jeudi 31 décembre 2009
P. 197. Voeux
.
(Ph. JEA / DR).
A toutes celles et à tous ceux qui honorent de leur lecture
ce blog
du Comité Français pour Yad Vashem
(complément de son site internet)
que l'an 2010
soit porteur de lumières
apaisantes, chaleureuses, encourageantes...
et que ces voeux soient complétés par cette citation
de Boris Cyrulnik :
- "Bien sûr, il faut parler de la Shoah, mais pas n'importe comment. Il faut donner la parole à Anne Frank, à Primo Levi, aux historiens, aux philosophes, aux témoins, à ceux que le malheur a embarqués dans la rage de comprendre. Notre dignité, c'est de faire quelque chose de la blessure passée, ne pas nous y soumettre et surtout ne pas entraîner d'autres enfants dans la souffrance."
lundi 28 décembre 2009
P. 196. Pie XII.
Sans commentaire (DR).
A propos de l'attitude de l'Eglise catholique
et de Pie XII en particulier
face au judéocide,
Yad Vashem interroge :
quand les historiens pourront-ils
étudier les archives du Vatican ?
Commentaire officiel de Yad Vashem :
- "Yad Vashem comment on the Vatican's decision regarding Pius XII :
While the Church's beatification process is an internal Church matter, our understanding was that in this case, the Church was going to wait to take further steps until the relevant Vatican Archives are opened, allowing scholars to clarify this controversial period in Church history and Pius' position during the Holocaust. It is regrettable that the Vatican has chosen to act before all the relevant documents areavailable to researchers."
(Jerusalem, December 20, 2009, cliquer : ICI).
- "Commentaire de Yad Vashem sur la décision du Vatican concernant Pie XII :
Alors que le processus de béatification de l’Eglise est une affaire interne, il nous avait semblé comprendre que dans ce cas, l’Eglise attendrait avant d’aller de l’avant que les archives appropriées du Vatican soient ouvertes, ce qui permettrait aux universitaires de clarifier cette période
controversée de l’histoire de l’Eglise et de la position de Pie XII pendant l’Holocauste. Il est regrettable que le Vatican ait choisi d’agir avant que les documents appropriés ne soient disponibles pour les chercheurs."
(Trad. Jean-Pierre Gauzi).
Président du Comité Français pour Yad Vashem, Paul Schaffer, ajoute qu'il s'interroge sur ce que le Pape actuel, Benoît XVI, a gardé de son éducation au sein de la Hitlerjungend ?
Les hasards et les nécessités de l'histoire rapprochent en première page Pétain devenant ambassadeur de France à Burgos et Eugenio Pacelli, le nouveau Pape en mars 1939 (DR).
Pour information, voici une compilation d'autres réactions :
Gilles Bernheim, grand rabbin de France :
- "Compte tenu du silence de Pie XII pendant et après la Shoah, je ne veux pas croire que les Catholiques voient en Pie XII un exemple de moralité pour l'humanité. J'espère que l'Eglise renoncera à ce projet de béatification et qu'elle fera ainsi honneur à son message et à ses valeurs."
CRIF :
- "Le CRIF a appris avec stupéfaction la nouvelle étape dans le processus de béatification du Pape Pie XII. Il ne comprend pas qu’elle survienne avant l’ouverture des archives de son pontificat, comme cela avait été envisagé.
De ce que l’on sait, la frilosité de Pie XII pendant que le peuple juif était exterminé, son silence après les événements, sont en dramatique contraste avec le terme de « vertus héroïques » qui lui est attribué et par lequel son comportement est donné en exemple aux fidèles.
Le CRIF, qui s’incline devant les nombreux chrétiens qui se sont dressés avec courage contre la barbarie nazie, continuera son implication déterminée dans le dialogue fraternel qui se poursuivra entre juifs et catholiques."
(21 décembre).
Alain Duhamel :
- "Si Benoît XVI va jusqu’au bout de sa démarche, c’est à dire commencer à béatifier Pie XII, je lui suggère de ne pas oublier Papon, parce que c’est la même logique."
(France 2, 13h30 le dimanche).
