vendredi 29 février 2008

P. 19. "Ils existent parce qu'ils résistent..."

"A la recherche des étoiles" : conte musical de Laurent Grynszpan.

Alors que se prolongent des débats sur le devoir et/ou le travail de mémoire, sur des confusions entre mémoire et histoire... Alors que des interrogations portent sur la sensibilisation à la Shoah d'enfants de plus de 8 ans... Les Editions Taklit annoncent la publication et la disponibilité des partitions du conte musical "A LA RECHERCHE DES ETOILES", écrit et composé par Laurent Grynszpan :

- "Ce conte est un hommage au courage des enfants face à la violence et la barbarie, il est basé sur l'histoire vraie d'une petite fille juive sauvée grâce à des inconnus en 1942.

Durant l'année 2006/2007, 250 enfants de 16 collèges parisiens ont étudié ce conte avec leurs professeurs de musique, cette aventure s'est conclue par 4 représentations au Théâtre Sylvia Monfort en mai 2007 devant plus de 1.000 spectacteurs.

Ce conte chante la liberté et la justice. Il permet aux parents et professeurs d'aborder le sujet de la Shoah à travers le langage de la musique, du théatre et du spectacle vivant.

"A LA RECHERCHE DES ETOILES" est conçu pour des enfants à partir de 8 ans et s'adresse à tout public.

Ce conte est particulièrement adapté pour les compagnies de théâtre, chorales d'amateurs ou de professionnels, maîtrises et conservatoires. Il a été créé pour des professeurs de chant chorale.

"A LA RECHERCHE DES ETOILES" sera produit le 18 juin 2008 par la Maîtrise de Saint-Germain-des-Près à l'Auditorium Saint Germain."



Théâtre Sylvia Montfort en mai 2007 : l'enthousiasme et l'engagement des jeunes interprètes de la "recherche des étoiles" (Photo : Ed. Taklit).


Synopsis par Laurent Grynszpan :

- "Prévenir la violence, lutter contre la barbarie en la désignant avec des musiques et
des mots : c’est ce que propose, à sa manière, ce conte musical.
La violence, qui engendre, très facilement toute barbarie, désintègre et annihile d’abord ce qui distingue un être humain d’un autre : son visage, son identité.
Dans cette œuvre, qui alterne chansons, musiques, trois enfants (Fulgence, Anna et Lise), frère et sœurs sont cachés avec leur mère dans un immense livre de contes de fées.
Dehors, c’est l’inconnu, mais cet inconnu s’avère de plus en plus redoutable:des hommes sans visage, sont à la recherche de ces trois enfants et de leur mère.
Après quelques hésitations, les enfants décident de fuir, seuls, à la recherche du pays de la liberté. Avant de partir, Fulgence prend une photo de sa mère.
Des embûches les y attendent. Ils doivent rejoindre une gare où, normalement, un rendez-vous secret a été pris avec d’autres enfants dans un wagon.
Arrivés à cette gare, le rendez-vous est manqué.
Paniqués par les hommes sans visage qui les menacent, les enfants montent dans le train et aperçoivent un homme avec un visage, accompagné d’une jeune fille.
L’homme accepte de les aider au péril de sa vie.
Que va-t-il advenir de ces enfants ? De leur mère ? Tout cela n’était-t-il peut-être qu’un rêve ?
Fiction ? Histoire vécue ? Ce conte musical repose sur des faits réels, ceux d’une petite fille âgée d’à peine douze ans, qui par miracle, a échappé aux nazis en 1942, grâce à un inconnu qui l’a fait passer pour sa fille dans un train.
En dépassant cette histoire qui est, bien sûr, marquée à tout jamais par le sceau d’une époque, on pourrait, bien évidemment, ajouter que la violence et la barbarie sont de toutes les époques.
L’histoire d’un seul enfant en péril, c’est l’histoire de toute l’humanité en péril.
Ce conte est l’histoire de ma mère. Il rend hommage à son courage, à son initiative et à l’homme qui l’a sauvée."


Réaction d'une parente d'élèves :

- "Votre oeuvre qui m'a profondément touchée par sa beauté, sa grâce et l'universalité du message fort et indispensable qu'elle véhicule.

... Je mesure la chance de mes enfants d'être au contact d'un professeur tel que vous, dont la sensibilité et la passion si évidentes ne peuvent qu'influencer favorablement vos élèves.

Encore un immense bravo et un merci aussi humble que sincère. Vous me permettrez de rendre un hommage mérité à vos musiciens et interprètes et notamment à Cristina Marocco qui par son immense talent et sa grâce a su transcrire toute la finesse de votre oeuvre tour à tour, empreinte de légèreté et de gravité."

