jeudi 30 octobre 2008

P. 78. Dans la Meuse, un couple d'éclusiers sauva un évadé du convoi n° 62


Longeville en Barrois compte deux nouveaux Justes parmi les Nations :
Achille et Simone Domice.

Serge Klarsfeld, Le calendrier de la persécution des Juifs de France, septembre 1942 - août 1944 :

- "Convoi n° 62 en date du 20 novembre 1943.

Le télex habituel (XLIX-31a) de Röthke à Eischmann et à Auschwitz, informe ses destinataires que le 20 novembre à 11h50, un convoi de 1200 Juifs a quitté la gare de Paris-Bobigny; chef d'escorte, le meister der Schupo Kohnlein.
Le 25 novembre, le colonel SS Liebenhenschel d'Auschwitz câblera à Röthke (XLIX-58) que 1181 Juifs sont arrivés. En effet, il y a eu 19 évasions en cours de route dont celle de Jean Cahen-Salvador, futur conseiller d'Etat.
Ces évasions font l'objet de plusieurs documents XXVc-249 et XXVI-78. L'évasion eut lieu près de Lerouville à 20h30 le 20 novembre et fut le fait de jeunes gens qui avaient participé au percement d'un tunnel pour s'échapper de Drancy et qui avaient été dénoncés." (1)

C'est l'histoire singulière de l'un de ces 19 évadés, Joseph Cajgfinger, qui vient d'aboutir ce 20 octobre à l'Ecluse 35 puis à la Mairie de Longeville en Barrois. Les époux Achille et Simone Domice y furent honorés à titre posthume et leurs médailles et diplômes remis à leur fille, Nicole Fallot. (2)

Synthèse de l'hommage rendu :

- "La famille Cajgfinger demeure à Metz avant la guerre.
En 1940, devant l’avance de l’armée allemande, Joseph Cajgfinger, sa femme, et leurs trois enfants : Fanny, Robert, et Colette, quittent la Lorraine précipitemment pour se réfugier à St-Benoit, près de Poitiers. Là, ils vivent dans la clandestinité, sans vrais moyens d’existence.

En 1942, de nouveau en fuite, la famille arrive à Limoges. Elle trouve un refuge précaire dans une pièce attenant à un cave.

En juin 1943, les parents prennent la difficile décision est de mettre les deux filles à l’abri dans un orphelinat tenu par les Sœurs Bleues à Castres.

Le 8 août 1943, Joseph est arrêté dans le refuge familial par la Gestapo. Par chance, quand les Allemands viennent s'en emparer, son épouse est absente (tout simplement partie chercher du pain). De retour, elle croise la voiture qui emmène son mari mais reste impassible, ce qui la sauve.
Le fils, Robert, lui, était également absent car il était allé récupérer un sac de châtaignes confisqué par un paysan. A quoi tiennent parfois les destins...

Après 3 mois derrière les barreaux de la prison de Limoges, M. Cajgfinger est interné à Drancy pour être déporté vers Auschwitz. Il sera du convoi n° 62 du 20 novembre 1943.
A la hauteur de Longeville en Barrois, il peut s’évader en sautant du train (8 autres déportés pourront faire de même). Il est blessé mais il arrive jusqu’à l’écluse 35.
L'éclusier, M. Domice, et son épouse, le cachent au péril de leur vie et ce, jusqu’au 31 décembre 1943. A cette date, ils l’accompagnent jusque dans le train pour Lyon pour qu’il puisse être hospitalisé à E. Herriot (d’où il s’évada à nouveau)."


Photo : la ligne de chemin de fer longe ce canal à Longeville en Barrois. C'est ainsi que sautant dans l'inconnu, Joseph Cajgfinger se trouva tout à proximité de l'écluse 35 et... de ses sauveurs (DR).

Jean-Christophe Erbstein a signé un reportage dans l'Est Républicain (3) :

- "Je ne les ai jamais vus", confie Robert Cajgfinger, un peu fébrile sur le quai de la gare de Bar-le-Duc. Un grand jour placé doublement sous le signe de la mémoire pour cet habitant de Vandoeuvre et sa famille. Tout d'abord celui de la remise, à titre posthume, de la médaille de Juste parmi les Nations aux bienfaiteurs de son père (...) Au cours d'une cérémonie émouvante, Nicole Fallot a reçu la médaille et le diplôme au nom de ces parents.
Le second sujet d 'émotion pour Robert Cajgfinger et ses deux soeurs Colette et Fanny : l'arrivée des trois survivants du groupe des évadés.
"C'est aussi grâce à eux que mon père a survécu", estime Robert Cajfinger, "s'il n'avait pas été dans le même convoi, il ne se serait sand doute pas évadé."
(Edition du 31 octobre, consultation payante sur le site de l'Est Républicain).

Depuis août 1994, Longeville en Barrois comptait déjà deux autres Justes : Ernest et Anne Schoellen.
Synthèse de l'hommage remontant à quatorze ans déjà :

- "Le 2 juillet 1943 à 18 h 30, la police allemande arrêta à Châteauroux (Indre) Léon Strubel, accusé d'avoir écouté la radio de Londres et de se livrer au marché noir. En fait, son crime était d'être juif. Interrogé et torturé dans la prison de la ville, il fut interné à Drancy.

Ce tailleur né en Pologne avait émigré en France dans les années vingt et y avait fondé un foyer. En 1939 il avait été mobilisé dans l'armée française. Démobilisé en 1940, il s'était installé à Châteauroux, avec sa mère, sa femme et leurs trois enfants.

Le 2 juillet 1943, tous ces derniers, placés dans un petit village non loin de Châteauroux, échappèrent à l'arrestation. Mais le père, lui, fut envoyé à Drancy. Le 20 novembre 1943, Léon Strubel fut embarqué dans un convoi à destination d'Auschwitz. Dans son wagon, il se trouva avec un groupe de prisonniers qualifiés de "dangereux" car ils avaient en effet essayé de creuser un tunnel pour s'évader du camp.
Ils réussirent à dissimuler une scie et se mirent au travail dès le départ du train, creusant une ouverture dans le plancher du wagon.
Dans la nuit, alors que le convoi traversait le département de la Meuse, dix-neuf personnes, dont Léon Strubel, sautèrent en marche.
Blessé et couvert de sang, Léon erra jusqu'à l'aube, puis vit une ferme isolée. Comprenant qu'il ne pourrait survivre sans aide, il frappa à la porte. C'était la demeure des Schoellen, propriétaires d'un élevage de bétail à Longeville-en-Barrois.
Ernest et Anne Schoellen soignèrent le blessé et le cachèrent.

Ensuite, Ernest se rendit à Châteauroux pour nouer des contacts avec la famille de Léon. M. Schoellen était porteur d'une lettre en yiddish pour rassurer les Strubel. Le fermier apportait de plus un colis de ravitaillement.
Grâce à la carte d'identité de son propre fils, Ernest ramena à sa ferme le jeune André Strubel, treize ans.

La générosité des fermiers ne s'arrêta pas là. Pour tous les Strubel, ils trouvèrent un refuge particulièrement fiable dans le village de La Rochette en Savoie. Grâce à ses contacts avec la résistance; Ernest munit toute la famille persécutée de faux papiers au nom de Strib.


Les évadés du convoi n° 62 évoqués par Jean-Christophe Erbstein (3) :

- "Quand le train part de la gare de Bobigny, les résistants {14 de Drancy, ceux qui y creusèrent un tunnel mais furent dénoncés} ont appris par des Lorrains que l'endroit idéal pour sauter est la côte Lérouville dans la Meuse, parce que le train est obligé de ralentir. Durant le voyage, les quatorze s'activent pour dévisser les barreaux du lucarnon. Quand les autres déportés commencent à s'inquiéter, Oscar, le père des frères Handschuh, les rassure en leur racontant une histoire.
Le lieu fatidique approche et les barreaux sont encore là. Avec une rage de vivre, les fères Gerchel, des colosses, viennent à bout de l'obstacle. Dix-neuf passagers réussissent à sauter, dont Joseph Gajgfinger."
(l'Est Républicain).

Notes :

(1) Tome 3, Fayard, 2001.

(2) Cérémonie organisée par le Maire de Longeville en Barrois, Danielle Bouvier, par Louis Grobart, Vice-Président du Comité Français pour Yad Vashem et par Didier Cerf, Délégué Régional du Comité.
Médailles et diplômes ont été remis par Daniel Saada, Conseiller près l'Ambassade d'Israël.


(3) Remerciements à Viviane Saül pour la transmission de cet article.

P. 77. Mémoires d'enfants cachés 1939-1945

Invitation :


Paroles d'étoiles...

lundi 27 octobre 2008

P. 76. Elie Wiesel : "Le cas Sondergerg"

"Ma question est : pourquoi le monde n'a-t-il rien appris ?"

Elie Wiesel...


Présentation par Elie Wiesel :

- "Souvent, dans l'immensité de la littérature talmudique, en plein débat ou en plein recueillement, il arrive qu'un Sage interroge ses collègues sur lui-même :
" Mais qu'est-ce que tout cela signifie ?"

La signification de ce roman ? Il tourne autour d'un procès, donc d'une rencontre.
D'un côté, un vieil Allemand et son petit-fils : deux générations s'affrontent. Le vieil homme est jugé non par un tribunal, mais par son descendant. Ils sont partis ensemble dans la montagne. Le plus jeune est revenu seul… Coupable ou non coupable ?
De l'autre côté, un journaliste, Yedidyah. Il évolue dans la rédaction d'un quotidien new-yorkais avec ses intrigues et ses fidélités. Critique théâtral, époux d'une actrice, il participe de la "comédie new-yorkaise". Les succès éphémères, les gloires oubliées : rien n'est plus joyeux qu'une nouvelle étoile, rien n'est plus mélancolique que son crépuscule. Yedidyah aime le théâtre qui constitue un temps sacré, intime : tous les soirs, sur un plateau aussi limité qu'une boîte d'allumettes, les acteurs créent un monde avec ses instants de lumière ou de colère.
Mais voilà qu'on lui demande un jour de "couvrir" le procès d'un certain Werner Sonderberg, ce qui déclenche en lui d'étranges et puissants échos. Sentant qu'il se heurte à un secret familial, Yedidyah tente de sonder sa propre mémoire. Qui est-il vraiment ? D'où vient-il ? Qui est l'ami, lequel est l'ennemi ? Comment retrouver les visages disparus d'un père, d'une mère qui l'a quitté encore enfant, d'une sœur ?
Offre de mission clandestine pour Israël, fuite du bonheur facile, épisodes de l'Occupation et de l'après-guerre, camaraderie de combat et désillusions : tout s'enchevêtre dans sa conscience. Obsédé par l'appel de la folie, il redoute de se définir par elle. Est-elle un péril ou un refuge ? Un regard des dieux rieurs ou un sanglot muet des morts sans sépulture ? Est-on capable de guérir ce genre de folie ou du moins de l'apprivoiser ?