Jacques Duquesne :
- "Informé de la Shoah, c'est en toute conscience qu'il {Pie XII} décida «de ne rien faire ni dire qui puisse mettre en péril la vie de millions de catholiques, en particulier allemands». Bref, ce pasteur songea d'abord à son troupeau.
«Qui veut sauver sa vie la perdra», lit-on dans l'Evangile. Oui, mais celle des autres? «Le martyre ne se décrète pas de Rome», confia alors Pie XII. Le Vatican intervint donc ici ou là, aida ici ou là, mais ne cria pas. Et ce silence fera longtemps, tragiquement, écho."
(L’Express, 23 octobre 2003).
Jacques Guyon :
- "N'est-il pas troublant qu'à Auschwitz Benoît XVI ait réduit les nazis à "un groupe de criminels" ou encore qu'il ait fallu une campagne de presse virulente pour qu'il finisse par entendre que l'évêque sécessionniste Richard Williamson qu'il souhaitait réintégrer au sein de l'Eglise tenait pourtant régulièrement et publiquement des propos négationnistes? Comment Benoît XVI a-t-il pu croire qu'en faisant un lot de futurs béatifiés encadrant le très contesté Pie XII par le très populaire Jean Paul II ou le très courageux père polonais Popieluszko assassiné par le pouvoir communiste, il allait en quelque sorte faire avaler la pilule? On nous redit aujourd'hui -ce qui aurait d'ailleurs justifié que le tribunal de la Congrégation de 2007 reconnaisse ses "vertus héroïques"- que loin de l'image du pape indifférent au chaos de la guerre et au sort des juifs, Pie XII aurait permis de sauver de très nombreux d'entre eux. Si tel est le cas, pourquoi donc le Vatican continue-t-il obstinément à refuser d'ouvrir ses archives comme le demande notamment Israël ?"
(La Charente Libre, 22 décembre).
Le Monde :
- "Benoît XVI prend donc le risque de rouvrir la polémique sur l'attitude du Vatican face au nazisme et à la Shoah. En effet, Eugenio Pacelli, le futur Pie XII, avait été nonce durant douze ans en Allemagne et nommé secrétaire d'Etat en 1933 au moment même de l'accession de Hitler au pouvoir. Mais l'essentiel est évidemment le silence constant de Pie XII sur la politique d'extermination du peuple juif par Hitler.
Si on excepte son message de Noël 1942, où il évoqua "ces centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, parfois seulement en raison de leur nationalité ou de leur race, sont vouées à la mort ou à l'extinction progressive", Pie XII s'est tu tout au long de la guerre. Pour ses défenseurs, qui rappellent que le Vatican a hébergé 477 juifs italiens, Pie XII voulait éviter par ses propos de multiplier le nombre de victimes de la folie nazie.
Mais il y a des silences qui sont aussi lourds que des actes. Dès son élection, en 1939, Pie XII a abandonné le projet d'encyclique de Pie XI contre le racisme et l'antisémitisme. S'il a critiqué "l'idéologie de la race", le diplomate a pris le pas sur le prélat et a ménagé l'Etat nazi. Pis encore, son silence sur la Shoah, dont il avait été informé dès 1942, s'est prolongé après la guerre. Il n'a jamais eu un mot de condamnation sur l'extermination du peuple juif, présenté alors - et ce jusqu'à ce que Jean XXIII puis le concile Vatican II, en 1962, suppriment cette infamie - comme le "peuple déicide", responsable de la crucifixion du Christ."
(Editorial, 23 décembre).
Marvin Hier, directeur du Centre Wiesenthal :
- "Pie XII s'est réfugié dans le silence alors que des crimes étaient commis contre les juifs. En 1941 quand les massacres ont commencé, on aurait pu s'attendre à ce qu'il intervienne dans un grand nombre de dossiers, mais ce n'est pas le cas.
C'était des temps difficiles. Il y avait ceux qui se dressaient contre les tyrans (...) et Pie (XII) ne l'a pas fait."
Serge Klarsfeld :
- "On lui reproche de ne pas avoir fait un éclat. […] Il n'est pas le pape des juifs, qu'il soit considéré par l'Eglise comme un saint… Saint-Louis tuait des juifs à tour de bras, ça ne l'a pas empêché d'être un saint."
