto de Varsovie sont solennellement déposées le 24 février 1957 dans la crypte du Mémorial par le grand rabbin Jacob
Kaplan. Classé monument historique depuis 1991, le Mémorial du Martyr Juif Inconnu accueille chaque année les principales cérémonies liées à la Shoah.
Le CDJC, qui avait déménagé à Paris après la Libération, a trouvé en 1956 une place naturelle dans les murs du Mémorial.
Le développement du centre de recherche sur la Shoah, devenu l'un des tout premiers en Europe, comme celui des activités du Mémorial, notamment en direction des publics scolaires, ont amené le
conseil d'administration à la création du Mémorial de la Shoah.Achevée fin 2004, une extension du Mémorial a permis notamment d'offrir davantage de place aux chercheurs dans les salles de lecture, de déployer l'exposition permanente sur l'histoire de la Shoah, de créer un espace multimédia, un auditorium et d'ériger à l'extérieur du bâtiment « le Mur des noms» où ont été gravés les noms de tous les Juifs déportés de France."


Jeudi 11/03/2010 de 15h30 à 17h20
Docteur Henri BORLANT, dernier survivant du convoi n° 8,
Témoignage de la déportation raciale des Juifs vers des camps d’extermination

- "Né à Paris dans une famille d'immigrés juifs russes de neuf enfants, Henri Borlant a 12 ans en 1939. Le 13e arrondissement de Paris ayant organisé l'évacuation de ses familles nombreuses juste avant la déclaration de guerre, les Borlant se réfugient à Saint-Lambert-du-Lattay (Maine-et-Loire). Les enfants sont scolarisés dans l'école catholique du village et baptisés.
Le 15 juillet 1942, veille des rafles du Vél d'Hiv à Paris, des Allemands arrêtent une partie de la famille. Emprisonnés au Grand Séminaire d'Angers, Henri, son père, son frère Bernard et sa soeur Denise sont déportés le 20 juillet d'Angers vers Birkenau (Auschwitz II), en Pologne. "Le grand camp où il y aura plus de 100 000 personnes, avec plusieurs crématoires et chambres à gaz, n'existait pas encore, puisque c'est nous qui le construirons", témoigne-t-il.
Victime très tôt du typhus et de la dysenterie, il vivra l'enfer dans trois camps, échappant de justesse aux sélections du docteur Mengele pour la chambre à gaz. Son père et son frère mourront à Auschwitz. Le 3 avril 1945, Henri s'évade avec un ami du camp d'Ohrdruf, annexe de Buchenwald (Allemagne), que les nazis évacuent. Réfugiés chez un boucher antinazi, ils voient débarquer les premiers soldats américains, qu'ils amènent au camp d'Ohrdruf, jonché de cadavres. Alerté, l'état-major américain découvre l'horreur nazie dans ce camp.
Après-guerre, atteint par la tuberculose, Henri se lance dans des études de médecine et épouse une Allemande. Le docteur Borlant a mis du temps avant de revenir à Birkenau. "On oublie aussi pour survivre", estime-t-il. Dans les années 1980, il s'engage dans l'association Témoignage pour mémoire, puis au sein de la Fondation pour la mémoire de la déportation. Il dit continuer aujourd'hui à chercher le pourquoi de l'Holocauste et des autres génocides."


Vendredi 12/03/2010 de 10h20 à 12h10
Odette BERGOFFEN, Juste parmi les Nations,
Professeur Alfred SABBAH, délégué régional du Comité Français pour Yad Vachem,
La résistance silencieuse : de l’enfant caché à la reconnaissance des Justes parmi les Nations


- "Odette Bergoffen, 83 ans, reconnue Juste parmi les Nations, s'était engagée à 17 ans comme agent de liaison du réseau Confrérie Notre-Dame de Castille.
Odette Bergoffen participa au sauvetage de Mme Moscovici et ses deux enfants, Jean-Claude, 6 ans (en 1942) et Liliane, 2 ans (en 1942), elle les hébergea chez sa tante au village de Morannes. Elle reçut l'aide d'un des chefs de la résistance Jean Meunier, qui leur fournit de faux papiers et des cartes d'alimentation.
« Et si c'était à refaire, je repartirais sans la moindre hésitation ! »
Pour Alfred Sabbah, président de la communauté israélite du Maine-et-Loire, la clé contre l'oubli, c'est « la transmission par l'enseignement ».