Alors, la signification de ce roman, c'est peut-être de s'efforcer d'éclairer un peu cette simple question : comment vivre dans un monde qui nous renie, comment inventer un avenir sur les ruines de tant d'espérances ?"

Elisabeth Lévy et Franz-Olivier Giesbert :

- "Question :
Le héros de ce roman est un jeune Allemand qui découvre le passé nazi de son grand-père. C’est la première fois que vous traitez frontalement de la culpabilité. Vous qui avez voué votre existence et une grande partie de votre oeuvre à la mémoire des victimes, cherchez-vous maintenant à percer le mystère des bourreaux ?

Elie Wiesel :
Les victimes continuent à m’obséder. D’autres se sont concentrés sur les tueurs, sur les bourreaux, alors que les victimes ont toujours occupé tout mon être et tout mon temps. Dans ce livre, j’ai voulu donner la parole aux enfants des bourreaux, leur permettre de dire à leurs pères :
"Vous l’avez fait pour nous ? Mais nous ne voulions pas cela !"
Le paradoxe est que le grand-père, qui est coupable, se sent innocent, alors que le petit-fils, qui n’est pas coupable, se sent coupable. Le roman met en scène cet affrontement entre celui qui assume la responsabilité de crimes qu’il n’a pas commis et celui qui rejette celle des crimes dont il est coupable."
(Le Point, 11 septembre 2008)

Grégoire Leménager :

- Rarement un roman avait été peuplé d'autant de points d'interrogation. C'est que dans les thèmes abordés par Elie Wiesel, rien ne va de soi. Un jeune Allemand, accusé du meurtre de son oncle, plaide "coupable et non coupable".
Son procès réveille de vieux démons : la solution finale, la difficulté de juger, la tentation de prendre le monde pour un théâtre sans voir que "l'histoire n'est pas un jeu". Une telle densité du propos pour rait nuire, s'il ne s'imposait grâce à une narration fluide, servie par une langue claire et nette. Wiesel s'autorise une allusion à "La Chute" de Camus. C'est dans cette veine-là, un certain cynisme en moins, que s'inscrit "le Cas Sonderberg" : celle d'un roman à idées soumis à la question, toujours mordante, d'une impossible innocence.

Elie Wiesel :
Pourquoi le monde est-il encore le monde qu'il est ?
En 1945, paradoxalement, j'étais très optimiste. Je pensais: on a appris. Si quelqu'un m'avait dit que je devrais encore combattre le fanatisme.... Ma question est : pourquoi le monde n'a-t-il rien appris ?"
(Le Nouvel Observateur, 23 octobre 2008).

Alexander Kneting :

- "Et, à la fin de tout cela, Yedidyah se pose une question légitime :
"est-ce possible que je quitte ce monde sans certitude ?"
Oui, car dans la vie réelle rien n’est absolu. La justice, la beauté, la mémoire éternelle appartiennent au monde du théâtre. La vie réelle n’est jamais totale, mais terriblement ambivalente.
Comment, dès lors, échapper à cette horreur ? En croyant. En Dieu ? Peut-être. Mais surtout en l’homme. Car, comme le dit le sage grand-père dans une des dernières phrases qu’il adresse à son petit-fils :
"Tant que tu vis, tu es immortel, car ouvert à la vie des vivants. Une présence chaleureuse, un appel à l'action, à l'espérance, au sourire même face au malheur, une raison de croire, de croire malgré les échecs et les trahisons, croire en l’humanité de l’autre, cela s'appelle l'amitié".

(Arte Histoire, 9 septembre 2008)

Pour rappel :

lundi 20 octobre 2008

P. 75. "Lettres et carnets", Hans et Sophie Scholl, décapités en 1943

"La fin sera atroce, mais si terrible qu'elle doive être, elle est moins redoutable qu'une atrocité sans fin."


Présentation par l'Editeur Tallandier :

- Le 22 février 1943, Hans (né en 1918) et Sophie Scholl (née en 1921) étaient guillotinés avec leur camarade Christoph Probst. Quelques semaines plus tard, trois autres membres de la "Rose blanche" (le professeur Kurt Huber et deux autres étudiants : Willi Graf et Alexander Schmorrel) connaissaient le même sort.
Leur crime ? Avoir peint des "Vive la liberté" dans les rues et distribué des tracts à l’université de Munich pour appeler les Allemands à la résistance en invoquant Schiller, Fichte, Lao-Tseu et Goethe, et avoir dénoncé le crime dont la culpabilité suivra à jamais le peuple allemand :
"Depuis la mainmise sur la Pologne, trois cent mille juifs de ce pays ont été abattus comme des bêtes. C’est là le crime le plus abominable perpétré contre la dignité humaine, et aucun autre dans l’histoire ne saurait leur être comparé…"

Dans diverses villes d’Allemagne, d’autres suivaient déjà leur exemple…
Idéalistes, graves mais aussi très sensibles aux joies du monde, Hans et Sophie Scholl, lui étudiant en médecine, elle étudiante en philosophie, avaient commencé par rejoindre les Jeunesses hitlériennes avec la ferveur des enfants de leur âge et un enthousiasme romantique.
Mais cette adhésion fut de courte durée. L’emprise de Hitler sur la société se renforçant, la servilité des adultes gagnant du terrain, la chape de plomb du conformisme obligé se faisant suffocante, les atrocités se multipliant, les jeunes gens sortirent de l’adolescence avec la conviction qu’ils devaient élever la voix contre un régime meurtrier.

