lundi 2 juin 2008

P. 43. Jour mémorable en la Mairie du 3e Arrondissement


Cérémonie à la Mairie de 3e Arrondissement de Paris pour 7 Justes parmi les Nations.

Ce 2 juin, les dévouées déléguées du Comité Français pour Yad Vashem, Madeleine Peltin Meyer et Viviane Saül, avaient en charge la remise de médailles et de diplômes aux noms de sept nouveaux Justes. Tous le furent à titre posthume, à l'exception de Robert Cornon.


Robert Cornon :

Max et Sarah Schpilman, originaires d’Ukraine, s’installent en France en 1908.
Ils auront sept enfants. Deux garçons et cinq filles. Georges, né en 1908, et Maurice en 1912. Eva en 1910, Madeleine en 1916, Berthe en 1921, Jacqueline en 1923, et Micheline en 1929.

Le Père est chapelier. Les Schpilman, domiciliés au 14, rue des Bourdonnais à Paris 1er, se lient d’amitié avec un voisin, Monsieur Robert Cornon, à qui ils doivent leur survie.

Durant l’occupation allemande, les deux fils sont en province, mais Georges sera interné à Gurs, puis déporté à Sobibor en 1943. Son Frère Maurice, arrêté à Nice, sera déporté à Auschwitz la même année, ils ne reviendront pas.
La famille est dispersée. Eva, Madeleine et Micheline sont réfugiées à Castres. Seules, Berthe et Jacqueline vivent avec leurs parents. Lors des grandes rafles de juillet 1942, les Schpilman risquent d’être arrêtés. C’est alors que Robert Cornon, sans hésiter, propose d’héberger toute la famille en lui apportant réconfort et aide matérielle, mettant ainsi sa propre vie en péril.
Le soir même, la police vient apposer les scellés sur l’appartement vide, mais cela n’arrête pas Robert Cornon. Prenant un nouveau risque, il brise les scellés afin de récupérer la machine à coudre des Schpilman, précieux outil de travail.

Robert Cornon se dévoue sans relâche. Ses protégés ne peuvent prendre le risque de sortir. Aussi, tout en travaillant lui-même, il va à bicyclette chercher le travail à façon pour le rapporter terminé. Ce qui permet leur subsistance. En outre, il assure leur ravitaillement et leur procure de faux papiers d’identité.

Les Schpilman restent cachés chez lui un certain temps, mais ils sont recherchés par la police allemande. Aussi, Robert Cornon trouve pour eux un refuge à Ivry S/Seine, où ils seront en sécurité jusqu’à la Libération, en août 1944.

Après la Libération, les Schpilman ont gardé de si bonnes relations avec Robert Cornon que leur fille Berthe l’a épousé en 1945.
Il est certain que sans cet homme admirable, la famille Schpilman n’aurait pas survécu.


Abel et Suzanne Fournier :

Juda et Tobe Fechter, originaires de Bessarabie, ont deux filles. Evelyne née en 1934 et sa sœur Dina en 1941.

En 1942, Juda Fechter est arrêté et envoyé dans un camp, mais il s’évade et se réfugie dans un hôpital psychiatrique. Il ne retrouvera sa famille qu’à la fin de la guerre.
En juillet 1942, la police française arrête Tobe Fechter. Par miracle, le policier qui l’emmène ne prend pas ses deux filles. Evelyne 8 ans, et Dina 1 an. Il accepte qu’elles se rendent à une autre adresse. Leur mère les envoie chez sa sœur Tzipa Zélik. Tandis qu’elle-même est internée à Drancy, puis déportée à Auschwitz dont elle ne reviendra pas.
Tzipa Zélik vient de subir un grave traumatisme. En juillet 1942, elle est arrêtée chez elle avec ses trois filles par la police française. Elles sont amenées au Vel d’Hiv puis à Pithiviers où leur déportation est prévue par le convoi 16, le 6 aout 1942. Le père a été réquisitionné, soi-disant pour travailler dans une usine d’uniformes allemands. Mais grâce à un mouvement de Résistance, il a pu se procurer un ausweiss qui libérera sa famille et lui permettra d’obtenir de faux papiers.
C’est à la suite de ces évènements que Tzipa Zélik recueillera Evelyne et Dina Fechter, les deux filles de sa sœur.

