Si tous les Justes parmi les Nations
- connus mais aussi anonymes -
ont leur Esplanade et leur Stèle
à Saint-Amand-Montrond
la mémoire de 17 d'entre eux
a été particulièrement ravivée...
1. Roger et Pierrette Jurvillier.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "Au début de la seconde guerre mondiale, Roger Jurvillier habitait avec sa mère à Echiat, petit hameau appartenant à la commune de Taxas Senat (Allier). Il y exploitait la ferme familiale. Au moment de l’invasion allemande, deux de ses copains de régiment, Robert Wolf et Ernest Loeb, tous deux juifs et natifs d’Ingwiller, pressés de quitter la zone annexée au Reich, sollicitèrent son aide pour trouver une position de repli en zone libre.
Roger prépara aussitôt leur arrivée dans la région et retint deux logements (l’un à Gannat, l’autre à Neuvial) où il installa dès 1941 ses deux amis, les parents de Robert Wolf et sa grand-mère, Madame Debré. La même année, en présence de la famille Jurvillier, Robert épousait à Bègues (autre commune de l’Allier) sa fiancée Colette Ollinger, venue le rejoindre. En avril 1942 naissait Danièle Wolf, puis en avril 1943 son frère Alain.
En septembre 1943, les parents et la grand-mère de Robert, arrêtés à Gannat, furent déportés. Affolés, Robert et Colette, qui résidaient alors à Neuvial avec leurs deux bébés de 17 et 5 mois, cherchèrent à gagner un refuge plus isolé et plus sûr. Roger et sa mère leur ouvrirent grand leur porte et cachèrent tous les biens de la famille, y compris les meubles et la voiture, sous le foin de la grange.
Ils passèrent ainsi plus d’un an dans la famille Jurvillier qui s’enrichit bientôt d’un nouveau membre : Pierrette. Celle dont Roger avait fait connaissance à un mariage à Montluçon, fut, quelques jours après cette rencontre, dénoncée comme sympathisante de la Résistance par une patronne « collabo » et convoquée à la Gestapo . « Pas de problème lui dirent ses amis, vas-y avec Roger, il sait se débrouiller » Ce qui fut dit fut fait. Il fut vivement recommandé aux deux jeunes gens, reçus par un officier allemand compatissant, de disparaître du paysage. Le soir même, ils débarquaient à Echiat, où ils retrouvaient les Wolf et deux réfractaires au STO cachés à la ferme.
Le courage n’empêche pas l’amour… Ils décidèrent de se marier et le firent au plus vite pour que la jeune Pierrette ne disparaisse pas seulement de sa ville, mais aussi pour qu’en prenant le nom de son époux, elle change d’identité. Les noces eurent lieu à Taxat-Sénat le 29 avril 1944 et toute la maisonnée fit la fête !
Mais Pierrette et Roger ne s’en tinrent pas là : le 14 juillet 1944, les Allemands effectuèrent une descente au Neuvial. Dès leur arrivée, Josette (une petite fille de 7 ans) fut chargée de prévenir de ce danger Ernest Loeb, qui n’avait pas quitté le village. Ernest rejoignit Echiat, arriva dans la nuit à la ferme des Jurvillier, en repartit illico avec Roger qui le conduisit à une cabane plantée au milieu des vignes. Chaque soir, en dépit des fatigues de la journée, son fidèle copain lui apportait nourriture et réconfort, jusqu’à ce qu’avec la Libération, tous recouvrent la liberté.
Pierrette et Roger Jurvillier ont reçu la Médaille des Justes en 1989."
Evelyne Loeb dont le père, Ernest, a été sauvé par le couple de Justes Jurvillier (Ph. JEA/DR).
2. Pierre-Aimé et Juliette Laneurie.
Le dossier Yad Vashem de ces deux Justes qui adoptèrent leur enfant caché, Jean-Yves, a été présenté sur la page 219 de ce blog.
Le témoignage de leur fils est repris sur la page 225 de ce blog.
Pierre-Aimé Laneurie, Jean-Yves dans les bras de sa mère, Juliette Laneurie (Mont. JEA / DR).
3. Etienne et Marie Boissery ainsi que leurs filles Annette et Pierrette.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "Quand en mars 1944 ils recueillirent Anne et Nicole Gugenheim (âgées de 4 et 2 ans), les époux Boissery, Marie et Etienne, avaient déjà une soixantaine d’années. Ils habitaient le hameau de la Gossonière, commune de Saint-Aignan-des-Noyers. Malgré les difficultés de l’époque, ils exploitaient leur fermeavec leurs deux filles Annette (30 ans) et Pierrette (24 ans). Depuis 1940, leur fils aîné Louis, était prisonnier en Allemagne.
Dans une région qui n’était paisible qu’en apparence, Résistance et Milice s’affrontaient et malgré les risques encourus beaucoup d’habitants n’hésitaient pas à cacher et à aider les nombreux juifs qui s’y étaient réfugiés. Ce fut le cas de la famille Boissery qui adopta provisoirement et bénévolement Anne et Nicole. Leur père avait rejoint les FFL tandis que leur mère, cachée dans la région avec de nombreux autres membres de sa famille, échappa de peu, à quelques jours de la libération, au sinistre massacre des puits de Guerry (1). Hélas, plusieurs de ses proches comptèrent au nombre des victimes.