Parsemés de commentaires sur la sinistre progression de la campagne de Hitler, ces lettres et carnets, de 1937 à 1943, mêlent les messages voilés sur le cours d’une guerre dans laquelle ils souhaitaient ardemment la défaite de leur pays et les évocations bucoliques ou les méditations sur Goethe et Dostoïevski, Claudel, Bernanos et Léon Bloy.
Les demandes aux parents alternent de même avec les apostrophes à Dieu, qu’ils ne se lassent pas d’interroger sur le mystère du mal en se nourrissant de Pascal et de saint Augustin.

De leurs notations sur les activités collectives, les travaux obligatoires pour les jeunes, le séjour de Hans au cachot, l’internement du père, les amis blessés sur le front est, se dégage une peinture rare de l’envers du décor nazi. De la lâcheté des adultes, des compromissions, des humiliations, ils ne laissaient rien échapper et ne voulaient rien laisser passer. Convaincus que Hitler vouait son peuple à la mort, ils pensaient simplement que mieux valait mourir pour la dignité et sauver l’honneur des Allemands.

Témoignage d’un itinéraire spirituel, ce recueil de lettres et de carnets intimes, de portraits, de réflexions et d’articles, est aussi un document historique hors pair sur le refus du mensonge dans l’Allemagne nazie."

Laurent Lemire, le Nouvel Observateur (16 octobre 2008) :

- "La Rose blanche. C'est le nom qu'ils avaient donné à leur réseau de résistance au nazisme. Ils étaient jeunes, allemands et ils voulaient réveiller les consciences de leur pays en lançant Pascal ou Dostoïevski contre Hitler.
Hans, sa soeur Sophie et leur ami Christoph Probst furent décapités en 1943 à Munich. Ils avaient 24, 21 et 23 ans. De leur action, il reste ces lettres inédites et ces carnets:
"La fin sera atroce, mais si terrible qu'elle doive être, elle est moins redoutable qu'une atrocité sans fin."

Ces Lettres et carnets de Hans et Sophie Scholl, apportent un double éclairage. D'abord, ils confirment l'existence, trop peu connue, d'un courant de résistance au sein même du IIIe Reich. Ensuite, ils constituent un témoignage bouleversant sur la formation intellectuelle et spirituelle de deux jeunes étudiants en lutte contre un régime et l'étouffement intellectuel qu'il impose."

Laurent Larcher, La Croix (12 septembre 2008) :

Vingt-deux février 1943, Munich. Sur le mur de la cellule de Stadelheim, quelques mots griffonnés précipitamment :
"Savoir se maintenir".
Un vers de Goethe lancé à la face de l’histoire par un jeune Allemand de 25 ans, Hans Scholl, avant d’être décapité pour "haute trahison". Son crime ? Avoir écrit et distribué six tracts, six textes appelant ses compatriotes à se libérer du "démon du consentement", à se réapproprier "ce que l’homme possède de plus haut : le libre arbitre et la liberté".
Ce 22 février 1943, Sophie Scholl, 22 ans, la jeune sœur de Hans, est décapitée pour la même raison. "Qu’importe ma mort si grâce à nous des milliers d’hommes ont les yeux ouverts", confiait-elle à sa compagne d’emprisonnement.


(Photo : unis dans leur résistance autour de La Rose Blanche, unis dans la mort, Hans et Sophie Scholl, DR).

Evelyne Lever, Le Figaro (26 septembre 2008) :

- "Comme tant d’autres jeunes Allemands, Hans et Sophie Scholl auraient pu marcher au pas cadencé du nazisme. Mais alors qu’ils appartiennent aux Jeunesses hitlériennes, ils prennent conscience de l’horreur du régime : ils dénoncent le règne du mensonge et les violences commises contre les juifs. Leur rencontre avec un professeur de philosophie sera décisive. Avec une quarantaine d’étudiants, ils fonderont la modeste Rose blanche pour appeler leurs compatriotes à se révolter contre le totalitarisme criminel auquel ils se trouvent asservis.

Leur arme ? Des tracts. Six au total seront diffusés. Cela suffira pour les condamner à mort après un simulacre de procès."

Gilles Heuré, Telerama (4 octobre 2008) :

- Le jeune Hans, étudiant en médecine, parti sur le front russe comme infirmier, ne cesse de s'interroger non seulement sur le sens de la guerre, mais surtout sur la volonté et l'exigence qu'il lui faut déployer pour ne pas sombrer dans la folie collective. Convaincu que "l'homme a été créé intellectuel" et que lui-même, Européen, est un "épigone" et un "gardien de l'héritage européen", il refuse de voir la culture anéantie par un régime sanguinaire.
Curieux de la Russie, de la France et de ses écrivains, il lit Gide, Léon Bloy, Dostoïevski, Ernst Wiechert, s'indigne du sort des Juifs, victimes de l'extermination en masse.