(France Info)
Gérard Noël :
- "Nombreux sont ceux qui, depuis la Libération, jugent que l'effacement du pape Pacelli est une faute gravissime, un manquement à ses devoirs les plus élémentaires. D'autres tentent de l'exonérer au prétexte qu'il aurait oeuvré dans l'ombre pour protéger des réfugiés juifs, ce qui reste à prouver. Tout ceci ne serait qu'un point controversé de l'Histoire mondiale si Benoît XVI ne venait de réveiller la polémique en relançant le processus de la béatification de Pie XII de manière pour le moins inopportune."
(Vosges Matin, 21 décembre).
Yigal Palmor, porte-parole des Affaire étrangères (Israël) :
- "Le processus de béatification ne nous regarde pas, c'est une question qui ne concerne que l'Eglise catholique. Quant au rôle de Pie XII, c'est aux historiens de l'évaluer et c'est pourquoi nous demandons l'ouverture des archives du Vatican durant la guerre mondiale."
Richard Prasquier :
- "J’avais cru comprendre l’an dernier, au moment où Benoît XVI s’était abstenu de signer le décret, qu’il reportait implicitement cette signature à l’ouverture des archives.
Avec d’autres représentants des institutions juives internationales, nous avions alors tous réclamé la même chose, à savoir l’ouverture des archives pour la période du pontificat de Pie XII. Nous avions cru être compris. Il faut que des historiens puissent intervenir et analyser ces archives. Tant que cela ne sera pas fait, toute décision sera prématurée.
Si je devais qualifier d’un mot l’attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, ce n’est certainement pas le mot « héroïque » qui me viendrait à l’esprit. Pie XII n’a pas été ce qu’il aurait dû être, c’est-à-dire une grande voix, un prophète."
(La Croix, 19 décembre 2009).
Inutile d'insister sur les caractéristiques des silhouettes fuyant ces écrasants garçons des jeunesses hitlériennes... (DR).
Jean Steinauer :
- "Germanophile, Pie XII l’était pour des raisons multiples. Les plus souvent relevées tiennent à son parcours de diplomate pontifical, chargé de missions dans l’empire autrichien avant 1918, nonce à Munich puis à Berlin sous la République de Weimar, et signataire comme cardinal secrétaire d’Etat d’un concordat avec le Reich de Hitler en 1933. Eugenio Pacelli se sentait chez lui dans le bain culturel germanique. Entre 1919 et son couronnement en 1939, il choisit pour lieu de vacances privilégié une maison religieuse de Rohrschach (SG). Chenaux signale en outre quelques profondes affinités de son caractère avec celui qu’on prête aux Allemands: goût de l’ordre, sens de la discipline, esprit positif tourné vers l’efficacité.Résultant de tous ces facteurs et les renforçant encore, un entourage allemand sert au pape de garde rapprochée. On y trouve Sœur Pascalina Lehnert, sa gouvernante, et le jésuite Robert Leiber, son secrétaire particulier, mais aussi des religieux comme Ludwig Kaas, ancien maître à penser du parti catholique en Allemagne (le Zentrum) ou le futur cardinal Augustin Bea, et plusieurs théologiens enseignant à l’université grégorienne. Cependant, l’affection pour l’Allemagne et ses nationaux ne signifie pas la complaisance à l’égard du nazisme, chez Pie XII pas plus que chez quiconque.Quant aux autres griefs soulevés… Un antijudaïsme d’époque a marqué la formation du jeune clerc Pacelli, et il affleurera chez le cardinal puis le pape, c’est indéniable."
(Magazine, 8 novembre 2003).
vendredi 18 décembre 2009
P. 195. Vol abominable à Auschwitz
Communiqué de Yad Vashem Jerusalem, sous la signature du Président Avner Shalev :
- "Je suis certain que le gouvernement polonais fera tout ce qui est possible pour retrouver ces criminels et les faire juger. (1)
J'appelle le monde éclairé à travailler dans l’unité contre l’antisémitisme et le racisme sous toutes ses formes."
(Agences de presse, 18 décembre 2009).
