lundi 16 février 2009

P. 110. Histoire d'un amour plus fort que la Shoah

Mairie du 11e Arrondissement (Photo : V. Saül. DR).

La guerre n'a pas étouffé l'amour de Fanny Filcman et d'André Patrolin.
Ce dernier vient d'être reconnu Juste parmi les Nations pour avoir sauvé la famille de Fanny... parmi d'autres qui lui doivent aussi la vie.

André Patrolin, le dernier des 6 Justes honorés (par ordre alphabétique) lors de la cérémonie de ce 12 février en la Mairie du 11e Arrondissement et décrite sur les 3 pages précédantes de ce blog, a amplement mérité Médaille et Diplôme de l'Institut Yad Vashem de Jérusalem.

Prenez plutôt connaissance de son histoire d'un rare courage et d'un bel amour :

- "La famille Filcman, originaire, de Varsovie, arrive en France au début des années 20.
Le père, Szlama, est né en 1889 et la mère, Perla Zlata, est née Helman en 1889. Ils eurent une fille Fanny, en 1917.
Les Filcman habitent rue du Chemin Vert, dans le 11ème. Peu à peu, le père réussit à monter une petite usine de chaussures avec un associé.
En 1938, Fanny Filcman rencontre André Patrolin avec un groupe d’amis. Elle avait 21 ans à l’époque et n’imaginait pas quel rôle il allait assumer dans sa vie et dans celle de sa famille.


En 1939, c’est la guerre puis l’exode de l’été 1940. La famille se réfugie dans les Landes, et revient en octobre pour découvrir l’horreur de Paris défiguré par les croix gammées.
En août 1941, c’est la rafle du 11ème. Il s’agit d’arrêter des hommes juifs. A 6 h du matin, la police française vient chercher Szlama Filcman et l’interne à Drancy. Un ami prévient André Patrolin qui était dans la Résistance et avait connu Szlama précédemment. André se démène pour faire sortir Monsieur Filcman de Drancy.
Finalement, celui-ci est relâché, avec quelques autres prisonniers malades, en novembre 1941.
Il avait perdu 30 kg en 3 mois.


André Patrolin prend alors totalement en charge la sécurité de Szlama Filcman.
Il juge que Paris est devenu trop dangereux et qu’il faut le faire passer en zone sud.
Il organise son départ avec Raymond Ragache, résistant qui assure les passages de la ligne de démarcation, lui procure de faux-papiers, et prévoit sa fuite vers la Suisse en cas de danger.
Szlama atteindra Chambéry dans un premier temps, puis se réfugiera dans la montagne.
Avant de partir, il a remis, avec une totale confiance, la gestion de son usine de chaussures à André Patrolin, ce qui lui permettra de la retrouver intacte à son retour. De plus, André fait également passer la ligne de démarcation à l’associé qui le lui a demandé.

Inlassablement, André Patrolin se dévoue pour la famille Filcman. Il refuse que Perla et sa fille Fanny portent l’étoile jaune, et leur fait quitter le logement de la rue du Chemin-Vert, pour les installer dans une propriété à Villennes S/Seine (dans les Yvelines). Cette initiative leur sauvera la vie, car entre-temps, les Allemands sont venus à leur domicile officiel et y ont posé des scellés.

En face des Filcman, vivait la famille Meyer.
Le père est arrêté et interné lors de la rafle du 11ème. La mère et ses deux enfants sont en grand danger. Que fait alors André Patrolin ? Il leur donne de l’argent et leur conseille un passage à Langon (Loir et Cher), leur indiquant un passeur digne de confiance pour les aider.
Le nombre de personnes sauvées par André Patrolin est finalement très impressionnant : prisonniers évadés, familles juives, résistants. Si bien que ce personnage hors du commun finit par être dénoncé. La Gestapo vient le chercher à l’usine, où heureusement, il ne se trouvait pas.
A partir de ce moment, il faut prendre d’autres dispositions. Fanny et sa mère sont cachées dans une pension de famille.

André est obligé de retourner dans le Sud. Là, il rend visite au père de Fanny et en profite pour lui demander la main de sa fille.
Szlama Filcman qui a toujours souhaité un fils tel qu’André Patrolin, ne peut qu’être heureux de ce projet. C’est un rayon de soleil dans la nuit de l’occupation.
Intrépide, André poursuit son action de sauveur et de résistant. En avril 1943, il fait déménager Fanny et sa mère dans le Cher, où elles resteront jusqu’à la Libération.
Averti que les SS, coupables du massacre d’Oradour S/Glane, se dirigeaient vers son village, il parvient, avec l’aide du Curé à lui éviter un sort funeste.

Un train allemand bourré d’armes se dirige du Cher vers Belfort, André et d’autres résistants trouvent le moyen de saboter ce convoi qui sera entièrement détruit.
La liste de ses exploits est encore longue et ne peut que susciter notre admiration pour cet homme extraordinaire.

Paris est libéré le 25 août 1944, mais dans le Cher, la fin de la guerre survient le 16 septembre. Fanny et sa mère retournent à Paris, et retrouvent Szlama Filcman. L’appartement est vide, mais durant les années sombres, André a veillé sur leurs affaires qu’ils ont retrouvé intactes.
Le reste de la famille Filcman a été décimé et il n’y a plus personne du côté de la mère de Fanny. Du côté du père, juste un neveu avec sa femme et son fils.
Il est certain que sans l’humanité et l’abnégation d’André Patrolin, les Filcman risquaient de subir le même sort.
Cette histoire connaîtra un heureux dénouement, car Fanny et André se marieront en 1946."


André Patrolin, grand résistant et Juste parmi les Nations (Arch. fam. DR).
La cérémonie du 12 février a été décrite sur les pages à 107 à 109 de ce blog. Ellre avait été organisée par deux Déléguées du Comité français pour Yad Vashem : Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül. Que cette dernière trouve ici l'expression de notre reconnaissance pour tous les documents confiés au blog.

1 commentaire:

Sylvie THIMOLEON-GUILLOT a dit…

Bonjour,

Je souhaiterais vous faire partager la suite de cette belle histoire.

Hier Fanny, 93 ans, a rejoint André pour toujours.

Elle était sereine et prête depuis qu'elle avait atteint son but en Février 2009 : la remise de la médaille des justes à son mari André Patrolin pour toutes les personnes qu'il avait sauvées dont elle-même et ses parents.
Mardi, elle tenait encore cette médaille que je lui avais apportée au centre de rééducation. Nous avons bu un thé, avons ri et pensé à sa sortie prochaine.
Quelques heures plus tard, elle succombait à la suite d'une chute.

Nous lui rendrons un dernier hommage lundi 13 Septembre 2010 à 11h15, Porte du Cimetière du Bagneux Parisien, 45, av. Marx Dormoy à Bagneux (92).

Elle reposera près de ses parents comme elle l'a toujours souhaité.

Cette belle histoire continuera encore longtemps ...

Tendres pensées de
Sylvie THIMOLEON-GUILLOT,
Christophe, Sarah GUILLOT et Christophe MATHON (petites-nièces et petits-neveux de Fanny et d'André PATROLIN)