Sophie Scholl, elle aussi, fait preuve d'une maturité intellectuelle étonnante. Dans saint Augustin, elle cherche un parcours spirituel, et se convainc qu'une jeune fille a non seulement le droit mais aussi le devoir de faire de la politique.
Les lettres où elle évoque ses baignades dans la mer du Nord ou ses promenades en forêt traduisent un irrépressible besoin de liberté. Et derrière ces lignes légères et émouvantes se cachent une volonté et un courage inouïs.

Membres du cercle étudiant de la Rose blanche, Hans et Sophie Scholl distribuèrent six tracts antinazis entre 1942 et 1943 - ce qui leur valut d'être condamnés.
Le nazisme leur apparaît non comme une doctrine, mais comme une "duperie collective", un mensonge qu'il faut combattre de toutes ses forces. La foi en la culture et en la liberté de l'esprit inonde ces lignes magnifiques écrites par deux jeunes Allemands qui payèrent leur courage de leur vie.

lundi 13 octobre 2008

P. 74. Yossel de Rosheim

"L'Avocat des Juifs.
Les tribulations de Yossel de Rosheim dans l'Europe de Charles Quint"
par Selma Stern
aux Editions La Nuée Bleue (Strasbourg).

Quatrième de couverture :

- Au début du XVIe siècle, dans un Saint Empire romain germanique chahuté par des conflits incessants, les guerres de religion et les révoltes paysannes, en proie à toutes les peurs, les juifs cristallisaient beaucoup de haines populaires.
C’est dans ce contexte de violence que, dans la petite ville impériale de Rosheim en Basse Alsace, un érudit devenu prêteur sur gages, Yosselman (1478-1554), se leva pour défendre ses frères juifs persécutés. Il partit à la rencontre des grands de son temps afin d’alléger les menaces qui pesaient sur ses coreligionnaires de tout l’Empire. Il réussit à placer les juifs sous la protection directe de Charles Quint. L’empereur, écoutant leur avocat, les défendit à maintes reprises contre les terribles décisions des princes et des villes.
Fait unique dans l’histoire du Saint Empire, les juifs allemands disposèrent alors d’un représentant qui était à la fois investi par ses frères et reconnu par les princes. Grâce à un sauf-conduit de l’empereur, celui qu’on appela désormais "Yossel de Rosheim, commandeur des juifs allemands" put se déplacer partout, s’épuisant à défendre ses frères dans les cours et les diètes, et lors de controverses publiques.
Courageux et charismatique, Yossel était aussi un esprit politique avisé qui savait faire des choix, soutenant résolument Charles Quint contre les princes protestants, dénonçant Luther pour ses écrits contre les juifs.
Personnage romanesque dans une époque de bouleversements où les lumières de la Renaissance se voilaient d’ombres dangereuses, Yossel fut aussi un réformateur pénétrant, désireux d’améliorer la place des juifs dans la société, établissant par exemple une base juridique au prêt à intérêt.

Selma Stern, historienne allemande (1890-1981), auteur de cette biographie éditée en 1959 et traduite pour la première fois en français, a écrit plusieurs ouvrages de référence, inédits en français, sur l’histoire du judaïsme :
- Le Juif de Cour
et
- L’Etat prussien et les Juifs.
Réfugiée aux Etats-Unis en 1941, où elle fut nommée docteur honoris causa au Hebrew Union College à Cincinnati, elle ne rentra en Europe qu’en 1960, après la publication de la biographie de Yossel. Celui qu’elle appelait "l’homme exemplaire" l’aida à surmonter l’horreur de la Shoah et à se réconcilier avec son pays. Elle vécut ensuite à Bâle où elle a poursuivi ses travaux.

Traduit de l’Allemand et préfacé par Freddy Raphaël et Monique Ebstein.

Dernières Nouvelles d'Alsace :

- Né peut-être en 1478, Yossel, un juif vivant à Rosheim sous le Saint Empire romain germanique, mourut vers 1554. Entre ces deux dates, une certitude : 40 années de risques et de voyages pour la défense des communautés juives d'Alsace et d'ailleurs auprès des puissants religieux et laïcs.
(4 septembre 2008)


Patrick Boucheron (Le Monde) :

- Né dans une petite ville impériale de Basse-Alsace, cet érudit subtil devenu prêteur sur gages parvint à se faufiler dans les failles confessionnelles d'un Saint Empire ébranlé par la réforme luthérienne pour attirer vers sa communauté la protection de Charles Quint, qui le reconnut comme "commandeur des juifs allemands".
Or, ce travail diplomatique intense passait par une politique de mémoire : se rendant à Würzburg en 1544 pour tenter de sauver d'une mort certaine des juifs accusés de meurtre rituel, Yossel se fit remettre un livre de prières sur la première page duquel un certain Jacob ben Izthaq, de Nuremberg, avait évoqué l'histoire des persécutions des juifs d'Alsace durant les années 1470. Il y reconnut des fragments de mémoire familiale :
- "Ce que j'avais entendu de la bouche de mon père et de ma mère".
Ecrire ses Mémoires fut donc pour Yossel un geste politique : il fallait
se souvenir pour se sauver, rappeler les souffrances passées pour éviter qu'elles ne reviennent.
(3 octobre 2008).