Et de Marek Halter :

- "Quand j'ai le cafard, je chantonne la ballade de ma mère que vous aviez si superbement mise en musique.

Elle, elle parlait du ciel bleu au dessus des nuages, et vous vous partez à la recherche des étoiles.
Grâce à votre talent ça ne sera pas bien difficile. Vous en trouverez au moins une, celle que le public
viendra applaudir lors d'une de vos représentations...

Continuez."

Illustration de Anne Sophie Hueber pour cette "recherche des étoiles" (Ed. Taklit)

Extraits du conte.

1. Chanson du petit matin : cliquer (mp3).

2. Chanson dans l'ombre :

- "Dans l’ombre, dans l’ombre
Y’a des hommes, y’a des hommes
Dans l’ombre, dans l’ombre
Y’a des hommes, y’a des hommes
Y’a des hommes qui résistent
Qui résistent contre l’enfer
Contre les guerriers de fer
Y’a des hommes qui résistent.
Dans les ruines, et sans armes
Y’a des hommes qui résistent
Sous les toits, dans les caves
Y’a des hommes qui se terrent
Y’a des hommes qui murmurent
Même si on les colle au mur
Sous le feu d’la mitraille
Ils crient « vive la liberté ».
Dans les larmes, dans le sang
Y’a des hommes qui gémissent
Dans les champs, les campagnes
Y’a des hommes qui résistent
Y’a des hommes qui se battent
Se battent et puis se débattent
Rien à faire, ils avancent
Même si on peut les abattre.
De tout temps, par tous les temps
Y’a des hommes qui résistent
Nuit et jour, pour l’amour
Y’a des hommes qui résistent
Y’a des hommes qui construisent
Les printemps pour tes enfants
Ils résistent, ils existent
Ils existent parce qu’ils résistent."

Pour consulter le portail du spectacle : cliquer. Avec notamment des extraits musicaux.

Video : cliquer.

Remerciements aux Ed. Taklit pour leur documentation, et plus particulièrement à Mme Patricia Johnston.
22, rue de Fleurus
75006 Paris
Tel : 01 45 49 11 42
info@taklit.net


lundi 25 février 2008

P. 18. Royallieu - Compiègne

Du camp ne subsistent plus aujourd'hui que trois baraques... (DR)


23 - 24 février : inauguration puis ouverture du Mémorial de l'internement et de la déportation de Compiègne.

Présentation par l'ONAC, Mémoire 78, Mémoire des conflits contemporains en région parisienne :

- "Combien de déportés ?

Sur les 54 000 personnes détenues à Compiègne-Royallieu, environ 50 000 ont été déportées vers les camps nazis. Cinquante-quatre convois sont partis de Compiègne entre mars 1942 et août 1944. Les convois déportant en moyenne un millier de personnes à chaque fois. Ces convois sont de plus en plus nombreux au fil des années : 5 en 1942, 22 en 1943, 27 en 1944.

- Vers quels camps ?

Les prisonniers du camp de Compiègne-Royallieu sont transférés dans des camps de concentration allemands ou dans des camps d’extermination situés dans les territoires annexés d’Europe centrale (Pologne). La majorité des détenus de Compiègne sont partis pour les camps de Buchenwald et de Mauthausen (Allemagne). Mais il y avait d’autres destinations. Les femmes ont été déportées vers le camp de Ravensbrück (Allemagne). Les premiers convois de Juifs sont partis de Compiègne en 1941 vers Auschwitz-Birkenau (Pologne)."

Relation dans "L'Express" :

- "Jusqu'en août 1944 y transitera une population très hétéroclite, en majorité des politiques et des résistants, pour beaucoup communistes, qui venaient de prisons de toute la France, mais aussi des juifs et des étrangers (Russes, Américains... arrêtés dans l'Hexagone).

Les internés n'y resteront pour la plupart pas plus d'un mois, avant d'être déportés vers les camps d'extermination. Certains sont désignés comme otages dans le cadre des mesures de représailles prises par les Allemands lors de meurtres d'officiers nazis.