Tableau de Wladyslaw Siwek (Musée d'Auschwitz-Birkenau / DR).
Paul Schaffer :
- "Le fascisme, avec son mélange de propagande, l’enseignement du mépris et de la haine, l’éducation raciste, a pourri, annihilé le sens moral et la conscience humaine de toute une génération, laissant aux générations à venir un très lourd héritage.
Au lieu de la sarcastique inscription, au-dessus du portail du camp :
« Arbeit macht frei », (Le travail rend libre)
véritable insulte à la décence, aurait dû figurer comme dans l’Enfer de Dante :
« Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance » !" (2)
(Graph. JEA / DR).
Joseph Bialot :
- "Auschwitz, c'est une chose impossible mais qui a eu lieu : Une invraisemblable vérité".
Primo Levi :
- "Nous ne reviendrons pas. Personne ne sortira d'ici, qui pourrait porter au monde, avec le signe imprimé dans sa chair, la sinistre nouvelle de ce que l'homme, à Auschwitz, a pu faire d'un autre homme."
Simone Veil :
- "De la place que la libération d'Auschwitz occupera dans la conscience historique européenne, dépend largement ce que sera l'Europe future."
Elie Wiesel :
- "A Auschwitz, dans les cendres, s'éteignirent les promesses de l'homme."
Notes :
(1) "La police polonaise a annoncé dans la nuit de dimanche à lundi avoir retrouvé l'inscription en allemand "Arbeit macht frei", (Le travail rend libre), volée vendredi sur le site de l'ancien camp nazi d'Auschwitz-Birkenau (sud de la Pologne), et avoir arrêté ses voleurs présumés.
"Nous avons interpellé dans le nord de la Pologne cinq hommes, âgés de 20 à 39 ans. L'inscription retrouvée a été coupée en trois morceaux", a déclaré à l'AFP le porte-parole de la police de Cracovie (sud), Dariusz Nowak.
"Ils ont été interpellés peu avant minuit et le panneau retrouvé dans une maison particulière", a-t-il ajouté en se refusant à d'autres précisions."
(AFP).
(2) Mat. 160 610. Président du Comité Français pour Yad Vashem.
Paul Schaffer, Le soleil voilé, Auschwitz 1942-1945, Préface de Simone Veil, Société des Ecrivains, 231 p., p. 93.
mercredi 16 décembre 2009
P. 194. Des policiers et des gendarmes Justes parmi les Nations
(Dossier de Presse).
Exposition :
"Désobéir pour sauver"
54 policiers et
gendarmes français
Justes parmi les Nations
Au premier septembre de cette année, 54 Justes parmi les Nations ont été reconnus parmi les policiers et les gendarmes français pour avoir, dans l'exercice de leur fonction, arraché à la Shoah des juifs persécutés. Ce chiffre de 54 n'arrête pas le nombre exact ni définitif des membres des forces de l'ordre ayant tout risqué pour ne pas se plier aux ordres de Vichy ni à ceux de l'occupant. En effet d'aucuns ont agi dans l'anonymat. Pour d'autres, la disparition des témoins et l'absence de documents empêchent toute décision par l'Institut Yad Vashem. Enfin, nombre de dossiers sont encore en cours...
Dans les murs prestigieux de l'Hôtel national des Invalides, une exposition consacrée à ceux qui ont osé "désobéir pour sauver", attend votre visite.
Présentation :
- "Dans la France occupée par l'Allemagne nazie ces hommes ont renoncé à l'obéissance que leur imposait leur fonction. Malgré les risques auxquels ils s'exposaient, mus par la seule voix de leur conscience et de leur humanité, ils ont refusé de "livrer" des Juifs à la Déportation, contrant les ordres donnés par les responsables du régime de Vichy.
Cette exposition, au sujet inédit, souhaite rendre hommage à ces 54 policiers et gendarmes "Justes" et à leurs nombreux collègues restés à ce jour anonymes, en mettant en lumière les valeurs humaines et citoyennes qui les ont animés. Elle présente l'histoire d'hommes et de femmes dont les chemins, à tout jamais liés, se sont croisés aux heures les plus sombres de notre Histoire.