Illustration : Vie de Yossel de Rosheim, un Shtadlan (celui qui s'efforce). Source : Histoire des Juifs.

Yolande Baldeweck, (L'Alsace.fr) :

- "Yossel de Rosheim (1478-1564) est le personnage qui représente par excellence la nation juive allemande au début des Temps modernes, au seuil d’une période longtemps considérée comme l’une des plus cruelles de l’histoire des juifs d’Allemagne",
écrivit l’historienne Selma Stern, en introduction à la biographie éditée en 1959, qu’elle consacra à ce juif de Rosheim.

Érudit devenu prêteur d’argent, il se fit l’avocat de ses coreligionnaires auprès de l’Empereur Charles Quint. Elle-même, qui avait quitté tardivement l’Allemagne nazie en 1941 pour se réfugier à Cincinnati, fit "le parallèle entre l’époque de la Renaissance et de la Réforme et l’horreur des chambres à gaz". Car vers la fin du XVe siècle, l’accusation de meurtres rituels par les juifs se répandit dans toute l’aire germanique, tout comme celle de profanation d’hosties, entraînant l’exécution, après d’horribles souffrances, de ceux qui avaient été condamnés.

"Yossel fut élu par toutes les communautés de l’Empire comme leur représentant. Cela va l’amener, de Rosheim à Vienne, Prague, Breslau. Il échoua partiellement en ce qui concerne les accusations contre les juifs. Par contre, ce qui fut extraordinaire, ce furent les liens d’amitié avec Charles Quint que ce dernier n’eut jamais avec Martin Luther. Il réussit aussi à prendre le dessus lors de joutes oratoires mises en scène par les princes et les évêques", observe Freddy Raphaël qui, avec Monique Ebstein, a travaillé durant trois ans pour traduire l’ouvrage de Selma Stern, l’enrichir d’annexes critiques et de notices biographiques.
Un travail qui "l’engage fortement". Car, Yossel de Rosheim, figure méconnue, "mais qui fait sens et donne de l’espoir", Freddy Raphaël souhaite que "l’Alsace se l’approprie comme une exigence de rapports à construire à soi-même et aux autres". "À cause de sa relation avec le monde chrétien, mais aussi parce qu’il a fait preuve d’une exigence morale à l’égard des siens", explique le sociologue pour qui "le judaïsme alsacien, qui n’est ni fanatique, ni obsédé par l’application vétilleuse de la loi, doit garder sa petite tonalité".
(6 septembre 2008).

lundi 6 octobre 2008

P. 73. "Melnitz", de Charles Lewinsky

Des rumeurs le désignent comme "Prix du roman étranger" pour le Médicis mais encore pour le Femina.
En bien plus de 700 pages, Charles Lewinsky retrace un siècle d'histoire romancée des juifs en Suisse.
La traduction de son "Melnitz" est publié par les Ed. Grasset.

Présentation par les Ed. Hachette :

- Melnitz, c’est la saga de la famille Meijer, une famille juive suisse, de 1871 à 1945 – de la guerre franco-prussienne à la fin de la deuxième guerre mondiale. Un grand roman salué comme le Cent ans de solitude de la traditition yiddish.

En 1871, les Meijer – Salomon le marchand de bestiaux, sa femme Golda, leur fille Mimi, romanesque et coquette, et Hannele, une orpheline qu’ils ont élevée, vivent à Endingen, bourgade helvétique qui fut longtemps l’une des deux seules où les Juifs étaient autorisés à résider. L’arrivée, impromptue, de Janki, un vague cousin, qui s’installe chez eux, va bouleverser ce petit monde clos. Il aurait, dit-il, vécu à Paris. Il est beau parleur, hâbleur et ambitieux. Il ouvre à Baden, la ville voisine, un magasin "Aux Tissus de France", et, épouse Hannele la laborieuse, qui va travailler avec lui avant de fonder son propre magasin, les "Galeries Modernes". Mimi épouse Pin’has, le fils du boucher et érudit talmudiste, follement amoureux d’elle et qui le restera toute sa vie.
La famille Meijer a commencé son ascension sociale, quitte peu à peu Endingen pour Baden, puis Zürich. Entre dans la modernité. Parallèlement, Janki multiplie les efforts pour être admis dans la société suisse, toujours foncièrement antisémite. Son fils François va finir, dans le même espoir, par se convertir.
Comme toutes les familles, les générations successives de Meijer vivent leurs amours, leurs drames, leurs succès et échecs professionnels, évoluent- y compris sur le plan religieux - en passant du 19ème au 20ème siècle. Mais leur histoire est profondément marquée par l’Histoire. Ainsi, pendant la guerre de 14, Zalman, le gendre de Janki, ancien militant syndicaliste aux Etats-Unis, franchit les lignes de front pour aller chercher son fils Ruben, qui étudie dans une Yechiva au fin fond de la Galicie, où avancent les Cosaques. Cependant qu’Alfred, le fils de François, est soldat dans l’armée française et tué en Alsace.
En 1937, Hillel – petit-fils de Zalman – ardent sioniste qui se prépare à l’émigration en Eretz Israël – se bat, à Zürich, contre les pro-hitlériens du Front National. Arthur, le plus jeune fils de Janki et Hannele, devenu médecin, soigne gratuitement les enfants juifs réfugiés d’Allemagne, acceptés pour 3 mois en Suisse, et finit par épouser la mère de deux d’entre eux, afin de lui permettre de recevoir un visa d’entrée en Suisse – laquelle a fermé ses portes aux persécutés. Ruben, devenu rabbin dans une ville allemande, décrit dans ses lettres une situation de plus en plus sombre, mais refuse d’abandonner sa communauté. Il va disparaître, avec sa famille.
1945 : L’Oncle Melnitz est de retour et raconte. La première phrase du livre a dit de lui : "Après sa mort, il revenait. Toujours."
Il apparaissait aux moments cruciaux auprès de l’un ou l’autre des Meijer pour évoquer des souvenirs, souvent tragiques, du passé, leur rappeler qu’ils ne sont pas des Suisses tout à fait comme les autres. A présent, lui qui sait tout – Melnitz ou la mémoire – raconte aux Meijer survivants, et à qui veut l’entendre, des événements du passé récent, incroyables, "surtout ici en Suisse où l’on a vécu toutes ces années sur une île", et que souvent l’on aurait préféré ignorer.