Un "mur des noms" restitue leur identité aux internés, dont le mémorial rend compte des conditions de vie à travers des enregistrements sonores, des lettres, des dessins, des gravures, des photos d'époque ou des films." (23 février)

Le Monde :

- "Faire vivre cette histoire relève du défi à l'heure des polémiques et compétitions mémorielles. Pour l'historien Christian Delage, cheville ouvrière du projet, l'objectif est clair : "Favoriser la réunion des mémoires, qui jusqu'ici se tenaient souvent à distance les unes des autres." (24 février)


Un constat objectif : en son état actuel, le site du Mémorial pose question dans la mesure où, sur sa page d'ouverture, il laisse sous silence les internés juifs en n'évoquant que l'internement de prisonniers de guerre, de prisonniers politiques et d'otages :


NB : "En 1939, elle sert...", par "elle", il convient de comprendre la caserne de Royallieu (portail Mémorial)


A noter que "Le Monde" retient 45.000 internés. Alors que 54.000 détenus figurent dans la documentation de l'ONAC. Et que le monument de ce camp porte le chiffre de "53.000 hommes, femmes et enfants"...


Stèle du camp (DR)


De ce camp partirent donc les deux premiers convois de juifs à destination d'Auschwitz, les 27 mars et 5 juin 1942. Huit témoignages décrivent les réalités de ce "Camp juif de Royallieu-Compiègne, 1941-1943" dans un ouvrage paru en co-édition "Fondation pour la Mémoire de la Shoah - Le Manuscrit" :

- "Cet ouvrage, proposé par Serge Klarsfeld, réunit huit textes sur le camp «C», ou «camp juif», de Royallieu, un faubourg de Compiègne à 75 kilomètres au nord de Paris.

Ils viennent ajouter leur voix – jusqu'alors restées confidentielles – à celles précédemment publiées dans la même collection : la réédition enrichie du "Camp de la mort lente" de Jean-Jacques Bernard et les deux volumes exceptionnels et inédits du "Journal d'un interné" de Benjamin Schatzmann.Grâce à ce nouveau volume, le chercheur, l'étudiant ou l'honnête homme, pourra compléter sa compréhension des terribles conditions d'internement des Juifs dans ce camp de représailles nazi, sous autorité de l'armée allemande."


"Le Camp juif de Royallieu Compiègne. 1941-1943" (Publication 2006).

Autre ouvrage décrivant le sort des internés juifs à Compiègne : Jean-Jacques Bernard, "Le camp de la mort lente : Compiègne 1941 - 1942", avec une préface de Serge Klarsfled :

- "Homme de lettres, J-J Bernard est arrêté par la Gestapo lors de la rafle dite des notables le 12/12/1941. Il transite par l’École militaire avant d’être transféré au camp de Compiègne-Royallieu. Il décrit le camp de représailles (mille juifs destinés à être déportés), divisé en quatre, où ils ne sont soumis qu’à deux appels par jours et aucun travail forcé. Les conditions de vie sont précaires. L’activité d’échanges intellectuels est le seul palliatif à l’oisiveté. La surveillance du camp des juifs est renforcée par les Allemands, ce qui entraîne une dégradation des conditions de vie aggravée par la rudesse de l’hiver. Son état physique déplorable le mène à l’infirmerie du camp des Russes. Il est libéré le 13 mars 1942 et retrouve sa famille. « Privés de toutes relations avec l'extérieur, privés de livres et dans des conditions matérielles où aucun travail intellectuel ne nous était possible, si nous nous échappâmes à l'ennui, au découragement, au cafard, nous le dûmes à ce commerce quotidien et continuel avec des hommes dont presque tous avaient quelque chose à apporter aux autres. La plupart étaient au terme ou au milieu d'une carrière bien remplie. La plupart avaient donné beaucoup d'eux-mêmes, de leur temps, de leurs dons, de leur cœur à la communauté française. Ils continuaient à apporter quelques chose à la petite communauté française que nous formions et où presque toutes les professions étaient représentées." (Ed. Fondation pour la Mémoire de la Shoah - Le Manuscrit)

"Le camp de la mort lente. Compiègne 1941 - 1942" (Publication 2007).


vendredi 22 février 2008

P. 17. Cérémonies en février

Ce mois de février est marqué par trois cérémonies de remises de diplômes et de médailles de Justes parmi les Nations


- 5 février à Bordeaux :

Pierre Rosenberg est membre de l'Académie française et président-directeur d'honneur du Louvre. Mais encore enfant, il fut caché et sauvé à Cazaugitat par le couple Jeanne et Georges Cadapeaud. Ceux-ci ont été honorés à titre posthume. Délégué du Comité Français pour Yad Vashem, Alain Seifer, a remis diplômes et médailles aux enfants Cadapeaux : Roland, Francine Fournier et Georgette Thibaudeau.


Le site du CRIF sud ouest propose un reportage photographique de cette cérémonie qui s'est déroulée à l'Hôtel de Ville de Bordeaux. A la tribune : Pierre Rosenberg (cliché Bernard Lhoumeau).


- 6 février à Mazerolles :

Alain Seifer, délégué, a rappelé le sauvetage d'Annette Mlynarski ainsi que de Georges Serpin par Elise et Théodore Mora.

- "
Au moment de l’exode de juin 1940, la famille Mlynarski a été accueillie dans la ferme de la famille Mora pendant un certain temps. Retournant à Paris mais ayant dû fuir à nouveau, cette fois en Isère, Annette Mlynarski (née en 1926) a obtenu de Théodore Mora l’envoi du certificat de baptême et l’extrait de naissance de sa propre fille, Yvonne. Grâce à ces papiers d’identité, elle a pu vivre durant toute la guerre en étant interne au collège de Voiron, changeant d’identité pour échapper aux poursuites de la milice notamment à la suite d'une dénonciation. Son cousin Gilbert Serpin (né en 1933) a été aidé dès 1940 par les Mora et a pu, lui aussi, vivre sous l’identité de Michel Mora pour éviter de tomber aux mains de la milice. "


- 24 février à Chatelus :

Toujours en vie, Claudia My-Bardet sera reconnue Juste parmi les Nations pour avoir mis à l'abri des persécutions raciales Georges Weil. Le Comité français pour Yad Vashem a délégué à Chatelus Didier Cerf pour le représenter.


mardi 12 février 2008

P. 16. Une semaine pour la Shoah dans les Landes

Musiques, poésies, cinéma à Tarnos :
"l'art et la Shoah".




Du 16 au 22 février, l'Hôtel de Ville de Tarnos propose de dépasser les images, les mots, les notes de musique pour se souvenir de la Shoah et de ses victimes.

Toutes ces manifestations culturelles, tout ce travail de mémoire sont à entrées libres :

Samedi 16 février :

- à 19h : Concert et lecture autour des pièces pour violoncelle et piano d'Ernest Bloch et de la "Louange à l'éternité de Jésus" (extrait du "Quatuor pour la fin du temps"), pièce écrite en camp de prisonnier en Allemagne en 1941 par Olivier Messiaen. Il sera suivi par la lecture de poèmes de Paul Celan et de captations sonores récentes en France et en Pologne. Violoncelle : Maitane Sebastian, Piano : Julien Le Pape, Clarinette : Thierry Leroy, Voix : Nathalie Nambot, Axel Bougouslavsky, Diffusion et phonographie : Stéphane Garin.

- à 21h : "Voyages", d'Emmanuel Finkiel. Ce film suit la quête de trois femmes aux destins entremêlés. Riwka, Régine et Véra, portent en elles une blessure, un manque, et rêvent d'un avenir encore possible… César 2000 du Meilleur premier film et Prix Louis Delluc 1999.


Dimanche 17 février :

- à 16h30 : "Shoah", de Claude Lanzmann (version courte composé de six extraits de l'œuvre complète). «Je considère "Shoah" comme le plus grand documentaire jamais réalisé sur l'histoire contemporaine, sans aucune exception et de loin le plus grand film que j'ai jamais vu sur l'holocauste…», Marcel Ophuls.



Vendredi 22 février :

- à 20h : "Belzec", de Guillaume Moscovitz (en présence du réalisateur). Presque oublié dans l'histoire de la Shoah, Belzec, de par sa destruction intégrale dans les premiers mois de l'année 1943, presque un an avant le démantèlement des camps de Sobibor et de Treblinka, témoigne de la volonté nazie d'effacer les traces de l'extermination des juifs d'Europe. En filmant les séquelles de cet effacement, le cinéaste montre la violence de notre présent : là où il n'y a que destruction, comment attester de ce qui a été ? À part Rudolf Reder décédé à la fin des années soixante et Chaïm Hirszmann mort assassiné à Lublin au lendemain de la guerre, personne n'est revenu du camp d'extermination de Belzec pour témoigner.

Concert de musiques Klezmer à l’issue de la projection. Violoncelle : Maitane Sebastian, Alto : Cécile Deriélou, Clarinette : Xavier Sallaberry, Accordéon : Laura Bide, Percussions : Stéphane Garin.

Delphine Chaix, professeur à l'école des arts de Bayonne en analyse de films et de documents audiovisuels, multimédia, participera à chaque représentation et animera les débats. Une projection du film "Shoah" sera réservée aux scolaires.


vendredi 8 février 2008

P. 15. "Le Soleil Voilé" de Paul Schaffer.





Dans ses souvenirs et sur son site internet, Paul Schaffer accomplit, page après page, un devoir bouleversant.


