Les parents Vidal-Naquet emportés à Auschwitz,
leurs 4 enfants ont été soustraits à la Shoah
par Charles Vidal, Juste parmi les Nations.
AFP :
- "Un industriel marseillais reçoit ce jeudi, à titre posthume, la médaille de "Juste parmi les nations", pour avoir sauvé en 1944 les petits Vidal-Naquet, une soeur et trois frères dont l'un, Pierre, deviendra historien de renom.
Jean-Marie Vial, fils de Charles décédé en 1988, devait être le récipiendaire jeudi de cette distinction remise par Simona Frankel, consul général d'Israël à Marseille, et Robert Mizrahi, président du Comité français pour Yad Vashem pour le Sud de la France."
(8 avril 2010).
France3 :
- "La médaille de "Juste parmi les nations" a été remise à titre posthume à Charles Vial, industriel marseillais, qui a sauvé en 1944 les quatre enfants Vidal-Naquet, lors d'une cérémonie à la mairie de Marseille.
"Arracher des innocents à la barbarie, telle fut la tâche que s'était assignée Charles Vial, naturellement, modestement, courageusement, parce que seul son coeur parlait", a déclaré le maire UMP de Marseille, Jean-Claude Gaudin.
"Le peuple juif n'oublie pas ces héros qui ont sauvé ses enfants. Je sais bien que ces justes ne demandent jamais aucun honneur mais l'Etat d'Israël tient à distinguer chacun d'entre eux", a affirmé la consul général d'Israël, Simona Frankel, avant de remettre la médaille à Jean-Marie Vial, fils de Charles décédé en 1988."
(8 avril 2010).
Synthèse du dossier de Yad Vashem :
- "Le père Lucien Vidal-Naquet, né en février 1899, est avocat.
La mère Marguerite Valabrègue naît en mai 1907. Sa famille est originaire de Carpentras.
Ils habitent rue de Varenne Paris 7ème.
En 1939, Lucien Vidal-Naquet est mobilisé.
Son épouse et ses trois enfants, Pierre né en juillet 1930 décédé en juillet 2006, François né janvier 1932, Aline née en février 1933 partent en Bretagne. Naissance d’un petit frère,Yves en février 1940 décédé en juin 1940.
Juin 1940, c’est l’exode. La famille parvient à Marseille le 1er juillet et s’installe au deuxième étage de la villa de la mère de Mme Vidal-Naquet, dans l’appartement de Félix Valabrègue.
Le 12 mai 1942, Lucien Vidal-Naquet est exclu du barreau de Paris. Il rejoint sa famille.
Le rez-de-chaussée et le premier étage de la villa ont été réquisitionnés par l’organisation TODT. La milice siège non loin de là (425 rue de Paradis).
Le 14 mai 1944, Charles Vial, ami de la famille, conseille de fuir car il y a eu menace de dénonciation.
Le lundi 15 mai 1944, un Français et un Allemand procèdent à l’arrestation de Lucien et de Marguerite Vidal-Naquet. Ils seront déportés à Auschwitz par le convoi N° 75 et y seront assassinés.
Margot Vidal-Naquet est parvenue à confier son bébé Claude, né janvier 1944, à des voisins (Claude décèdera en 1964).
François méprisant tout danger rentre à la villa alors qu’on arrête ses parents. Sa mère lui ordonne de s’échapper. Il se réfugie chez son professeur de piano.
Pierre, qui revient d’une exposition, est intercepté par ses amis Alain Finiel et JP Miniconi. Il passe les nuits suivantes chez un professeur.
Charles Vial fait accompagner François chez un couple (il ne se souvient pas du nom), rue Sainte.
48 heures plus tard, Charles Vial organise le départ des deux fils aînés dans une ferme du Lubéron à Cucuron, chez l’ancien chauffeur de leur grand-mère .
L’administation du lycée, alertée par Joséphine, cuisinière des Vidal-Naquet, retient Aline. Celle-ci passe les nuits suivantes chez Melle Colomb, surveillante du lycée puis chez une camarade C. Gros. Claude et Aline sont ensuite confiés à Mme Passalaigue professeur d’histoire.
Le 5 juin, Charles Vial organise le départ de Claude et d'Aline. Il les accompagne, en voiture, dans leur famille, surmontant tous les obstacles que l’on peut imaginer. Charles Vial dépose les enfants à Saint Agrève, en Ardèche.
Pendant l’absence de son mari, Madame Vial reçoit la visite d’un militaire allemand venu réquisitionner son véhicule. «Nous n’avons plus d’auto depuis 1940» répond-elle avec sang-froid.
Félix VABRÈGUE (frère de Marguerite Vidal-Naquet) remercie Charles VIAL, par un courrier daté de novembre 1945, pour son aide qui a permis le sauvetage de ses neveux et nièce. Charles Vial a soustrait à l’occupant les biens de son ami Félix Valabrègue."
