Patrick Cabanel,
Chère Mademoiselle...
Alice Ferrières
et les enfants de Murat, 1941-1944,
Préface de Mona Ouzouf,
Calmann-Lévy, Mémorial de la Shoah,
2010, 557 p.
4e de couverture :
- "Au printemps 1941, commence pour Alice Ferrières une aventure à la fois extraordinaire et « banale » qui ne prendra fin qu’à l’automne 1944.
Alice Ferrières (1909-1988), issue d’une famille protestante des Cévennes, est professeur de mathématiques au collège de jeunes filles de Murat, dans le Cantal. Scandalisée par le second Statut des Juifs, elle décide d’apporter son aide aux victimes de l’antisémitisme de Vichy. Alice envoie tout d’abord lettres et colis à des professeurs juifs français victimes du Statut, souvent des Alsaciens, puis à des Juifs étrangers assignés à résidence ou internés dans les camps de Gurs, Noé, Rivesaltes, La Guiche. De véritables amitiés se nouent, que la déportation vers Auschwitz est parfois venue briser net.
Le 6 janvier 1943, son soutien aux Juifs prend une tout autre dimension. Arrivent à Murat les premiers enfants ou adolescents qu’il s’agit de cacher dans les collèges de la ville ou dans des familles paysannes des environs. Alice travaille dès lors en étroite collaboration avec les jeunes assistants des œuvres juives de secours et de résistance. Sa maison ne désemplit plus, il s’y tient même des cours de religion et de sionisme…
Mémorialiste scrupuleuse – mais inconsciente, une chance pour nous –, Alice a conservé toutes les lettres que ses « protégés » lui ont adressées, ainsi que les copies de ses réponses. Elle a également tenu, en 1943 et 1944, un journal dans lequel sont consignées toutes ses activités et rencontres, heure par heure.
Les historiens ont parlé de la « banalité du bien » : on peut ici évoquer sa quotidienneté, accessible pour la première fois à travers un rarissime ensemble de notes et de correspondances croisées."
Alice Ferrières :
- "Au moment où le gouvernement ordonne des arrestations massives dans les milieux israélites pour les camps de concentration, je suis heureuse de vous mettre au courant des projets de mes grandes élèves : une "campagne de générosité" a été organisée dans tous les établissements scolaires de France et deux collectes seront faites (de l'argent, des jouets) par le Secours national. J'ai donc saisi cette occasion qui m'était offerte pour parler à mes élèves de nos compatriotes si cruellement persécutés pour les mettre au courant de mon activité. J'ai vu leur émotion, malgré leurs visages impassibles d'Auvergnates. (...)
Je désire que mes élèves ne restent pas indifférentes au milieu des bouleversements de cette période tragique et apprennent de bonne heure que la solidarité n'est pas une simple abstraction de l'esprit humain. Je me plais à imaginer que ces jeunes filles, en plus de cette aide immédiate, sauront conserver dans leur coeur les idées de justice et de tolérance pour lesquelles tant d'hommes sont morts."
(Lettre au bureau du Comité d'assistance aux réfugiés de Clermont-Ferrand, 11 décembre 1941.
PP. 64-65.).
Site de la Ville de Murat :
- "Alice Ferrières est nommée à l’école primaire supérieure de jeunes filles de Murat comme professeur de mathématiques en 1938.
En 1941, scandalisée par les nouvelles lois anti-juives, elle prend contact avec diverses organisations juives. Commence alors son action clandestine d’aide aux familles juives réfugiées : les enfants sont placés dans des familles des campagnes alentours, obtiennent des faux papiers, et surtout bénéficient de la générosité d’Alice. En effet, celle-ci n’hésite pas à leur rendre visite, leur envoie des colis, les console, leur écrit. C’est cette correspondance qui nous est parvenue et que Patrick Cabanel a étudié et publié aux éditions Calmann-Lévy.
Alice Ferrières a été reconnue Juste parmi les nations, ainsi que ses deux collègues Marie Saignier et Marthe Cambou."
Alice Ferrières, jeune enseignante humaniste (Ph. d'après un document du Mémorial de la Shoah / DR).
Thomas Wieder :
- "Belle-soeur du philosophe résistant Jean Cavaillès (1903-1944), Alice Ferrières (1909-1988) fut, en 1964, la première femme en France à être reconnue comme "Juste parmi les nations" par le Mémorial de Yad Vashem (…).
Nommée en 1938 professeur de mathématiques à Murat, un petit bourg du Cantal, Alice Ferrières appartient à ces héros ordinaires qui contribuèrent à faire en sorte que trois quarts des juifs de France aient survécu à la Shoah. Or ce qui est exceptionnel, dans son cas, est que nous savons tout, absolument tout, de son activité. Parce qu'elle a conservé les dizaines de lettres qu'elle a reçues de ceux qu'elle appelait affectueusement ses "protégés". Parce qu'elle a gardé les doubles de toutes celles qu'elle leur a adressées. Parce qu'elle a constitué des fiches pour chacun d'eux. Et enfin parce qu'elle a tenu un journal d'une précision hallucinante, qui permet de suivre ses faits et gestes au jour le jour, parfois même à l'heure près. Ce sont tous ces documents, conservés aujourd'hui au Mémorial de la Shoah, à Paris, que vient d'éditer avec un soin de bénédictin l'historien Patrick Cabanel.
Ces pages, poignantes d'authenticité, forment un témoignage sans équivalent sur ce que voulait dire, concrètement, aider les juifs sous l'Occupation".
(Le Monde, 9 avril 2010).
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "Alice Ferrières, protestante originaire des Cévennes, est professeur de Mathématiques au Lycée de Murat dans le Cantal.
Dès 1941, révoltée par l'application du statut des juifs, elle écrit au rabbin de Clermont-Ferrand et au Comité Israélite de Nîmes pour manifester sa sympathie et proposer son aide aux familles juives.
En 1943, avec Marthe Cambou, enseignante dans le même collège et Marie Sagnier, directrice de cet établissement, elle trouve des refuges pour les familles dans les fermes des montagnes et accueille une quinzaine d'enfants au sein même du pensionnat du collège.
Ce seront ensuite cinquante-trois familles juives envoyées par l'OSE et par la résistance juive que toutes trois parviennent à placer dans des maison ou dans des fermes environnantes.
Alice Ferrières, bien introduite auprès des milieux protestants, tient un journal de bord pour suivre chacun de ces enfants que Marthe Cambou est chargée de protéger tous les soirs. Aucun enfant ne sera arrêté."
NB : Une rencontre avec Patrick Cabanel est proposée par le Mémorial de la Shoah, le 6 mai à 19h. Prière de réserver auprès du Mémorial.
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