Son soleil fut définitivement voilé par la Shoah.

Paul Schaffer, Vice-Président du Comité Français pour Yad Vashem, est un rescapé d'Auschitz. Au camp annexe de Brobek, Simone Veil a connu cet adolescent comme ce n'est possible nulle part ailleurs. Et elle en a gardé un souvenir si vivace et si réconfortant qu'elle a rédigé une longue et sincère préface à la publication de :

- Paul Schaffer, "Le Soleil Voilé. Auschwitz 1942 - 1945", Société des Ecrivains, 2003. Pour un accès direct : consulter son site http://www.schafferpaul.com/.

Simone Veil :

- "Pour Paul Schaffer, c’est surtout le sentiment d’un devoir à accomplir avant de disparaître, quelles que soient les difficultés et la douleur que ce travail d’écriture et de mémoire lui ont imposés, qui l’a conduit à écrire le présent ouvrage... Il ne s’agissait pas seulement de parler de la période particulièrement cruelle de sa vie, les persécutions en Autriche, la fuite en Belgique, l’exode vers la France, des années de vie clandestine, l’arrestation, la déportation avec sa mère et sa sœur, qui ont été gazées dès leur arrivée à Auschwitz. Il tenait aussi à évoquer la vie de famille avec sa sœur, ses parents et grands-parents ainsi que tous ceux qui avaient fait partie de son existence d’enfant, lorsqu’ils habitaient à Vienne avant l’anschluss. A tous, à travers son récit, il exprime sa reconnaissance pour le bonheur qu’ils lui ont donné et dont il a toujours conservé le souvenir au fond de son cœur, certes avec tristesse, mais aussi une très grande tendresse...
(...)
Paul avait alors dix-neuf ans. Bien que déporté déjà depuis près de deux ans dans un autre camp proche d’Auschwitz, il avait su préserver des qualités humaines tout à fait exceptionnelles qui contrastaient avec l’ambiance de brutalité qui régnait dans le camp. Sa dignité, sa gentillesse vis à vis de tous, une certaine forme de civilité, m’apparaissent encore aujourd’hui comme la plus belle victoire sur un système concentrationnaire conçu pour nous humilier et nous réduire à un état quasi-bestial.Même s’il pressentait que sa mère et sa sœur, comme la plupart des déportés de leur convoi, avaient été gazées dès leur arrivée à Auschwitz, il ne s’est pas abandonné au désespoir. Il voulait survivre, il l’a fait sans jamais s’abaisser à quoi que ce soit et en cherchant toujours à aider les autres..."



Revel : Paul Schaffer, ses parents et sa soeur Erika. (Photo : "Mémorial de la Shoah, photographies et témoignages". Ed. du Chêne, 2005)


Pour ce blog, Paul Schaffer a choisi ce résumé de ses mémoires :

- "Né et élevé à Vienne, Paul Schaffer a vécu une enfance heureuse, entouré de sa sœur, ses parents et sa grand-mère. Sa vie change brutalement avec l’occupation de Vienne par les nazis et l’annexion de l’Autriche. Il découvre les humiliations, les persécutions et s’exile une première fois avec sa famille en Belgique.

En mai 1940, les Allemands attaquent la France par la Belgique et la Hollande. La famille Schaffer décide de quitter Bruxelles et se rend à Revel, un village du Sud-ouest de la France, non loin de Toulouse. La vie s’organise peu à peu : Paul, apprend le métier d'ébéniste.
A la fin de l’année 1940, les Schaffer sont « invités » à rejoindre « un camp de famille », le camp d’internement d’Agde, essentiellement composé de Juifs réfugiés d’Allemagne et d’Autriche. Une amie de la famille, habitante de Revel, use de son influence auprès de la préfecture, permettant ainsi à la famille de quitter le camp pour être assignée en résidence surveillée. Les Schaffer, peu informés, ne cherchent pas à quitter la France et ne se doutent pas du sort qui les attend.

A la suite de la rafle du Vel’ d’Hiv’, les Allemands font pression sur Laval, alors à la tête du gouvernement de Vichy, pour que les Juifs étra ngers de la zone Sud soient ajoutés à la liste des déportations. C’est ainsi que Paul est arrêté le 26 août 1942. Après une tentative d’évasion, il est repris 2h plus tard, rejoint ses parents et sa soeur, conduit à DRANCY où il reste quelques jours. Sur les murs il relève plusieurs inscriptions gravées par des déportés qui le marqueront à jamais : « Lorsqu’il n’y a plus rien à espérer, c’est là qu’il ne faut pas désespérer » et une autre assertion tragique « on entre, on crie et c’est la vie ; on crie, on sort et c’est la mort ».
Le 4 septembre 1942, par le convoi 28, Paul est déporté à Auschwitz avec sa mère et sa sœur qui sont gazées dès leur arrivée. Il échappe à ce sort : il est interné dans deux camps de travaux forcés, satellites d’Auschwitz : Tarnovitz, puis Schoppinitz de là il arrive Birkenau en novembre 1943. C’est là qu’il se trouve confronté à la réalité de l'extermination.