Témoignage de François Vidal-Naquet :
" Le 15 mai 1944, nous sommes tous les trois au lycée. Aline et Pierre sortent à 5 heures. Je sors à 4 heures. Je rentre à la maison et je remarque une 11 CV garée de-vant le portail. Le berceau dans lequel devait se trouver Claude est dans le jardin, mais il est vide. Je monte au second étage ; dans le hall d’entrée, Papa est debout face à deux hommes, dont l’un porte un ciré noir. Maman est dans notre chambre, accoudée à la fenêtre en train de pleurer. Mon père me demande de baisser ma culotte pour montrer à ces messieurs que je ne suis pas juif. Papa me dit que maman avait été autorisée à emmener Claude chez nos proches voisins (la famille Baux) et me demande d’aller faire ma valise. Je suis alors assis dans un fauteuil à côté de la radio (où nous écoutions Radio Londres) et je me souviens, avec plus de soixante ans de recul, m’être dit : « C’est quand même con de mourir à douze ans ! » En m’aidant à mettre mes affaires dans une mallette, ma mère me donne une bourse avec quelques pièces qui lui venaient de son frère Pierre, tué au chemin des Dames le 19 mai 1917, et glisse entre deux sanglots : « Ils te surveilleront moins que nous… Tache de t’échapper au moment où on partira. » Les agents de la Gestapo nous emmènent, Maman, Papa et moi, dans l’escalier, non sans avoir fermé à clé l’appartement, dans lequel se trouvaient encore Joséphine, la cuisinière, et M. Bojnev, le professeur de russe de Papa. Brusquement, je passe sous le bras d’un des policiers qui me précèdent. Arrivé en bas, je referme la porte derrière moi et je passe à toute allure derrière la maison, franchis le mur du potager et me précipite vers la rue Paradis en traversant un terrain vague qui la surplombait. Je cours alors chez mon professeur de piano, qui habitait dans un immeuble de la Sogima avenue du Prado, et, à partir de ce moment, j’ai été pris en charge."
("La terrible année 1944", site au nom de Pierre Vidal-Naquet).
N° 900 sur la liste du Convoi 75 du 30 Mai 1944. Lucien Vidal-Naquet avait été interné à Drancy sous le matricule 22 774. Son épouse, Marguerite, porte le n° 901 du même convoi (Graph. JEA / DR).
Véronique Bedin et Martine Fournier :
- "Le père de Pierre Vidal-Naquet, avocat et résistant, peu avant d’être arrêté et envoyé avec sa femme à Auschwitz dont ils ne revinrent pas, lut à son fils ce texte célèbre de Chateaubriand :
« Lorsque, dans le silence de l’abjection, l’on n’entend plus retentir que la chaîne de l’esclave et la voix du délateur ; lorsque tout tremble devant le tyran, et qu’il est aussi dangereux d’encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l’historien paraît, chargé de la vengeance des peuples. »
Pierre Vidal-Naquet, La Bibliothèque idéale des sciences humaines, Editions Sciences humaines, 2009.
Olivier Doubre :
- "Pierre Vidal-Naquet est né à Paris en 1930 dans une famille juive laïque, profondément attachée à la France, qui est pour elle la patrie de Voltaire et de Rousseau. Son père fut d’abord un avocat dreyfusard qui, très tôt, s’engage dans la Résistance. Mais la barbarie d’Auschwitz marque à tout jamais l’adolescent qui, caché juste à temps, échappe de peu à l’arrestation dont sont victimes ses parents le 15 mai 1944.
Ses parents sont déportés et ne reviennent pas.
« La brisure et l’attente » (qui sera le titre du premier tome de ses mémoires, paru en 1995) sont les deux sentiments qui ne quittent pas le jeune homme, devenu étudiant au lycée Henri-IV, pendant toute la première partie de sa vie. N’ayant même pas pu « leur dire au revoir », il survit longtemps dans l’illusion de leur retour et commence dès cette époque à « réfléchir sur la tragédie »..."
Pierre-Vidal Naquet, un briseur de silences, Politis, 31 août 2006.
Pierre Vidal-Naquet évoque l'arrestation de ses parents dans le premier tome de ses Mémoires. Mais toujours dans son long et vif et plus que justifié combat contre les révisionnistes, cet historien fit-il montre d'une éthique exemplaire malgré un vécu personnel particulièrement dramatique.
(Mont. JEA / DR).
Pierre Vidal-Naquet :
- "L’historien, cet homme libre par excellence, ne se partage pas. Même au plus vif d’une polémique, il ne peut que demeurer un historien, c’est-à-dire un traître face à tous ces dogmes — théologiques, idéologiques, voire prétendument scientifiques. (…) L’historien est un praticien de la vérité."
Les Juifs, la mémoire et le présent, Paris, La Découverte, 1991.
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