La responsabilité de l'Etat français et le rôle des forces de l'ordre dans la répression antisémite puis la Déportation des Juifs de France y sont bien entendu rappelés. Toutefois cette évocation ne prétend, en aucun cas, dresser un panorama exhaustif de la France occupée, de la seconde guerre mondiale ni de la Shoah."
Théophile Larue, Juste parmi les Nations. Lire P. 42 de ce blog (Ph. Arch. fam.).
Cette exposition est répartie sur 19 panneaux dont voici les thèmes :
1. Editorial de Mme Simone Veil, marraine de l'exposition.
2. Avant-propos et présentation des partenaires dont le Comité Français pour Yad Vashem.
3. La reconnaissance des Justes (Yad Vashem et le Titre de Juste parmi les Nations).
4. Policiers, gendarmes et Juifs aux heures sombres de Vichy : 1940-1941.
5. Idem : 1942-1944.
6. Le choix de la désobéissance des Justes policiers et gendarmes à l'application des lois de Vichy.
7. Falsifier (identités, documents...).
8. Prévenir (rafles...).
9. Accueillir les persécutés.
10. Sauver des camps.
11. Franchir la ligne.
12. Le prix de la désobéissance.
13. Les amitiés entre sauvés et Justes.
14. Justes pour l'éternité.
15 - 16 - 17 et 18. Biographies des 54 poilciers et gendarmes Justes parmi les Nations.
19. Témoignage de Boris Cyrulnik et appel à témoignage pour compléter la liste des Justes.
Réalisée par le Département de la mémoire combattante de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), cette exposition a bénéficié d'un partenariat avec la Gendarmerie nationale, avec la Direcion de la mémoire, du patrimoine et des archives du ministère de la défense, avec la Police nationale, avec la Préfecture de police, avec l'Institut Yad Vashem de Jérusalem, avec le Comité Français pour Yad Vashem et avec l'Association des anciens combattants de la police nationale.
Simone Veil :
- "En France, 76.000 Juifs dont 11.400 enfants ont été ainsi déportés du seul fait d'être nés juifs (...). J'ai fait partie, avec ma famille, de ce terrible cortège. Pas un jour ne passe sans que je ne pense à ce qui s'est passé là-bas. Dans des conditions atroces, on nous enleva tout espoir et toute dignité. Nous avions la mort pour seul horizon (...).
La majorité des Français ne pouvaient s'imaginer le terrible sort qui nous était réservé, la plupart des policiers et des gendarmes non plus. Ils savaient cependant à travers les ordres qui leur étaient donnés que rien de bon ne nous attendait. En effet, policiers et gendarmes étaient chargés de faire respecter les lois racistes (...). Comme ailleurs, il se trouva parmi les agents de la force publique, comme parmi les employés des administrations, des personnes exécutant avec zèle les directives infâmes. Mais il y eut aussi des gens de bien qui souvent fermaient les yeux devant une évasion ou aidaient activement les Juifs malgré les risques encourus.
Au moment où la barbarie la plus absolue régnait dans les camps, ces Justes ont non seulement sauvé des vies humaines, mais ils ont aussi incarné l'honneur de l'humanité qui, grâce à eux, n'a pas totalement sombré à Auschwitz. En ayant eu le courage de suivre leur conscience plutôt que les ordres de leur hiérarchie, ils nous rappellent que l'Histoire est consituée d'une longue chaîne de responsabilités, individuelles et collectives, et que chacun de nous en est un maillon précieux qui fait que l'Histoire chavire ou au contraire avance.
Les Justes policiers et gendarmes l'ont fait avancer, ils ont été en cela des lumières dans la nuit de la Shoah."
Boris Cyrulnik :
- "A l'âge de six ans et demi, j'ai été arrêté à Bordeaux, la nuit, chez la famille Farges qui me cachait. J'ai le souvenir de quatre ou cinq policiers, autour de mon lit, lunettes noires (la nuit), arme au poing et torche électrique. Dans le couloir des soldats allemands, fusil à l'épaule regardaient le plafond. Mon souvenir est ainsi.