Au terme d’un insupportable séjour de six mois, Paul est transféré sur le site de Bobrek, où la société Siemens, profitant de la main d’œuvre bon marché, dispose d’une usine construite par des déportés. Les conditions y sont beaucoup moins pénibles qu’à Birkenau.
En janvier 1945, Paul participe à la « marche de la mort » vers le camp de Gleiwitz. Il est ensuite transporté vers l’ouest dans un wagon à ciel ouvert, mais réussit à sauter du train avec un ami et rejoint après quelques jours le front germano-soviétique. En attendant d’être rapatriés en France par l’armée française, Paul et son ami resteront à Cracovie jusqu’au mois d’avril 1945, heureux d’être libres à nouveau.

Une fois en France, Paul retourne à Revel, lieu de son arrestation. Il y apprend la mort de son père et découvre ce qui s’est passé durant la guerre. Au bout de deux mois, il quitte Revel pour Toulouse. Il obtient une bourse et reprend ses études en 1945. il entamera une brillante carrière d’industriel, après avoir été enseignant dans une école juive de l'ORT (Organisation,Reconstruction, Travail ).

A la demande des élèves auprès desquels il a témoigné, Paul a pris la décision de raconter son histoire dans un livre bouleversant et authentique intitulé Le soleil voilé (éd. Société des Ecrivains, 2003)."



Paul Schaffer (DR)

mardi 5 février 2008

P. 14. Bibliothèque (1)

Livres cités sur ce blog en janvier 2008.


- Dominique Arban (Natacha Huttner), "Je me retournerai souvent", Flammarion, 1990.

- Hélène Berr, "Journal. 1942-1944", Tallandier, 2008.

- CRIF Aquitaine, "Connus ou inconnus mais Justes", 2007.

- (*) Abbé Desgranges, "Les crimes masqués du Résistancialisme", Dualpha.

- Anne Frank, "Journal d'...", Livre de Poche, 1991.

- (*) Roland Gaucher - Philippe Randa, "Des rescapés de l'Epuration : Marcel Déat - Georges Albertini", Dualpha.

- (*) Joseph Goebbels, "Combat pour Berlin", Detrena, 2006.

- Anne Grynberg, "Les camps de la honte. Les internés juifs des camps français. 1939-1944", La Découverte, 1999.

- Etty Hillesum, "Une vie bouleversée" suivi de "Lettres de Westerbork", Seuil, Point, 1995.

Comme une soeur aînée d'Anne Frank...

- Alice Kaplan, "Intelligence avec l'ennemi. Le procès Brasillach", Folio, 2003.

- (*) Eric Labat, "Les places étaient chères", Dualpha.

- Michel Laffitte, "Juif dans la France allemande", Tallandier, 2006.

- Lucien Lazare, "Le Livre des Justes", J-C Lattès, 1993.

- Patrick Modiano, "Dans le café de la jeunesse perdue", Gallimard, 2007.

- Jean-Marie Muller, "Désobéir à Vichy. La résistance civile de fonctionnaires de Vichy", Presses Universitaires Nancy, 1994.

- (*) Alfred Rosenberg, "Le Mythe du XXe siècle", Déterna, 2005.

- (*) Jean-P. Sourd, "Croisés d'un idéal", Dualpha.

- Simone Veil, "Une vie", Stock, 2007.


(*) Publications autorisées mais imprégnées par le nazisme et par la collaboration.




vendredi 1 février 2008

P. 13. Lucienne Boutet, René Dumonteil, Marie-Louise Menou, René et Mathilde Reitz, Justes parmi les Nations

Le 31 janvier, la Mairie du 2e arrondissement de Paris a servi de cadre à une cérémonie de remise de diplômes et de médailles aux noms de cinq nouveaux Justes parmi les NationsVoici in extenso les hommages rendus à ces Justes :

Lucienne Boutet :