En septembre 1942, la petite Dina doit subir une opération des amygdales. A l’Hôpital, sa voisine de lit est une enfant Fournier. C’est ainsi que Tzipa Zélik fait leur connaissance. Totalement désemparée par les drames survenus dans sa famille, elle se confie aux Fournier, leur expliquant qu’elle ne sait où aller avec cinq enfants. Aussitôt, Abel Fournier promet aide et assistance. Faisant partie du réseau de résistance de la SNCF, il fait le nécessaire pour que celui-ci puisse mettre en lieu sûr ses sept protégés. Soit la famille Zélik : le père, la mère, et trois filles, ainsi que les deux enfants Fechter. Il les amène à 150 km de Paris, au village de Vigny, dans l’Yonne, et les loge dans une maison inoccupée près de la sienne (le propriétaire étant prisonnier en Allemagne).

Monsieur et Madame Fournier ont assuré les besoins de cette famille durant deux ans, de 1942 à la libération en aout 1944, leur apportant généreusement soutien moral et matériel, mettant en outre à leur disposition, une parcelle de terre pour leur permettre de planter et de cultiver des légumes.
Les habitants du village connaissaient l’identité et la situation de ces réfugiés, mais personne n’a parlé, alors que des troupes allemandes étaient stationnées à 1 km 500 et qu’un poste de commandement où des résistants étaient arrêtés et torturés était installé à 5 km.

Suzanne et Abel Fournier ont pris de nombreux risques pour eux-mêmes et leur fille Gisèle, née en 1932, durant cette période très dangereuse, par pure fraternité et noblesse d’âme.
Après la libération, les familles Fechter et Zélik ont gardé des sentiments de gratitude et d’amitié pour leurs sauveurs et leur fille Gisèle, entrée dans les ordres en 1957.


Théophile et Madeleine Larue (lire également la page 42) :

Au numéro 2 de la rue du Sabot, à Paris 6ème, vivait Monsieur Théophile Larue, agent de police, sa femme Madeleine, et leurs deux enfants, Monique et Alain. Dans le même immeuble, demeuraient plusieurs familles juives.
Grâce à son statut de policier en uniforme, aidé par son épouse Madeleine, Mr Larue a sauvé de nombreux juifs en grand péril durant toute la période de l'occupation, Il était en outre engagé dans le réseau "Ceux de la Résistance".

Dès le mois de mai 1941, époque des premières rafles, les Larue accueillent chez eux Léon Osman, lui évitant d'être envoyé au camp de concentration de Pithiviers. Ils l'hébergeront jusqu'en juillet 1942, date de son départ en zone libre.
Les multiples témoignages qui relatent leurs exploits expriment tous admiration et reconnaissance pour leur dévouement sans limites.
Le 15 juillet 1942, Monsieur Larue prévient tous ses voisins juifs de l'imminence d'une rafle importante.
De plus, les Larue cachent chez eux durant une semaine Madame Lichtensztajn et sa fille Fanny. Puis, pour faciliter leur départ en zone libre, il les accompagne lui-même à la gare d'Austerlitz. Ce qu'il a fait, aidé par un agent de la SNCF, pour plusieurs familles juives, au nez et à la barbe des allemands. En outre, il était en communication avec son beau-frère, Robert Cardot, résistant à Evreux, qui fabriquait de faux-papiers d'identité pour ses protégés.
Ses voisins Tobjasz arrivent de St-Quentin. Monsieur Larue est à la gare du Nord pour leur éviter d'être arrêtés, prenant ce risque pour lui-même. De plus, il se rend en pleine nuit dans leur appartement sous scellés pour retirer un stock de marchandise qui leur permettra de travailler et de survivre.

En novembre 1942, Monsieur Simon Glicensztajn est en grande difficulté, il est lui aussi accueilli et hébergé généreusement par le couple Larue.
C'est une période de tous les dangers, et Théophile Larue prend de plus en plus de risques. Dans le métro, il aborde les voyageurs porteurs de l'étoile jaune, effrayés probablement par son uniforme. Il les incite à retirer leur étoile et les avertit des futures rafles.

Bien souvent, les Larue hébergent dans la journée des petites filles juives et leurs mamans. La consigne, pour les enfants Larue, Monique et Alain, est d'affirmer qu'il s'agit de leurs petites cousines. Pour la nuit, Monsieur Larue les met en sécurité chez une concierge de la rue de Rennes.
En novembre 1942, leur voisine Madame Tobjasz est arrêtée et conduite à la préfecture. Que fait Théophile Larue ? Il revêt son uniforme et va immédiatement la chercher. Il demande à parler au responsable qui n'est pas dupe, prétend qu'elle n'est pas juive et qu'elle est la marraine de sa fille. Et le miracle a lieu, Madame Tobjasz est relâchée et n'oubliera jamais cet acte de courage extraordinaire.

Inlassablement, le policier résistant Théophile Larue poursuit son oeuvre de sauvetage jusqu’à la Libération à laquelle il participera activement, de la grève insurrectionnelle du 15 aout 1944 aux combats du 18 au 24 aout 1944.

Les périls étaient grands pour Madeleine et Théophile Larue, ainsi que pour leurs enfants, mais leur humanisme dominait et les a amenés à sauver de nombreuses vies.
Après la libération des relations de grande amitié ont perduré entre les Larue et leurs protégés qui n'ont jamais manqué de témoigner leur reconnaissance.

La page 42 porte les discours de remerciements aussi personnels qu'émouvants prononcés par les ayant-droits.

Jacques et Simone Rousseau :

Nous sommes en 1940. Robert Marx, comédien sous le nom de Robert Marcy, 22 ans, a quitté Paris avec ses parents et sa sœur Annette pour se réfugier dans un petit logement à Montpellier.
En 1942, la zone sud est occupée par les allemands, si bien que cette famille juive est en grand danger.

Robert Marx, qui ne peut plus exercer son métier de comédien, demande alors de l’aide à Hélène Duc comédienne également, qui avait été sa camarade dans plusieurs spectacles.
Hélène Duc, qui a reçu la Médaille des Justes le 24 novembre 2005, entreprend, au mépris de tous les dangers, de sauver la famille Marx.
Sa maman possédait une grande maison à Bergerac. Hélène la convainc d’abriter Robert durant quelques semaines, où il vit en toute sécurité.

Mais Hélène Duc cherche pour Robert une cachette plus sûre qu’elle finira par trouver chez un couple d’enseignants, Simone et Jacques Rousseau, au village de Peymilou, en Dordogne.
Jacques était Professeur de lettres classiques au Lycée Henri IV de Bergerac. Simone étant Directrice, les Rousseau logeaient dans la maison d’école, elle était précédemment en poste à St-Aubin de Lanquais où elle devait en outre assurer quelques heures comme secrétaire de mairie. Elle avait acquis une certaine maîtrise dans la confection de faux papiers, avec La complicité de la sous préfecture de Bergerac.
La famille se complétait avec deux jeunes enfants. Alain, né en mai 1939, et Françoise née en 1941.


Passionnés de théâtre, les Rousseau étaient entrés tout naturellement en contact avec les gens de ce milieu repliés à Bergerac, dont Hélène Duc.
Aussi, lorsqu’Hélène leur demande d’accueillir son protégé, ils acceptent aussitôt, le traitant comme un membre de la famille.

Durant plusieurs mois, entre 1942 et 1943, il sera logé, nourri et soigné avec générosité et désintéressement. De plus, une position de repli était prévue en cas d’alerte, pour se cacher dans la forêt, si bien que deux sacs à dos étaient prêts en permanence, en cas de fuite précipitée.
Ayant initié cette magnifique chaîne de solidarité, Hélène Duc poursuivra inlassablement son œuvre de sauvetage de Robert Marx et de sa famille. Trouvant pour ses protégés des refuges sûrs jusqu’à la libération qui verra leurs retrouvailles.


Grâce au courage et au dévouement de ce réseau de bienfaiteurs : Simone et Jacques Rousseau, dont ce ne fut pas le seul acte de résistance, Hélène Duc, amie dévouée et intrépide, la famille Marx a échappé au pire.
L’amitié entre Hélène Duc et Robert Marx a perduré à travers les années. De plus, ils ont eu la joie de retrouver la trace de la famille Rousseau, qu’ils souhaitaient depuis longtemps voir honorer au titre de Justes.


Que Viviane Saül soit remerciée pour la transmission de tous ces documents éclairant la cérémonie de ce 2 juin.

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