Alexandra Richter, Centre national du Livre :

- L’intérêt de ce roman de famille de 767 pages consiste d’abord dans le choix du sujet : Melnitz raconte la vie d’une famille juive en Suisse entre 1871 et 1945. A travers les destins entremêlés de ses membres, sur cinq générations successives, on découvre un chapitre mal connu de l’histoire suisse. Mais au-delà de l’intérêt historique de ce roman, Lewinsky parvient à donner un second souffle à un genre tombé en désuétude.
Jusqu’alors, dans la littérature allemande, la saga familiale n’avait jamais connu son heure de gloire mais soudainement, de nombreux auteurs, au premier rang desquels Charles Lewinsky, s’attachent à lui donner ses lettres de noblesse. Cet engouement récent s’explique peut-être par la possibilité qu’offre le genre d’aborder l’histoire sous un angle différent, à travers à la fois le prisme de la distance historique et celui du souvenir familial.
Dans le roman, c’est l’oncle Melnitz, le personnage éponyme, qui incarne ce souvenir familial. Melnitz est un revenant, un fantôme qui accompagne la famille de Salomon Meijer, et le lecteur, de la première à la dernière page : "Après sa mort, il revenait. Toujours". Oiseau de mauvais augure, il tient des propos désobligeants, et rappelle inlassablement, à chaque réunion familiale, qu’en dépit de leurs efforts acharnés, aucun de ses parents ne parviendra à atteindre son objectif d’insertion sociale.
Jamais les Meijer ne seront des citoyens à part entière, tant la méfiance à l’égard des juifs est une sorte de spectre qui, à l’instar de Melnitz lui-même, ne cesse de hanter le paysage politique et social du pays.
(2/10/2008)


(Photo : Charles Lewinsky. DR)

Mona Ozouf, BibliObs :

- C'est un inquiétant personnage, ce Melnitz, qui traîne derrière lui l'odeur et le froid du caveau. Mort depuis deux siècles au moins, il réapparaît dans la famille Meijer, à l'occasion d'un deuil, d'une bar-mitsva, d'une noce. Il entre sans s'annoncer, s'assied, écoute, et de temps à autre prend la parole pour un commentaire sarcastique. Ce qui le met en verve, c'est la confiance que les Meijer témoignent à leur pays - la si paisible Confédération helvétique -, à leurs voisins - tellement bien disposés à leur égard -, à leur propre réussite. Tu crois, dit-il à l'un de ces ingénus, qu' ''il ne peut plus rien t'arriver. Mais tu te trompes. Parfois, ils gardent le silence et nous pensons qu'ils nous ont oubliés. Crois-moi, ils ne nous oublient pas". Et de dérouler la pelote des persécutions depuis le jour lointain où lui- même, Melnitz, est né en Ukraine, d'une jeune juive violée par un cosaque.
(...)
Quand s'achève ce livre bouleversant, impossible à quitter pour peu qu'on l'ait ouvert, on retrouve Melnitz. Moins blême, semble- t-il, et presque ragaillardi par la tragédie qui lui a donné raison. C'est qu'il a changé d'emploi. Dans son rôle de Cassandre, on l'écoutait peu. Désormais, on adresse des requêtes ferventes à l'homme- mémoire : mettre des prénoms d'enfants sur des photos sépia, ouvrir des valises abandonnées, retrouver des convois perdus, identifier des ombres, retracer des destins engloutis. "Six millions de nouvelles histoires, dit-il, des histoires incroyables, surtout ici, en Suisse, où l'on a vécu toutes ces années sur une île, à pied sec au milieu de l'inondation."
(2/10/2008).