Vendredi 12/03/2010 de 13h30 à 15h00
Bernard MAINGOT, Clément QUENTIN, résistants déportés,
La déportation politique.


- "Bernard Mingot,
Né le 20 mai 1925,
Employé dans le secteur alimentaire.
Résistance : LIBRE-NORD – agent de liaison.
Arrêté par la gestapo le 19 février 1944.
Prisons : Angers – Compiègne,
MAUTHAUSEN le 8 avril 1944 – matricule 62739,
Kommandos : MELK – EBENSEE.

Clément Quentin,
Né le 18 septembre 1920,
Cultivateur.
Arrêté le 26 avril 1944.
Prisons : Angers – Compiègne,
Déporté le 18 juin 1944,
Libéré le 29 avril 1945 du camp de Dachau."


NB : Extraits de la brochure CCI de Maine et Loire, laquelle présentante ces conférences.

mardi 2 mars 2010

P. 207. Sept Justes honorés à la Mairie du XVIe (Paris)

Mairie du XVIe arrondissement de Paris (Ph. BCFYV / DR).

Pierre et Marie-Jeanne Batt
Robert et Marie Borgeon
Michel-Marcel et Francisca Tendero
Alfred Thimmesch
autant de Justes parmi les Nations


Le 25 février 2010, une cérémonie exceptionnelle a marqué la reconnaissance de 7 nouveaux Justes dans les salons d'honneur de la Mairie du XVIe arrondissement à Paris. Cérémonie exceptionnelle du moins pour les parents et pour les proches non seulement de ces Justes ainsi aussi des juifs ainsi arrachés à la Shoah, exceptionnelle encore pour toutes celles et tous ceux qui s'impliquent dans le travail de mémoire, mais sans doute pas pour le Maire dont l'absence ainsi que celle de tout délégué, ne sont pas passées vraiment inaperçues...

 Michel Lugassy-Harel, Ministre aux Affaires étrangères auprès de l'Ambassade d'Israël à Paris ainsi que
Paul Schaffer, Président du Comité Français pour Yad Vashem, prirent la parole au cours de cette cérémonie organisée par Jean-Claude Roos, lui-même Délégué du Comité Français pour Yad Vashem. Ont donc été saluées les figures si différentes mais toutes exemplaires de ces 7 Français qui ont tout risqué pour quelques persécutés que la Shoah devaient faire disparaître. L'un de ces Justes, Alfred Thimmesch, en perdit même la vie, déporté qu'il fut au sinistre camp de Mauthausen.


Voici une brève synthèse des dossiers constitués à Yad Vashem pour ces nouveaux Justes parmi les Nations.

Pierre et Marie-Jeanne Batt :

- "Philippe MULLER (né le 30/11/27) a tenu à témoigner pour ce dossier. Son grand-père, Louis MULLER arrive d’Allemagne à la fin du 19ème siècle. Il y fonde les Papeteries Louis MULLER et les dirige avec son fils.

Avant la guerre, la famille de Philippe habitait à Paris. Ses deux parents, Marcel et son épouse Germaine, nés tous deux à Paris, avaient la nationalité française. Début septembre 1940, cette famille s’installe à Grenoble. Là, les Muller font la connaissance de Marie-Jeanne BATT. Son mari est prisonnier en Allemagne et sera rapatrié en 1941 ou 1942.