Madame Farges a dit : "On ne lui dira pas qu'il est juif". Un policier a répondu : "Il faut l"arrêter parce que plus tard, il commettra des crimes et deviendra un ennemi d'Hitler".
C'est ainsi qu'à l'âge de six ans j'ai appris que j'étais condamné à mort pour un crime que j'allais commettre.
Après mon évasion, au moment du transfert vers les trains qui emportaient les adultes et d'autres enfants à Drancy, relais vers Auschwitz, toute une chaîne de solidarité m'a protégé jusqu'à la Libération.
Récemment, j'ai découvert qu'une des premières personnes à participer à cette chaîne était un gardien de la paix (...). Il a gardé chez lui, un enfant qu'il ne connaissait pas et dont la simple présence compromettait sa carrière et peut-être même sa vie (...). D'autres policiers ont sauté sur leur vélo ou couru pour prévenir de l'heure de la rafle. Puis ils rentraient mettre leur uniforme et obéir : "Ca alors, l'appartement était vide !"
Parfois, c'est l'humanité d'un gardien qui s'exprimait plus fort que sa contrainte à obéir (...).
Par bonheur, il y aura toujours des Justes pour prouver la banalité du Bien."
lundi 14 décembre 2009
P. 193. Deux Justes à Toucy
Ancienne carte postale de Toucy (DR).
Les destins croisés de
Pierre André et de
Michel Martiré
avec les Spiegel...
Le 22 novembre, une cérémonie de reconnaissance a marqué la vie municipale à Toucy. Les deux nouveaux Justes honorés ce jour-là, furent des figures locales : l'un secrétaire de la Mairie, l'autre brigadier de gendarmerie...
Synthèse du dossier de Yad Vashem :
- "Né en 1885 à Pinsk, Aria Resnick épouse à Varsovie, Anna Bella. Celle-ci, étai née Kleidman, le 24 mai 1885 à Ruda-Opalnie .
Le couple quitte la Pologne pour rejoindre à Paris un oncle d’Anna. Aria gagne sa vie comme maroquinier.
En 1910, Edmond Bechmann, un industriel, propose à Aria un emploi dans une usine de velours à Blâmont (Meurthe-et-Moselle).
En 1914, Aria Resnick s’engage comme volontaire dans l’armée française. Il sera Grand Invalide de Guerre (amputé d’une jambe) et nommé Officier de la Légion d’Honneur.
Avant le premier conflit mondial, le couple a déjà une fille, Marguerite, née en 1908. Yvette viendra agrandir encore cette famille en 1922.
Les Resnick sont naturalisés français en 1922.
En 1936, Marguerite épouse Samuel Spiegel, né en 1905 à Vaslin, en Roumanie. Leur fils, Jean-Maurice, naît le 29 août 1939.
Yvette Resnick est Normalienne avec l’ambition d’intégrer Normale Supérieure.Eclate la Deuxième guerre mondiale.
En juin 1942, après une grande rafle à Nancy où il réside, Samuel Spiegel décide de fuir avec sa famille en zone sud. Mais les grands-parents Resnick refusent de partir, ils ont confiance en Pétain. Par contre, Yvette va accompagner Samuel et Marguerite vers la zone dite « libre ».
Munis de fausses cartes portant le nom de Lecoutre, les quatre fugitifs passent en zone sud et vont rejoindre des membres de leur famille à Palluau, dans l’Indre.
En avril 1943, ils apprennent par un gendarme compatissant qu’une enquête les concernant a été envoyée à Nancy. Les persécutés n’ont que 48 heures devant eux avant d’être arrêtés…
Ernest Petit, un ami de son beau-frère Samuel Spiegel, aiguille Yvette vers Pierre André. Ce brigadier de gendarmerie est en poste à Toucy (Yonne) en zone occupée.
Le 1er mai 1943, Pierre André la reçoit chaleureusement à Toucy et se charge de préparer un hébergement, pendant qu’Yvette va rechercher les siens, restés à Palluau.
Pierre André leur trouve un logement sommaire à l'écart de la ville, au lieu dit "Les Guerriers". Il les introduits auprès du secrétaire de mairie, Michel Martiré, père de six enfants, ce qui ne l’a nullement empêché de s’engager dans la résistance. Le secrétaire donne une carte de travail à Samuel, au nom de Simon Noël Lecoutre, et des cartes et des tickets d'alimentation pour toute la famille.
