Première cérémonie de Justes parmi les Nations à Venasque.
Ce 27 février à la Résidence du Quinsan - "Le Rocher" à Venasque (1), s'est déroulée une cérémonie de remises de Médailles et de Diplômes de Justes, cérémonie ouverte par la Directrice de la Résidence, Mlle Françoise Tribeaudot. Succédant à cette dernière, Gaby Bézert, Maire, a prononcé avec émotion ce discours :
- "C’est pour moi, aujourd’hui, un grand honneur de recevoir dans ma Commune
Madame le Consul Général d’Israël et
Monsieur le Président du Comité Français Yad Vashem pour le sud de la France (2)
mais aussi d’assister pour la première fois à la cérémonie officielle de remise de la Médaille et du diplôme des Justes.
Cette haute distinction décernée par l’Etat d’Israël à titre civil est un formidable devoir de mémoire et de gratitude profonde.
Aussi, je tiens à féliciter très chaleureusement Mademoiselle Yvonne Féraud, à saluer la mémoire de ses parents Gabriel et Maria Féraud et ses oncle et tante Alfred et Marie-Louise Aymard qui n’ont pas hésité à sauver les deux enfants juifs au péril de leurs vies.
Je remercie également Madame Denise Bystryn Kandel et son frère Monsieur Jean-Claude Bystryn, les enfants juifs sauvés, qui ont permis par leurs témoignages et leur gratitude de mettre à l’honneur Madame Féraud, personne modeste.
Mademoiselle Féraud, vous êtes une personne très méritante, aussi c’est avec un grand honneur que je vous remets au nom du Conseil Municipal ce bouquet de fleurs. Toutes nos félicitations."
Photo : Gaby Bézert, Maire de Venasque (d'après le Site municipal, DR).
Témoignage de Robert Mizrahi, délégué du Comité Français pour Yad Vashem :
- "La récipiendaire qui a été le " Deus ex Machina" du sauvetage de Denise et Jean Claude Bystryn, c'est avant tout Mademoiselle Yvonne Féraud qui était enseignante, alors agée de 19 ans, à l' Institut Ste Jeanne d'Arc de Cahors.
Elle à fait admettre par la Supérieure Mlle Nonorgues Denise dans l' Institution puis compte tenu du risque encouru par Mlle Nonorgues, Yvonne Féraud a emmené en train chez ses parents - Gabriel et Maria Féraud, près de Toulouse - la jeune Denise agée de 10 ans.
Quant au petit Jean Claude, 5 ans, elle l' a confié à son oncle Alfred et à sa tante Marie Louise Aymard qui habitaient près de Cahors et qui n'avaient pas d'enfant. Ils l'ont gardé comme leur fils jusqu'en septembre 1945 .
Denise et Jean Claude n'ont donc pas été cachés à Vénasque mais à Palaminy dans la Haute-Garonne.
Nous avons remis la Médaille des Justes, Madame Simona Frankel Consule Générale d'Israël et moi même, à Yvonne Féraud pour elle-même, mais aussi la Médaille à Gabriel et à Maria Féraud ainsi qu'à Alfred et Marie Louise Aymard à titre posthume, leur ayant Droit étant évidemment Melle Yvonne Féraud qui vit maintenant dans cette maison de retraite religieuse à Vénasque."
Ce résumé a été publié en Anglais bien avant la cérémonie, il retrace l'itinéraire des deux enfants : Denise et Jean-Claude.
- "Denise Bystryn (depuis épouse Kandel) est la fille d’Iser Bystryn et de Sara Wolsky Bystryn. Elle est née à Paris, le 27 Février, 1933 et son jeune frère, Jean-Claude, est né le 8 Mai 1938.
Né le 12 décembre 1901 à Drohiczyn, le père avait immigré en France au milieu des années 1920 pour étudier à l'Université de Caen. Bien qu'il ait été formé comme rabbin, il lui a fallu étudier les mathématiques et suivre des études d’ingénieur en mécanique. Avant la guerre, il était le chef mécanicien dans une usine de fabrication de camions.
Sara était née à Brest-Litovsk le 18 Décembre 1906. À la fin des années 1920, elle est venue à Paris pour étudier. Elle a ainsi appris l’artisanat des chapeaux et des corsets. Elle et Iser se sont mariés en 1930.
Avant le début de la guerre, la famille a vécu à Colombes, en banlieue parisienne, et Denise a été inscrite en primaire dans une à l'Ecole des Filles. Bien que les parents s’expriment couramment en Français, ils parlaient yiddish entre eux.
Le 10 Mai 1940, l'Allemagne a envahi la France et presque exactement un an plus tard, le 14 Mai 1941, Iser Bystryn a été arrêté lors des premières rafles des Juifs étrangers et enfermé à Beaune-la-Rolande, camp d'internement. Denise, Jean-Claude et leur mère sont restés à Colombes, mais se rendaient au camp une fois par mois pour y revoir Iser. Sara a aussi communiqué avec son mari grâce à du courrier et à des paquets occasionnels. Elle lui a notamment envoyé un plan d'évasion dissimulé dans un gâteau. Sara tenta de convaincre son mari de fuir mais il se montra d'abord réticent…
Puis des policiers français sont venus à l’appartement de Colombes et l'un d'eux a signalé à Sara de partir. Elle a alors compris qu’Iser s’était échappé de Beaune-la-Rolande et elle a pris à son tour la fuite cette nuit-là avec ses enfants."
Photo : Jean-Claude et Denise Bystryn en 1942 (Arch. flickr, DR).
"Finalement, Sara et ses enfants attinrent le département du Lot. Venant de Beaune-la-Rolande, Iser retrouva sa famille à Cahors. Il y développa un ulcère et il fut hospitalisé pendant six semaines. Le médecin qui le soigna, était dans la résistance. Sachant son patient juif, il l’a gardé à l'hôpital plus longtemps que nécessaire afin de le protéger. Il a également pris des dispositions pour que Denise et Jean-Claude soient placés dans un couvent. Mais Jean-Claude, qui avait quatre ans à l'époque, parce qu’il était un garçon, ne pouvait passer la nuit dans ce couvent et était alors placé en famille.
Tous ont survécu à la guerre. Le père s’est caché d’endroits en endroits, jusqu’à se fixer dans une ferme où il fabriqua de faux papiers pour des Juifs persécutés.
La mère connut elle aussi une vie un peu nomade, y compris dans les bois.
Denise est restée au couvent jusqu’en avril 1944 sous son vrai nom de Bystryn (sans que jamais les religieuses ne cherchent à la convertir).
Après ces années tragiques, la famille enfin reconstituée émigra vers les Etats-Unis en 1949. Denise décrocha un Doctorat en médecine de l’Université de Colombia et épousé en 1956 Eric Kandel, futur prix Nobel de médecine en 2000." (3)
NOTES :
(1) Nos remerciements à la Mairie pour son apport précieux à cette page du blog.
(2) Nos lecteurs assidus auront reconnu Robert Mizrahi qui représentait es qualité le Comité Français pour Yad Vashem. Notre gratitude pour sa participation à la rédaction de cette page.
(3) Pour plus de développements, consulter (version Anglaise) flickr en cliquant : ICI . Le témoignage décrit comment fut quitté le couvent en avril 1944 pour Palaminy-sur-Cazères chez les futures Justes parmi les Nations Gabriel et Maria Féraud.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire