lundi 7 juillet 2008

P. 55. Abel et Suzanne Fournier, Justes parmi les Nations

Suite de la page 43 décrivant la cérémonie de remise de diplômes et de médailles de Justes qui s'est tenue à la Mairie du 3e arrondissement de Paris, le 2 juin dernier.

En complément des échos déjà proposés sur cette longue cérémonie au cours de laquelle furent honorés de nouveaux Justes parmi les Nations, Viviane Saül, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem, propose cet article publié dans "la Ruche". Ce journal est celui de la Congrégation de Soeur Gisèle Fournier, fille d'Abel et de Suzanne Fournier. Les photos mises en illustration nous ont été aimablement transmises par Soeur Gisèle Fournier.

Suzanne et Abel Fournier, 1946 (Arch. fam. Soeur Gisèle Fournier)

- "Quel privilège et quelle grâce d’avoir été témoin – à l’invitation de notre sœur Gisèle - de l’hommage officiel rendu par l’Etat d’Israël à ses parents, Abel et Suzanne FOURNIER, deux des sept Justes parmi les Nations honorés le 2 juin 2008, à la Mairie du 3è arrondissement de Paris !
Françoise Gorioux, Mariannick Caniou et Marguerite Gohier participaient aussi à cette émouvante cérémonie, où se côtoyaient les familles des Justes et des personnes vouées à la mort parce que juives, mais sauvées grâce au courage de ces Français qui par humanité ont su affronter les pires dangers, au péril de leur vie et de celle de leurs proches.


Des sept Justes honorés ce jour-là, seul M. Robert CORNON, âgé de 92 ans, est encore vivant et il était là en personne, estimant qu’en sauvant des juifs il n’avait fait que son devoir…
« Quiconque sauve une vie sauve l’Univers tout entier » dit la phrase du Talmud gravée sur la Médaille des Justes, jointe au Certificat honorifique remis à un proche en cas de reconnaissance posthume. En outre, à Jérusalem, leurs noms sont inscrits sur le Mur d’honneur du Jardin des Justes à Yad Vashem. C’est la distinction suprême décernée par l’Etat d’Israël à des non-juifs en témoignage de la reconnaissance du peuple juif."



(De g. à dr. : Louis Grobart, vice-président du Comité Français, Soeur Gisèle Fournier recevant la Médaille et le Diplôme de Justes portant le nom de ses parents, Peleg Levi représentant l'Ambassade d'Israël, Madeleine Peltin Meyer et Viviane Saül, déléguées du Comité).

"Ses parents étant décédés, ce fut Gisèle qui reçut la Médaille des Justes en leur nom, avec une émotion partagée par les membres de sa famille, par ses amis, par nous ses sœurs, et surtout, sans doute, par Madame Dina MOYAL, venue exprès du Canada pour la circonstance, après avoir vécu un temps aux USA. Car cette dame, née en 1941, est l’une des sept personnes cachées et prises en charge par M. et Mme FOURNIER pendant deux ans et demi. « Leur dire merci, leur exprimer notre reconnaissance, c’est tellement insuffisant ! » disait-elle quelques moments plus tard. « Quatre-vingt quatre membres de notre famille sont morts dans la Shoah. Nous reconstituons peu à peu la famille, nous sommes maintenant trente-six. » Et sa voix s’est brisée lorsqu’elle a évoqué sa maman, Tobe FECHTER, arrêtée par la police française le 16 juillet 42. Par miracle, le policier qui l’emmène ne prend pas les deux filles. Il accepte qu’elles se rendent à une autre adresse, celle de leur tante.
Pour chacun des Justes, les circonstances de leurs actes de bravoure ont été évoquées, d’abord par les soins des responsables de Yad Vashem France, puis par des proches souhaitant s’exprimer."

( De g. à dr. : Madeleine Peltin Meyer, déléguée du Comité, Peleg Levi et Dina Moyal)

"En ce qui concerne Dina, en septembre 1942, elle se trouvait à l’Hôpital pour subir une opération des amygdales, accompagnée par sa tante, Madame Tsipa ZELIK, chez qui après l’arrestation de leur mère elle avait trouvé refuge ainsi que sa sœur Evelyne née en 1934. Une enfant de la famille Fournier s’y trouvait aussi. La tante fait part à M. FOURNIER de sa détresse : elle ne sait pas où aller pour être en sécurité. Celui-ci, membre du réseau de la Résistance de la SNCF, lui répond de ne pas s’inquiéter, il va s’occuper d’elle et des siens."

(Après la Libération : Mirka Zélik, Eveline Fechter, Marcelle Zélik, Mme Tsipa Zélik, Salomée Zélik et la petite Dina Fechter - Photo Arch. fam. Soeur Gisèle Fournier)

"Et c’est ce qu’il fit pendant deux ans et demi, de 1942 à la libération en août 1944, leur apportant généreusement soutien moral et matériel, mettant en outre à leur disposition une parcelle de terre pour leur permettre de planter et de cultiver des légumes. La famille habitait dans l’Yonne, sous une fausse identité au village de Vigny, à 150 km de Paris, dans une maison inoccupée voisine de celle de la famille FOURNIER. Tous les habitants savaient qu’il s’agissait de juifs, mais personne n’a parlé. Le danger était grand, car des troupes allemandes étaient stationnées à 1 km 500 du village et un poste de commandement où des résistants étaient arrêtés et torturés était installé à 5 km.

« Par pure fraternité et noblesse d’âme », M. et Mme FOURNIER ont pris de nombreux risques pour eux-mêmes et pour leurs deux filles, et nous nous associons à la gratitude de Madame Dina, pour exprimer à Gisèle nos sentiments d’admiration et de fierté à l’égard de ses parents. « Justes parmi les Nations », ils sont l’honneur de la France. J’ajouterai, en citant le psaume 112,2, « la race des justes est bénie ».

Au 1er janvier 2006, le titre de « juste » a été décerné à 21 308 personnes à travers le monde, dont 2 646 en France. Mais le livre des Justes ne sera jamais fermé, car nombreux sont ceux qui resteront anonymes, faute de témoignages.

Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l’humanité. Tous considèrent n’avoir fait rien d’autre que leur métier d’homme. Ils doivent servir de phares aux nouvelles générations.

(s) Marie-Madeleine PIOU."

Une vue très partielle de l'assistance dans la salle des cérémonies de la Mairie du 3e.

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