En janvier 1942, les rejoignent à Grenoble Alfred MULLER (frère de Marcel) et sa famille, ainsi qu’un neveu, Jacques MULLER (dont le père a déjà été déporté). Marie-Jeanne BATT leur loue un bureau, qui fait office de succursale des Papeteries.

Le 11 novembre 1942, Grenoble est occupée par l’armée italienne. Puis, le 8 septembre 1943 les Allemands remplacent les Italiens. La famille MULLER prend ses distances et déménage pour Voiron (Isère) chez M. et Mme MICHALAT. Elle garde son identité.

Le 9 mars 1944, la Milice arrête les parents et occupe la villa des MILLER. Après deux semaines difficiles d’interrogatoire et de sévices, les parents sont libérés et ramenés à Voiron, non sans avoir été dépouillés de tous leurs biens tandis que la Milice abandonne la villa.

Sans perdre de temps, les MULLER entrent en contact avec les BATT à Grenoble. Ces derniers décident de les héberger dans leur propre appartement. Les persécutés y restent 8 jours, le temps pour Pierre BATT, typographe, en contact avec la Résistance, de leur procurer des faux papiers au nom de MANSARD et de leur fournir deux lieux d’hébergement :
- le père est hébergé au sanatorium de Saint Hilaire du Touvet (Isère) grâce au concours d’une infirmière, Mme PICARDEL ;
- la mère et le jeune Philippe sont logés dans un petit hôtel à Goncelin (Isère).
Entre avril 1944 et la Libération, Pierre et Marie-Jeanne BATT viennent tous les dimanches à Goncelin pour rendre visite à Germaine et à Philippe et leur apportent des nouvelles de Marcel."


Robert Borgeon (BCFYV/DR)

Robert et Marie Borgeon :

- "Mme Madeleine GOLEBIOWSKI, veuve ROMEN, est née en 1935 à Paris. Elle eut à cœur de témoigner en faveur du couple BORGEON Robert et Marie, tous deux décédés.

Les parents de Madeleine, originaires de Radom, ont quitté la Pologne dans les années 1930 et se sont installés à Paris dans le XIIIe arrondissement où ils travaillaient dans la restauration.
A cause de leurs horaires de travail, ils placèrent leur fille Madeleine en nourrice chez M. et Mme BORGEON à Franconville (alors en Seine et Oise).
En juin 1942, le père de Madeleine fut arrêté, interné à Drancy et déporté à Auschwitz sans retour.
La mère de Madeleine s’est alors réfugiée chez les BORGEON auprès de sa fille. La maman n’y reste que 10 jours car l’environnement se montre trop hostile et les risques de dénonciation sont fort à craindre.
Laissant Madeleine à la garde des BORGEON, la pauvre mère passe en zone dite « libre ». Mais elle a confié les clés de son appartement parisien aux protecteurs de sa fille, lesquels purent ainsi mettre à l’abri des meubles et des bijoux restitués après la Libération.
Marie et Robert BORGEON ont élevé Madeleine comme si elle était leur propre fille et ils la gardèrent jusqu’à que sa mère soit en mesure de la reprendre, soit en 1947.



Marie Borgeon et Madeleine (BCFYV/DR)

Madeleine garde un souvenir très ému de cette famille qui l’a choyée en dépit du voisinage antisémite et malveillant. Elle était d’ailleurs présentée comme d’origine polonaise mais très catholique.
Le récit de Madeleine est confirmé par des extraits des « Mémoires » de la mère de Madeleine aujourd’hui décédée. Il est complété aussi par le gendre des BORGEON. Ce prisonnier de guerre rentra chez lui au printemps 1944 car libéré en raison de son état de santé."


Michel-Marcel et Francisa Tendero :

- "Priva Rossak (1900-1985) et Pinkhos Obarjansky (1896-1977) émigrent de Varsovie en 1914. Ils se marient à Paris en 1918 et habitent les Hauts de Belleville. Tous deux exercent la profession de tailleurs. De leur union, naissent 4 enfants :
- Fanny (1919-1985), maman de Simone Faïf,
- Julien (1921-1977),
- Irène (1925-1999),
- et Henri (1929-1992).