« Il m’est difficile de donner les motifs qui ont poussé mes parents à agir ainsi, tant c’était pour nous une évidence » écrira plus tard Pierrette. « Ces enfants n’avaient rien fait de mal, elles avaient besoin d’aide. Nous étions en total désaccord avec l’idéologie nazie, les Allemands occupaient la France et des Français collaboraient à cette abomination. C’était ce que nous pouvions faire à notre échelle pour ne pas être complice de ces monstruosités. »
Les époux Boissery et leurs deux filles reçurent la Médaille des Justes en 2000."
4. Isidore et Léontine Boyau.
Synthèse du dossier Tad Vashem :
- " En 1939, des écoles de Paris ayant été évacuées à la campagne, il avait été demandé aux habitants d’Yvoy-le-Pré de mettre des lits à la disposition des élèves nouveaux arrivants : c’est ainsi qu’Anna et Eva Zaks firent connaissance de Léontine et d’Isidore Boyau.
Dans le courant de l’hiver, les deux petites filles juives furent rapatriées à Paris
En 1941 leur père fut arrêté. Madame Zaks resta seule avec leurs deux fillettes. Lorsque la plus jeune, Anna, âgée de douze ans, fut opérée de l’appendicite, sa maman demanda à Mr et Mme Boyau de la recevoir le temps de sa convalescence.
L’enfant, accueillie à bras ouverts par ses amis, ne devait jamais plus revoir sa mère et sa sœur victimes de la rafle du Vel d’Hiv. Elle vécut protégée et entourée, pour ne quitter Yvoy-le-Pré que lorsqu’une sœur de sa mère, seule survivante de la famille, la retrouva après la libération.
Léontine et Isidore Boyau ont reçu la Médaille des Justes en 1996."
5. Maurice et Henriette Fagnot.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "En juillet 1942, Henriette Fagnot s’apprêtait à quitter Draveil (Essonne). Elle voulait rejoindre Maurice, son mari, qui, fait prisonnier par les Allemands, s’était évadé. Il se réfugia en zone sud, à Chaumont dans le Cher.
Peu avant son départ, la mère d’Henriette avait recueilli la petite Monique Asher, une enfant juive de cinq ans dont le père avait été déporté en 1941 et dont la mère, Dora Asher, devait sans cesse changer de domicile pour échapper aux poursuites dont elle était l’objet
Pour mettre encore davantage Monique en sécurité, Henriette décida d’emmener l’enfant avec elle en zone libre. Là, entourée de l’affection de ses bienfaiteurs devenus provisoirement ses parents adoptifs, la fillette juive vécut jusqu’à la libération, avant de retrouver sa mère après la fin des hostilités.
Henriette et Maurice Fagnot ont reçu la Médaille des Justes en 1998."
Monique Asher que protégèrent les Justes Maurice et Henriette Fagnot (Ph. JEA / DR).
6. Louise Labussière, soeur Guillaume.
Synthèse du dossier Yad Vashem :- "Louise Labussière, en religion sœur Guillaume, était en 1944, mère supérieure de l’Orphelinat de la Providence de Bourges. Celui-ci dépendait de la Congrégation des sœurs du très Saint Sacrement et de la Charité.
Bien que cette religieuse ait toujours considéré qu’elle n’avait fait que son devoir de chrétienne et ne se soit jamais prévalue de son héroïsme, il semble que plusieurs enfants juifs aient été cachés par sa communauté.
Ce n’est qu’en 2008 que sa courageuse conduite fut connue grâce aux recherches faites pour retrouver ses traces par Madeleine Helman, une fillette juive que la répression nazie avait laissée seule au monde à l’âge de 14 ans. Madeleine fut confiée par l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) à l’orphelinat berruyer. Par mesure de protection, l’identité de Madeleine n’apparut sur les registres de l’établissement que le jour de son départ et sous le nom d’emprunt de Madeleine Huguet. De telles précautions propres à cette époque noire, n’en compliquèrent pas moins l’enquête qui aboutit à la reconnaissance de Louise Labussière comme Justes. Hélas à titre posthume, en 2008."
7. Hermine Lasne.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "En 1940 , Hermine Lasne avait déjà soixante-dix ans. Elle habitait Sury-près-Léré. C’était une femme simple, mère de neuf enfants et veuve depuis 1926. Pour gagner sa vie, elle gardait d’autres enfants encore.
Les Hodora, de modestes ouvriers parisiens, avaient pour habitude de passer leurs vacances dans ce village et c’est là qu’ils se rendirent au moment de l’exode avec leur fille Régine, née en 1936. L’armistice signé, ils retournèrent à Paris pour reprendre leur travail, confiant l’enfant à celle que l’on appelait dans le pays la « Mé Lasne ».