Pierre André et Michel Martiré veillent désormais ensemble sur Yvette Resnick et sur sa famille. Un exemple ? Apprenant que la milice recherche Samuel Spiegel, Michel Martiré effectue plusieurs faux changements de domicile pour brouiller les pistes et Pierre André envoie un gendarme avec un message codé pour les prévenir.
Hélas, les nouvelles sont graves du côté des grands-parents. Le 13 août 1943, Anna Bella est arrêtée à Blamont. Elle sera déportée sans retour de Drancy vers Auschwitz par le convoi n° 61 du 28 octobre 1943.
Plus chanceux, Aria Resnick échappe aux poursuites et vient se réfugier à Toucy.
Mais son arrivée soudaine provoque la méfiance de voisins. Orientés par Michel Martiré, tous changent d’abri pour une autre ferme isolée, "Le Petit Etang Neuf".
Ils ne tomberont pas aux mains des nazis et de leurs collaborateurs grâce à ces deux héros que furent Pierre André et Michel Martiré…"
Pierre André, Juste parmi les Nations (Ph. Arch. fam./BCFYV/DR).
lundi 7 décembre 2009
P. 192. Cérémonie à Brassac-les-Mines
Bannière du Site de Brassac-les-Mines (DR).
Georges Tempel
est revenu du Chili
pour la Juste
Maria Thomas-Holop
Hélas, tant de Justes parmi les Nations ne sont reconnus qu'à titre posthume. Aussi, quand une cérémonie permet-elle de leur remettre en mains propres leur Diplôme et leur Médaille, est-ce un événement exceptionnel.
Ce fut le cas ce 3 décembre à Brassac-les-Mines.
Garçonnet que la Shoah allait le rendre orphelin de ses deux parents, Georges Tempel y fut mis hors de danger par Maria Holop. Lui a tenu à accomplir un voyage depuis le Chili pour venir lui redire toute sa reconnaissance lors d'une cérémonie qui eut pour cadre la Mairie.
Annie Karo était la déléguée du Comité Français pour Yad Vashem.
Synthèse du dossier de Yad Vashem :
- "En 1930, Salomon et Catherine Tempel quittèrent Budapest pour la France. Ils trouvèrent à se loger dans le 5e arrondissement de Paris. Le 12 juillet 1938, le couple a le bonheur de voir naître un fils, Georges. Le père est alors comptable.
La guerre vient tout bouleverser.
Lorsque la situation des Juifs devient de plus en plus périlleuse à Paris, les Tempel partent résolument pour Brassac-les-Mines... Là où d’ailleurs, d’autres juifs hongrois ont trouvé aussi refuge.
Salomon trouve une place de comptable à la mine de charbon de cette localité de l’Allier.
Les Tempel se lient d’amitié avec Maria Holop, d’origine hongroise. Elle est orpheline de père. Ethel, sa mère, est malade. Son frère a pris le maquis. Et sa jeune sœur suit les cours du lycée de Clermont-Ferrand.
En 1942, le sud de la France est lui aussi occupé par les Allemands. Les Tempel, conscients de l’aggravation pour les juifs, s’inquiètent pour leur fils unique. En juillet 1943, n’y tenant plus, ils demandent à Maria Holop ainsi qu’à sa mère, de recueillir Georges à Auzat-sur-Allier (à 7 km de Brassac)."
Maria Holop, Juste parmi les Nations.
- "Le pressentiment des Tempel va s’avérer hélas justifié.
Salomon Tempel doit fuir assez rapidement après avoir été caché 48 h par les Holop. Il sera malheureusement arrêté à Toulouse en novembre 1943 et déporté à Auschwitz le 7 décembre 1943. Catherine Tempel est arrêtée par la gendarmerie de Brassac le 9 novembre 1943, en présence de son fils. Mais, celui-ci, dûment chapitré par sa mère, déclare aux policiers qu’il n’est pas son fils. Il va se réfugier chez une voisine qui l’emmènera ensuite chez Maria.
Il y restera jusqu'à la Libération.
Catherine Tempel sera déportée à Auschwitz par le même convoi que son mari.
Georges partira vivre à Santiago du Chili en 1984."
jeudi 3 décembre 2009
P. 191. Cérémonie à Serbonnes dans l'Yonne
Mairie de Serbonnes (DR).
Comment Emmanuel et Eugénie Peteuil
sauvèrent
Eliane et Claude Grodner
Le 22 novembre 2009, la Médaille et le Diplôme de Justes parmi les Nations ont été remis à Bernard Peteuil en hommage à ses parents qui, sous l'occupation, n'hésitèrent pas à prendre les plus grands risques pour que les petits Grodner ne soient pas emportés par la Shoah.
Cette cérémonie s'est tenue dans la localité où ces Justes tinrent à l'abri les deux enfants : Serbonnes (Yonne).
Nicole Caminade et Régine Sigal étaient déléguées à cette cérémonie par le Comité Français pour Yad Vashem.
Synthèse du dossier de Yad Vashem :
- "A la déclaration de la guerre, en 1939, M. et Mme Grodner décident d'envoyer leurs deux enfants à la campagne, plus précisément à Serbonnes, dans l'Yonne. C’est ainsi qu’Emmanuel et qu’Eugénie Peteuil vont accueillir :
- Eliane, 7 ans
- et Claude, 10 ans.
Pour comprendre la confiance des parents Grodner envers les Peteuil, il faut savoir qu’ils avaient un ami commun, M. Hartman, ayant une résidence secondaire à Serbonnes.
Les enfants Grodner quittent donc le 45 de la rue Perronet à Neuilly-sur-Seine pour être très bien accueillis et vite intégrés à Serbonnes. Ils y fréquentent l'école du village avec Bernard Peteuil qui a le même âge de Claude Grodner.
La guerre frappe une première fois les Grodner en 1942. Alors qu’il tente de franchir la ligne de démarcation, le père est arrêté et interné et mis au camp de Beau-Désert à Mérignac tout près de Bordeaux. Par une chance extraordinaire, il sera néanmoins libéré. Mais l’alerte aura été chaude.
Début 1944, ce sera hélas infiniment plus dramatique. Oïzer Goldberg, le grand-père des enfants, est déporté sans retour par le convoi n° 67 du 3 février. Parti de Drancy vers Auschwitz, ce convoi emporte 1214 juifs. Ils ne seront que 26 survivants en 1945…
Les parents Grodner prirent alors la décision de déplacer les enfants.
En effet, les persécutions raciales s'intensifiaient. De plus, à Serbonnes, quelques voisins estimaient que les "petits Juifs allaient amener le malheur sur le village".
En conséquence, Eliane et Claude Grodner sont évacués chez les sœurs d’Eugénie Peteuil : Mathilde Faucher et Léontine Bouchaillou.
Pour ce voyage à risques, c’est Emmanuel Peteuil lui-même qui accompagne les deux enfants. Au passage de la ligne de démarcation, Claude, muni des papiers d'identité de Bernard Peteuil, n'eut aucun problème.
En revanche, faute de documents pour Eliane, Emmanuel Peteuil la dissimula habilement avec son imperméable. Les autres voyageurs du compartiment ne dirent rien... et le contrôle se passa sans encombre.
Arrivés au but du voyage : Theil, par Estivaux, Eliane est confiée à Mathilde Faucher, dite Marthe. Celle-ci était dans sa trentaine et s’occupait seule de la ferme car son mari était prisonnier de guerre.
Claude, lui, est pris en charge par Léontine Bouchaillou et par son mari Élie, parents de Maurice (né en 1926).
Avec beaucoup de gentillesse et d'humanité, les petits Grodner furent mis à l’abri de la guerre et de la Shoah jusqu'à l'automne 1944..."
Cérémonie à Serbonnes (DR).
De g. à dr. : Régine Sigal, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem,
Bernard Peteuil avec le Diplôme et la Médaille de ses parents,
Nicole Caminade, déléguée du CF.
L'une des jeunes qui, participant activement à cette cérémonie, la rendirent plus émouvante encore (DR).