Isabelle Falconnier, L'Hebdo CH :

- L’histoire s’arrête en 1938.
"C’est la fin du monde, en tous les cas d’un monde. Le monde juif européen tel qu’il existait meurt à ce moment. Notre histoire est ce que nous avons de spécifique. Mais en même temps, nous avons trop de mémoire pour un si petit peuple.
Pour être optimiste, il faut oublier l’histoire. La mémoire est assassine."
Melnitz sait qu’il est "la dernière génération qui a entendu raconter les histoires" de sa grand-mère, qui a connu Endingen. "Qui peut raconter maintenant?" Il oublie de préciser que sa fille enseigne le yiddish à l’Université de Munich. Elle a tout appris. Son père ne le parle pas. "Oui, les choses peuvent refleurir."
(18/09/2008)

Philippe Chevilley, Les échos.fr :

- En 1945, la conscience devient mémoire. L'oncle Melnitz ne sourit plus - il représente les morts, tous les morts victimes de la Shoah. Il est derrière chaque homme, chaque femme, chaque Suisse, juif ou non-juif, ami des victimes ou complice des bourreaux, pour leur rappeler le message désespéré des martyrs.
"Après sa mort, il revenait. Toujours. Il n'était pas venu seul. Cette fois il avait amené du renfort. A soi seul, impossible de raconter un tel nombre d'histoires. Ils emplissaient toute la ville. Tout le pays. La terre entière."
(6/10/2008)

mercredi 1 octobre 2008

P. 72. Les Maliniak : un exemple de famille sauvée par des Justes

Les grands-parents Maliniak étaients des juifs de Pologne. Leurs huit enfants naquirent en Allemagne. Au nombre de ceux-ci, Max qui épousa Hélène ainsi que leurs enfants André et Micheline, plus une nièce, Monique, furent sauvés par trois Justes du Limousin...


(Photo : L'Echo. Haute-Vienne. De g. à dr. : Victor Kuperminc, délégué du Comité français pour Yad Vashem ; Daniel Saada, ministre près l'Ambassade d'Israël ; Simone Perrier, Juste parmi les Nations).

P. 71, ce blog propose quelques échos de la cérémonie qui s'est déroulée en la Mairie de Saint-Jouvent le 21 septembre dernier. Trois Justes : Pierre et Mélanie Perrier (tous deux à titre posthume) ainsi que leur belle-fille, Simone Perrier furent honorés pour avoir sauvé de la Shoah des membres de la famille Maliniak.

C'est l'histoire de cette famille qu'à retracée dans les grandes lignes P. Malignac, deux pages manuscrites remises à la Mairie de St-Jouvent. Le Maire, Jean-Jacques Faucher, en a confié une copie à ce blog. En voici une synthèse :

Né à Varsovie en 1870, Abraham MALINIAK épousa Ruchla ALTMILLER, née également à Varsovie la même année.

Le couple émigra à Francfort s/M. Leurs enfants naquirent dans cette ville allemande :
- Maurice, en 1896.
- Arys, 1902.
- Anna, 1903.
- Frida et Max, jumeaux, en 1907.
- Paula, en 1907.
- Henry, en 1913.
- Willy, en 1915.

L'aîné, Maurice prit pour épouse Salomé. Ils eurent deux enfants :
- Lucien, né en 1931.
- Monique, en 1934.

L'un des jumeaux, Max, se maria avec Hélène. Deux enfants naquirent de cette union :
- André, en 1933.
- Micheline, en 1935.

L'antépénultième, Henry, convola en justes noces avec Yvonne. Le couple donna la vie à :
- Pierre, né en 1939.
- Philippe, en 1943.

Quant aux filles, Anna, Frida et Paula, elles émigrèrent avant guerre aux Etats-Unis, échappant ainsi aux désastres de la Shoah.

Par contre, Maurice Maliniak et son épouse Salomé (médecin) habitaient boulevard du Montparnasse à Paris quand fut déclenchée la rafle du Vel d'Hiv'. Ils furent déportés à Auschwitz.
Leurs enfants, étaient alors en vacances à la campagne.

Le second des Maliniak, Arys, fut arrêté en octobre 1943 et mis dans un convoi pour Auschwitz.

Un des jumeaux, Max Maliniak, avec son épouse Hélène ainsi que leurs enfants André et Micheline, vivaient rue de Clichy à Paris. Ils prirent en charge les orphelins de Maurice et de Salopé : les petits Monique et Lucien. Pour échapper aux rafles, tous ensemble tentèrent de passer en Zone dite "libre". Leur fuite les conduisit à Limoges puis dans les campagnes, à Neuvillas.
Dans ce hameau rattaché à St-Jouvent), la famille agrandie fut hébergée par les PERRIER.
Puis Max et Hélène trouvèrent une filière pour que les enfants soient transférés en Suisse. Après guerre, Lucien et Monique partirent pour Israël où chacun se mariera et aura deux enfants.

En 1936, Henry Maliniak prit pour épouse Yvonne Roudier (non juive). Ils passaient toutes leurs vacances dans la maison de la mère d'Yvonne, à Neuvillas. Quand éclata la guerre, ils s'y réfugièrent avec Pierre et Philippe. Sans jamais y déplorer le moindre problème avec les habitants du hameau :
- "Tout le monde savait bien sûr qu'Henry était Juif !"

Henry, Pierre et Philippe MALINIAK devirent des MALIGNAC dans les années 1955-1956 suite à la naturalisation du père.

(Manuscrit de P. Malignac, P. 2)

Le dossier remis à l'Institut Yad Vashem et conduisant à la reconnaissance des trois Justes Perrier, a été constitué par Monique et par André. Celui-ci joignit son témoignage aux discours prononcés lors de la cérémonie du 21 septembre. Retenue en Israël par des raisons de santé, Monique avait tenu à être représentée par sa fille Michal.

André Malignac :
- "La Haute-Vienne était alors un îlot d'Humanité !"

NB : Notre gratitude au Maire de St-Jouvent auquel les pages 71 et 72 doivent l'essentiel.