Le père de Régine, né à Constantinople, fut arrêté par les Allemands et déporté à Birkenau en 1942. Sa mère Alice Poliakov, née à Paris en 1908, dénoncée en novembre 1943 comme « juive ne portant pas l’étoile jaune », fut arrêtée et déportée à son tour.
Il n’y avait plus personne pour rendre visite à Régine et plus personne pour verser le montant de sa pension. La vieille dame, malgré la modestie de ses ressources et malgré les risques encourus dans une région où s’affrontaient Miliciens et Résistants, décida de garder l’enfant.
« J’ai toujours considéré la « Mé Lasne » comme ma grand-mère », écrira plus tard Régine. « Elle me choyait comme sa propre fille, sucrant son café avec de la saccharine pour me réserver sa ration de sucre… Grâce à son affection, j’ai vécu cette situation simplement, comme une petite fille chez sa grand-mère, jusqu’au jour où j’ai eu le bonheur de retrouver mon père miraculeusement rescapé des camps de la mort. »
Hermine Lasne a reçu la Médaille des Justes, à titre posthume, en 2005."
8. Suzanne Mercier.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- " Au début de l’occupation, Suzanne Mercier vivait avec sa fille dans une ferme isolée à Argent-sur-Sauldre (Cher), tandis que son mari, prisonnier de guerre, était en Allemagne.
Régine Haber fit sa connaissance lorsqu’elle vint plusieurs fois, avec sa fille Dora, rendre visite à son mari, emprisonné non loin de là, à Cerdon, dans le camp GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de la Matelotte d’où il fut déporté vers les camps de l’est pour ne jamais revenir.
Régine Haber fit sa connaissance lorsqu’elle vint plusieurs fois, avec sa fille Dora, rendre visite à son mari, emprisonné non loin de là, à Cerdon, dans le camp GTE (Groupe de travailleurs étrangers) de la Matelotte d’où il fut déporté vers les camps de l’est pour ne jamais revenir.
En janvier 1944, les Haber, traquées et désemparées, vinrent demander asile à Suzanne Mercier qui leur trouva un refuge dans une ferme abandonnée voisine. Elle cacha également deux autres femmes (dont Fanny Appel) et leurs enfants dans une cabane située dans la forêt. Elle apportait à ses protégées des produits de la ferme qui leur permirent de survivre .
Suzanne Mercier a reçu la Médaille des Justes, en 1989."
9. Germaine Vigne.
Synthèse du dossier Yad Vashem :
- "Sur la place de l’Eglise de Graçay, un matin de l’été 1943, Germaine Vigne ouvre sa fenêtre. Elle voit une femme affolée qui cherche désespérément un refuge alors que les portes de la place restent closes.
Germaine Vigne l’appelle. Cette femme répète son histoire : elle s’appelle Chana Langman. Elle est juive. Raymond, son mari, est interné à Drancy . Elle s’est réfugiée à Graçay avec ses enfants (Dora 9 ans, Raymond 7 ans et Lucien 1 an). Elle a été dénoncée par les parents d’un camarade de Raymond. Elle vient d’échapper aux gendarmes venus pour l’arrêter.
Madame Vigne accueille Madame Langman, l’abrite quelques jours, part à la recherche des enfants, les cache aussi chez elle. Hélas, elle ne parvient finalement pas à éviter l’arrestation de la mère juive.
Chana Langman, en route pour Auschwitz, parvint à sauter du train et retrouvera ses enfants à la Libération.
« C’est au courage de certains que l’on mesure la lâcheté des autres », écrira sa fille Dora, le jour où, en 2002, fut attribuée à Germaine Vigne la Médaille des Justes." (2)
10. Hélène Zemmour.
En janvier 1944, les Haber, traquées et désemparées, vinrent demander asile à Suzanne Mercier qui leur trouva un refuge dans une ferme abandonnée voisine. Elle cacha également deux autres femmes (dont Fanny Appel) et leurs enfants dans une cabane située dans la forêt. Elle apportait à ses protégées des produits de la ferme qui leur permirent de survivre .
La Juste Hélène Zemmour ainsi que Jeannine et Georges Mandelsweig qui lui doivent la vie (Mont. JEA / DR).
Le dossier Yad Vashem au nom de cette Juste ainsi que la relation de sa cérémonie de reconnaissance en 2008, constituent la page 188 de ce blog, sous le titre : "La vraie grandeur d'âme d'Hélène Zemmour".
NOTES :
(1) Dans la nuit du 21au 22 juillet 1944, 70 juifs sont raflés à Saint-Amand-Montrond par la Milice et les Allemands. Le 24 juillet, 24 de ces persécutés, des hommes, sont conduits à la ferme de Guerry près de Bourges. Le 26, trois autres juifs sont emportés vers la même destination. Enfin, le 8 août, 8 femmes y disparaissent à leur tour.
Il fallut attendre la libération et les déclarations du seul évadé de cette tragédie, Charles Krameisen, pour découvrir les corps dans deux puits de cette ferme de Guerry.
(2) Que Monique Kahn, du Comité Français pour Yad Vashem, trouve ici l'expression de nos remerciements pour ses apports en documentation.
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