En 1935, toute la famille Obarjansky déménage au 42 rue du Château d’Eau à Paris 10e.
En 1937, Fanny épouse Chaskiel Sztarkman, tailleur (né en 1903). Son mari s’engage dans la Légion Etrangère pour participer à la défense de la France. Après l’armistice de juin 1940, vient le temps de sa démobilisation.
Toute la famille fuit alors vers la zone dite « libre ». Elle va jusqu’à Pau (Pyrénées-Atlantiques). Mais là-bas, les conditions d’existence sont trop précaires et les Sztarkman regagnent leur appartement de rue du Château d’Eau à Paris.
Chaskiel est convoqué au Gymnase Japy, Paris 11e, en juin 1941. Il est aussitôt arrêté, interné à Pithiviers puis à Beaune la Rolande. Déporté à Auschwitz (convoi n°5), il y décède le 25 septembre 1942. Née le 2 février 1942, sa fille Simone n’avait donc pas alors 8 mois….

Par rapport aux Sztarkman, la famille Tendero n’est domiciliée qu’à quelques pâtés de maison, 13 rue du Fbg Saint-Martin. Les Tendero ont 4 filles, Marie-Louise, Antoinette, Lydie Christiane et Michèle.
Irène Obarjansky et Lydie Christiane Tendero sont très amies. Les deux familles entretiennent de bonnes relations.

Dès le début des rafles, alertées par la propriétaire d’un café voisin (renseignée par le bavardage d’agents de police), Mme Obarjansky, ses filles Irène et Fanny, sa petite-fille Simone, trouvent refuge auprès de la famille Tendero qui leur offre généreusement le gîte et le couvert.
M. Tendero, cuisinier, procure de la nourriture à la famille Obarjansky. Ses filles, Lydie Christiane (16 ans) et Antoinette (19 ans) servent de facteur et de coursier.

Pour leur part, M. Obarjansky et son fils Henri se cachent chez un voisin (mort, sans descendance). Julien est déporté en 1943 à Auschwitz, il sera du nombre des survivants de ce camp d’extermination.

Après la Libération, la famille Obarjansky fait franciser son nom en Aubart.
Les familles restent très liées comme l’attestent de nombreux témoignages. Lydie, couturière, travaillera d’ailleurs dans l’atelier de confection des Obarjansky.
Une amie, Rosa Bleckmans, née en 1925, amie des Obarjansky depuis 1942, confirme également ce sauvetage courageusement réalisé par la famille Tendero."


Alfred Thimmesch :

- "Né en 1901 à Metz, André Thimmesch est entré dans la police en 1923. C’était à Strasbourg.

Au début de la guerre, comme d’autres Alsaciens Lorrains qui refusent le risque de se retrouver nazifiés, il préfère quitter sa région natale.
André Thimmesch est muté à Périgueux, puis à Voiron (Isère). En mars 1942, il y exerce les fonctions de secrétaire de police. Il est marié et père de 3 enfants.

Il entre dans l’armée secrète puis devient responsable pour Voiron du groupe « Police » au sein du mouvement de résistance NAP.
Ses fonctions de secrétaire de police lui permirent d’établir de fausses cartes d’identité et de faux certificats de résidence à des juifs victimes des persécutions raciales. Et ce, de 1942 à février 1944.

André Thimmesch sera hélas dénoncé par l'un de ses propres collègues. En février 1944, il est arrêté par les Allemands qui retiennent contre ce policier-résistant l’ « établissement de fausses cartes d’identité ».
André Thimmesch sera déporté à Mauthausen où il décède en juillet 1944.

A la fin de la guerre, sa veuve et les trois orphelins retrouveront un Strasbourg libéré du joug nazi."