Motek et Malka Karpman quittent la Pologne en 1929 pour la France avec leur fille Suzanne, âgée de 2 ans. Ils s’installent à Paris, rue Vilin dans le 20e arrondissement et le père trouve du travail comme ébéniste.
Trois ans plus tard, leur fils Jacques naît et ils vivent tous une vie ordinaire et tranquille jusqu’à la déclaration de guerre. Motek s’engage immédiatement dans l’armée française mais revient chez lui après la débâcle en 1940.
En mai 1941, il est convoqué au commissariat où il est arrêté et envoyé d’abord au camp de Compiègne, puis à celui de Beaune-la-Rolande. De là, il est déporté à Auschwitz en septembre 1942 où il meurt quelques semaines plus tard.
Malta et ses enfants sont arrêtés en avril 1942 et internés à Aincourt (Yvelines).
En septembre 1942, Malta est déportée à Auschwitz et assassinée dès son arrivée. Suzanne et Jacques sont pris en charge par l’assistance sociale du camp d’Aincourt qui parvient à les faire sortir. La Croix Rouge les confie à l’Ugif qui les place au centre d’accueil de la rue Guy Patin à Paris dans le 10e arrondissement. De là, ils sont envoyés quelques temps à Sernaise dans l’Essonne. Mais les conditions de vie y sont précaires et dangereuses, et Suzanne, alors âgée de 14 ans, demande une autre solution aux Docteurs Renée et Boris Wechsler, médecins de l’Ugif. Ceux-ci décident de l’accueillir chez eux à Paris pour qu’elle s’occupe de leurs trois enfants.
Renée Wechsler a l’idée de demander l’aide d’une amie de son père, Lucienne Boutet, qui accepte sans hésitation de cacher Jacques chez elle à Paris dans le 7e arrondissement en le faisant passer pour son neveu. En été 1944, quelques semaines avant la Libération, Lucienne recueille également Suzanne et les enfants des Drs Wechsler.
Jacques continuera à vivre avec Lucienne Boutet après la guerre, choyé comme son propre enfant. Il fera de brillantes
études et deviendra médecin. Elle ne cherchera jamais à l’influencer dans ses convictions religieuses et à lui faire adopter sa foi catholique. Elle l’adoptera en 1952 et décèdera en 1953.


Lucienne Boutet, Juste parmi les Nations (BCFYV/DR).

René Dumonteil :

Gustave Szwec est né en 1916 en Russie. Il arrive à Paris en 1927 avec ses parents, ses frères Jean, David et sa sœur Sonia. Ils habitent 34 rue Fessart à Paris 19e. Gustave Szwec est naturalisé français en 1939.
La famille se disperse en 1940.
Gustave s’installe à Limoges (Haute-Vienne) où il exerce l’activité de prothésiste dentaire. Il rencontre au cours de matchs de football, René Dumonteil, un dirigeant de club sportif, avec qui il se liera d’amitié.
Avec l’aide de René Dumonteil, ingénieur des Ponts et Chaussées, il procure à son frère David une fausse carte d’identité. Celui-ci peut le rejoindre à Limoges en 1942.
Leur mère est arrêtée à Paris en 1942 et déportée à Auschwitz.
En juin 1943, Gustave Szwec est appelé au S.T.O. (travail obligatoire en Allemagne). Il se réfugie chez René Dumonteil qui lui demande de ne pas s’y rendre, et l’héberge car il est sans travail. Son frère David est lui aussi placé chez un paysan de la région.
En 1944, afin de protéger Gustave et David Szwec, René Dumonteil, responsable régional du maquis, les fait entrer dans le maquis et la résistance.
Début 1945, René Dumonteil est muté à Saint-Tropez (Var) pour participer à la construction du port. Gustave Szwec rejoindra, quant à lui, le reste de sa famille à Paris.
René Dumonteil est décédé en 1995. Gustave Szwec a toujours entretenu de très bonnes relations avec Annie Dumonteil et ses 2 enfants, Nicole et Gérard. Gustave Szwec a gardé une profonde reconnaissance envers René Dumonteil qui l’a aidé à ses risques et périls pendant cette difficile période.

Marie-Louis Menou :

Abraham Zoltroboda est né le 18 mai 1901 à Garwolin (Pologne). Il arrive en France en 1926.
Rosa Zoltroboda, née Geller, est née le 5 février 1907 à Stockholm (Suède). Elle arrive en France vers 1915-1920. Ils sont tous les deux déclarés « apatride ».
Ils demeurent avant la guerre au Perreux-sur-Marne (Val-de-Marne) et exercent la profession de tailleurs pour dames. Leur fils, Camille, est né le 17 juin 1934, sa sœur, Sarah, est née le 11 novembre 1926 et sont « Français » de naissance.
Le père est arrêté le 14 mai 1941 comme juif apatride et envoyé en détention au camp de Beaune-la-Rolande. Là, il parvient à obtenir de médecins juifs internés un certificat de dérangement mental et est envoyé à l’asile d’aliénés de Cémoi-lès-Aubrais, près d’Orléans. Grâce au médecin-chef, le Docteur Caron, il sera muté à l’Hôpital Sainte-Anne à Paris où il restera jusqu’au débarquement de 1944.
Au printemps 1942, des inspecteurs français se présentent pour arrêter la mère et les enfants. Mais, avant leur retour prévu le lendemain, elle décide de prendre le train pour Bordeaux afin de rejoindre la petite ville de Bazas où elle a des connaissances. Mais, lors d’un essai de passage de la Ligne de Démarcation, elle est arrêtée et envoyée au camp de Rivesaltes. Elle en sera libérée au bout de deux mois grâce à ses enfants nés français.
Restés seuls, les deux enfants vont rejoindre une tante dans un hôtel de Pau et, après la libération de leur mère, ils sont tous assignés à résidence à Lacaune (Tarn), bientôt rejoints par leur jeune cousin, René Panaras.
Entre courant 1942 et la Libération du Sud-Ouest, lorsque la mère et sa fille Sarah vont passer la nuit ou séjourner au Maquis pour échapper aux rafles, c’est la patronne du bar situé au rez-de-chaussée de l’immeuble, Marie-Louise Menou, qui recueille et héberge les deux cousins en les faisant coucher avec son fils André. Elle les traite avec bonté, leur offre des distractions, leur permet de continuer à fréquenter l’école, où leur maître est Monsieur Curval.
L’assignation à résidence faisait obligation d’aller signer la présence au Commissariat chaque lundi. La mère et ses enfants étaient avertis de l’imminence des rafles et allaient donc se cacher au maquis un ou deux jours, voire une semaine.
Marie-Louise Menou a mérité toute notre reconnaissance pour son dévouement et sa générosité.

Mathilde Reitz et son fils René :


Originaires de Hongrie, Fanny et Léon sont venus séparément en France en 1930 et se sont connus à Paris. Ils ont eu 2 enfants : Edith, née à Vincennes (Val de Marne) et ensuite Claire, née à Paris. Léon Blum est horloger bijoutier et loue un magasin 14 rue de l’Eglise à Montreuil-sous-Bois. Toute la famille vit dans l’appartement situé au-dessus.
En septembre 1939, le père s’enrôle dans l’armée mais il n’est démobilisé qu’en 1940 alors qu’il se trouve à Bourganeuf dans la Creuse, village où il a fait des connaissances. Il rentre à Paris pour retrouver sa famille, son magasin est , « aryanisé » en 1941.
Après les premières rafles de juifs étrangers, Louis Blum décide de traverser la Ligne de démarcation, en uniforme, pour retourner à Bourganeuf, où on lui a dit : « si les choses tournent mal, venez ici avec votre famille car il y a toujours à manger dans les fermes ». En décembre 1941, c’est chose faite et la famille parvient à se réunir à Bourganeuf.
Une première aide est trouvée auprès de Monsieur Baglot, le bijoutier local, puis également fournie par la famille Pénicaud.
Pour mettre leurs fillettes en sûreté, les Blum vont parvenir à les placer dans l’internat de l’école locale ; là, elles deviennent très amies avec Hélène et Marguerite Reitz. En avril 1944, la situation devient si tendue et dangereuse que les deux sœurs sont retirées de l’école mais elles vont trouver refuge chez les Reitz, à Chignat. Choyées et en sécurité auprès de cette famille, elles vont rester jusqu’à la Libération en septembre 1944. Un peu avant celle-ci, les Reitz accueilleront aussi chez eux les parents Blum en disant : « si nous devons mourir, nous mourrons ensemble ! ».
Grâce au courage de la famille Reitz, toute la famille Blum a survécu et a pu émigrer aux Etats-Unis.
Aujourd’hui, Hélène étant décédée prématurément, c’est Marguerite Bodez-Reitz qui va recevoir la médaille de Juste décernée à René Reitz et à sa mère Mathilde.

Le Comité Français pour Yad Vashem avait délégué à cette cérémonie Paul Ejcherand et Viviane Saül. Que cette dernière soit remerciée pour la documentation complète sur laquelle repose cette page du blog.

A propos de Camille Zoltroboda et de Marie-Louise Menou, Juste parmi les Nations, qu'il soit permis de proposer une lecture du remarquable portail des
Amitiés judéo-lacaunaises.